Le livre est la narration d'une épopée sur le fleuve des enfers où Gianluca, l’enfant chéri d’amour, est en train de se noyer. La sainte femme compte bien arracher la chair de sa chair, celui qu'elle appelle aussi son tresordenfant, des griffes de tous les vampires qui lui sucent la moelle.
L'amour de Marina est aveugle. Elle vit la passion des femmes méditerranéennes mais sa dévotion est lucide. Et c’est là que le récit est poignant parce que une fois épuisées toutes les méthodes traditionnelles elle va avoir recours à la dernière extrémité, celle à laquelle aucune mère ne peut songer sans effroi, elle va dénoncer son fils à la police.
Avant-dernier livre de la sélection littéraire en lice pour le Prix Robinsonnais, ce roman n’est pas facile à lire et pourtant la musique qu’il dégage est si forte qu’on ne peut pas s’en détacher une fois qu’on en a commencé la lecture. Il se dévore en quelques heures et même si on ne partage pas la manière de voir de la mère, ni ses méthodes éducatives qu’on peut juger a priori un peu laxistes, on ne peut s’empêcher de se laisser entrainer par cette histoire, écrite avec rage et qui dégage la puissance d’un opéra.
Le récit est un monologue écrit comme un dialogue, faisant alterner des narrations avec des incantations lyriques. Il aborde sans concession le thème de la dépendance, tant à l'égard de substances chimiques que sur le plan affectif. Malgré des scènes d'une violence inouïe, le roman n'est pas oppressant et le message est limpide.
Très connu en Italie, Pino Roveredo est désormais écrivain et journaliste. Caracreatura est le premier de ses romans à avoir été traduit en français. Les origines de l'auteur sont modestes; il a travaillé en usine et connait bien les milieux toxicomanes. Il a aussi fait l'expérience de la prison à 17 ans. Rien d'étonnant donc à ce que son roman résonne avec authenticité. "Le but de ma vie, dit-il c'est de m'occuper des autres. Je suis un ouvrier de la rue et les histoires des autres je les couds sur ma peau."
Caracreatura de Pino Roveredo, chez Albin Michel, 2010