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L'échec des mesures fiscales environnementales françaises

Publié le 03 avril 2011 par Rcoutouly

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Au moment du Grenelle de l'Environnement, un immense espoir était né : on allait enfin se donner les moyens d'une véritable politique écologique en France. Les entreprises, les politiques et les écologistes avaient trouver des terrains d'entente. Des mesures consensuelles étaient prêtes. Quatre ans après, le soufflet est largement retombé et la majorité des acteurs économiques et politiques semblent désabusés.

Pour comprendre ce qui s'est passé, on peut chercher des boucs émissaires, mais la vérité est plus simple et pragmatique : les méthodes choisies ont été mauvaises, particulièrement dans le domaine fiscal. Démonstration.

1-Les mauvais "réglages" de la fiscalité environnementale:

Premier exemple, les pompes à chaleur : Après le Grenelle, une série de mesures vont permettre de favoriser les économies d'énergies. Parmi celles-ci, prenons la mesure fiscale qui permet de développer les pompes à chaleur. Pour l'achat et l'installation de ce matériel, le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt. Celui-ci est dans un premier temps de 50%. 

Cette mesure montre toute l'efficacité des incitations fiscales : les ventes explosent, le secteur se porte très bien, les entreprises qui fabriquent, commercialisent et installent des pompes à chaleur se développent.

Mais à partir de 2009, le crédit d'impôt passe de 50% à 40% puis à 25% en 2010. L'annonce de cette diminution entraîne une explosion des ventes. Chacun voulant s'équiper avant la date fatidique du 1er janvier 2009.

Début 2009, le secteur voit ses ventes s'effondrer, le secteur ralentit, les réductions des emplois ne sont plus loin. L'effet d'aubaine est passé. Les entreprises qui ont investi devant les commandes se retrouvent avec des chaînes de montage, des stocks et du personnel inutiles : le temps est venu des plans sociaux...

Dans cet exemple, le crédit d'impôt montre aussi un autre de ses défauts. Les particuliers, qui s'équipent en pompe à chaleur, étaient souvent davantage motivés par la réduction d'impôts que par l'amélioration de l'efficacité énergétique de leur logement. Certains entrepreneurs, peu scrupuleux, n'hésitaient pas alors à majorer leur devis, sachant que plus la facture était importante, plus la réduction d'impôts l'était aussi.

L'effet pervers était en place: le crédit impôt étant important, le coût de cette avantage fiscal devient considérable pour l'Etat qui décide de baisser brutalement son taux. Le secteur alors s'effondre.

On a vu l'an dernier, le même phénomène se produire dans le photovoltaïque. Le prix garanti de rachat de l'électricité (6 fois le tarif normal) pendant 20 ans a permis une croissance exponentielle du secteur. Mais, à ce rythme, le coût pour le consommateur allait devenir énorme. Le gouvernement décide alors, après un moratoire de 3 mois, de diminuer ce prix de rachat. Le secteur subit une forte décélération. 

Le bonus-malus dans l'automobile a rencontré moins de problèmes. Mais contrairement à ce que pensaient ses concepteurs, le système ne s'est pas équilibré: les bonus ont toujours été plus élevés que les malus. La facture  pour l'Etat n'a fait que gonfler malgré plusieurs régulations. C'est bien la preuve que ces mesures fiscales sont d'une redoutable efficacité. Mais ces changements de bonus-malus démontrent que ces mesures fiscales nécessitent une démarche de régulation pertinente.

 2-Quelques principes de base pour réussir une fiscalité verte efficace:

Quelles conclusions faut-il tirer de ces expérimentations? 

Deux points positifs se dégagent :

-dans ces dispositifs, la contestation, traditionnelle en France par rapport à la fiscalité, s'est peu exprimée. Les démarches choisies étaient donc intéressantes parce qu'elles paraissaient légitimes à une majorité de contribuables.

-techniquement, l'installation de cette fiscalité ciblée ne semble pas poser de problèmes particuliers.

Par contre, ces démarches doivent s'améliorer, sur un certain nombre de points. La fiscalité environnementale est une démarche relativement neuve, dont les bons "réglages" ne sont pas encore au point.

Trois idées doivent retenir notre attention:

La bonne pratique en ce domaine consiste à installer une progression décennale connue à l'avance par les acteurs concernés: par exemple, 1 euro la tonne la première année, puis 1,5 euro la deuxième année. La démarche progressive permet, en commençant assez tôt, et faiblement, de ménager les particuliers ou entreprises concernés. Et le caractère inéluctable les oblige à anticiper et à s'adapter  à la nouvelle donne fiscale. Elle permet aussi l'anticipation des entreprises et facilite les décisions des différents acteurs qui vont pouvoir faire des choix "objectifs".

Mais, on l'a vu dans le cas du crédit d'impôt pompe à chaleur ou dans celui du bonus-malus automobile, si un dispositif fiscal est trop cher, le pouvoir politique sera tenté de le rogner et de ne pas respecter son engagement de progression décennale connue. Il faut donc inventer des dispositifs fiscaux conçus autour de l'équilibre des finances du système: il ne doit rien coûter à la collectivité. Pour cela, les dépenses étant prévisibles, il faut que l'utilisation de l'argent récolté soit en équilibre rigoureux avec les recettes. 

Les méthodes choisies doivent éviter la création "d'effets d'aubaine" pour les petits malins qui auraient la bonne idée de détourner le système incitatif ainsi conçu pour s'en mettre plein les poches et participer au gaspillage de l'argent public. Ainsi il faut éviter le crédit d'impot et ses effets pervers,  il semble préférable de privilégier la prime à l'investissement, à condition qu'elle soit correctement encadrée.

En conclusion, il en est de la fiscalité environnementale comme du moteur à explosion, il a fallu aux inventeurs de nombreux réglages, ratages, des remises en questions et des pannes. Progressivement, les inventeurs ont su trouvé la bonne méthode pour faire fonctionner "comme une horloge" nos moteurs à explosion. Il faut faire la même chose en politique. La critique facile, manichéenne et simpliste que l'on trouve souvent sur internet est facile à formuler mais nos sociétés complexes réclament davantage de subtilités et de discernements.

(Merci à Bernard dont les informations sur le secteur de la pompe à chaleur m'ont permis d'écrire cet article)

Pour aller plus loin:

Trois principes de base pour une fiscalité environnementale efficace

La fiscalité environnementale doit contribuer à l'égalité républicaine

Il faut découpler la fiscalité environnementale du budget de l'Etat


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