Depuis
le début de l’année, ceux qui se désignent à Paris sous l’appellation
des « Combattants » font annuler les concerts des artistes musiciens
congolais dans l’Hexagone.
Initié par les Congolais de Grande-Bretagne, ce mouvement de protestation s’est étendu dans toute l’Europe.
Le chanteur Papa Wemba, qui a reçu notre correspondant à son domicile
parisien, évoque avec un brin d’amertume cette actualité qui fait couler
beaucoup d’encre.
Que reprochent les «Combattants » aux artistes musiciens congolais ?
On nous reproche un certain nombre de choses. Cette histoire a déclenché tellement de vagues qu’il est inutile d’y revenir.
L’actualité est importante …
Ne perdons pas la tête. Nous sommes tous des Congolais. Et lorsque dans
une famille il y’a un ou des problèmes, il faut se réunir sous l’arbre à
palabre pour réfléchir sur les moyens et aux synergies à déployer pour y
mettre fin. Je dis à mes frères « Combattants» : arrêtons de nous taper
dessus et fumons le calumet de la paix.
Les « Combattants » ne refuseront peut-être pas votre approche de choses…
Les « Combattants » sont des hommes et des femmes intelligents. Je peux
compter sur eux. Et c’est être de mauvaise foi que de refuser cette main
tendue.
Alors, pourquoi n’organisez-vous pas une rencontre avec eux comme l’a proposé le chanteur Dona Mobeti ?
C’est mon souhait. Il faut que nous mettions tout en œuvre pour que
cette rencontre ait lieu car je ne veux pas que mes frères et sœurs «
Combattants » aient à l’esprit que les artistes musiciens congolais
roulent pour le pouvoir en place à Kinshasa. Ce n’est pas vrai. Nous ne
collaborons ni avec la majorité présidentielle, ni avec l’opposition.
Nous ne sommes pas des hommes politiques, encore moins leurs larbins.
Vous voulez dire par là que Papa Wemba ne soutient pas Joseph Kabila…
J’ai beaucoup de respect pour le président de mon pays. C’est dans ce
sens que je soutiens Joseph Kabila et je l’assume. Si c’était
Jean-Pierre Bemba, Etienne Tshisekedi ou un des « Combattants » à sa
place, je l’aurai soutenu de la même manière. Il faut dire aussi que
Kabila n’est pas l’homme que l’on vous dépeint dans les médias et sur
des réseaux sociaux. L’avenir du Congo le préoccupe autant que les
autres. Il veut travailler pour faire avancer le Congo. S’il y’a quelque
chose de mauvais en ce président, cela vient peut-être de son
entourage. Le vrai problème, à mon avis, c’est qu’on a inculqué aux «
Combattants » que Kabila est un Rwandais. Tout le monde s’est focalisé
là dessus !
Vous voulez dire que les « Combattants » sont manipulés…
J’ai tendance à le croire.
Par qui, selon vous ?
Par certains opposants en mal de pouvoir qui utilisent les réseaux
sociaux pour répandre leurs mensonges. Honoré Ngbanda est de ceux-là.
Les artistes musiciens congolais ont-ils conscience de la misère dans laquelle vit la population ?
Bien sûr que nous en sommes conscients. Nous vivons avec le peuple au
quotidien. Nous sommes donc bien placés pour en parler et chacun de nous
compatit à sa manière. Werrason s’occupe avec sa fondation de plus de
200 enfants de rue. Voilà une action qui mérite d’être soulignée.
J’entends dire que l’artiste musicien congolais ne défend pas
suffisamment la cause du peuple à l’instar de ses pairs des autres pays
d’Afrique. Sommes-nous obligés de faire du mimétisme ? Au Congo, on ne
pratique pas une musique engagée.
On vous reproche également de véhiculer les obscénités dans vos chansons
et les danses sont indécentes, sachant que vous êtes dans l’obligation
de servir d’exemple pour la jeunesse congolaise…
L’artiste musicien puise son inspiration dans son environnement immédiat
et chante les choses de la vie de tous les jours, parce qu’il vit dans
une société dans laquelle il est profondément enraciné. Il partage
beaucoup de valeurs de cette société. Quant à la recrudescence des
danses obscènes sur le petit écran, je dirai que ces danses ont toujours
existé au Congo.
N’appartient-il pas aux médias de savoir raison gardée et de ne pas tout faire passer ?
Dans les sociétés traditionnelles africaines, ces danses, encore une
fois, ont toujours existé. Alors que diriez-vous de la danse des jumeaux
quand on célèbre leur naissance considérée comme un événement ?
On peut aussi demander aux danseuses de travailler dans la créativité
tout en évitant de divulguer certaines parties de leurs corps…
Le problème est que ce genre de danses ne convient pas à certains esprits mal intentionnés.
Pourquoi l’action des « Combattants » a-t-elle un tel impact, selon vous ?
C’est parce qu’il s’agit de l’artiste musicien congolais. Notre musique
comme tout le monde le sait domine l’Afrique depuis les années 50. Comme
je l’ai toujours dit, nous sommes la cellule créatrice ou la matrice de
la musique africaine. Au Congo, nous regorgeons de talents sans cesse
renouvelés. Nous sommes respectés de par le monde pour notre savoir
faire. Nous sommes fiers de cela. Donc, tout ce qui touche l’artiste
musicien congolais ne peut qu’intéresser le commun des mortels. Et notre
renommée, nous l’avions avant Joseph Kabila.
Avez-vous un message à transmettre aux « Combattants » ?
Encore une fois, fumons le calumet de la paix. C’est dans l’intérêt de
notre pays. Nous souhaitons tous que notre pays aille de l’avant, qu’il
soit compétitif sur le plan africain et mondial. Restons unis. Ne
laissons pas le choix à l’ennemi qui cherche à nous opposer. Nous sommes
frères et compatriotes, battons-nous pour reconstruire notre cher et
beau pays, le Congo.
Comment se porte l’album « Notre Père » ?
Très bien. Actuellement, il est l’un des meilleurs albums congolais qui
se vendent le mieux sur le marché du disque. J’en suis satisfait.