Certains vous diraient que je passe ma vie au cinéma. Que je suis un rat de salles. D’autres trouveraient l’appellation exagérée, d’autres qui s’assoient encore plus souvent que moi devant un grand écran (on trouve toujours plus assidu que soi). Je connais mes lacunes, et il m’arrive parfois de les regretter. Comme toutes ces salles que je n’ai jamais explorées, moi qui me considère comme un amoureux des salles, justement. Ma maniaquerie commence d’ailleurs par cet amour des salles, un amour qui fait que je manque souvent de motivation pour regarder un film à la télé. Quand on a goûté au plaisir du grand écran, comment se contenter d’un écran de salon ? J’ai du mal.
Et pourtant donc, malgré cet amour des salles, je me surprends régulièrement à me rendre compte qu’il y en a encore tant, dans ce Paris que j’ai fait mien, tant que mes yeux n’ont encore jamais admiré de l’intérieur. Vous voulez des noms ? L’Accattone, le Studio des Ursulines, le Lucernaire, la Pagode, le Brady, le Majestic Bastille, l’Escurial Panorama, le Denfert, l’Entrepôt, le Chaplin (Saint-Lambert), le Studio 28… Et sûrement un ou deux autres. Il existe des dizaines de cinémas à Paris, et par eux des centaines de salles... cette douzaine de cinémas que je ne connais que de nom et de vue ne doit pas être tant que cela, après tout, d’autant qu’il y en a sûrement dans le lot que j’ai déjà visités il y a quelques années sans m’en souvenir, c’est possible.. Mais que voulez-vous, cette curiosité cinéphile qui vous remue, elle passe aussi par la curiosité de connaître chaque lieu clé de la capitale mondiale de la cinéphilie.
Chacun a ses petites habitudes où il aime aller frayer son caractère de spectateur, moi le premier. Pour voir une nouveauté, je descends à l’UGC Ciné Cité Les Halles à quelques pas de chez moi. Pour un film d’auteur plus pointu, mon cœur balance entre l’Élysée Lincoln, le Balzac et le Reflet Médicis. Côté mk2, j’aime la tranquillité et le confort du Hautefeuille, quand Beaubourg m’étouffe et les coups de pieds incessants me labourant le dos au mk2 Bibliothèque m’insupportent. Et quand je veux voir un vieux film, je file à la Filmothèque du Quartier Latin ou au Grand Action. Ajoutez à cela un petit Max Linder Panorama de temps en temps pour les envies de grandeur, le Publicis pour les sorties techniques et son calme voluptueux, la Cinémathèque et le Forum des images à l’occasion, et voilà ma zone cinéphile définie.
Mais de temps en temps, sortir de sa zone de confort, c’est d’autant plus vital que l’envie de découverte, l’envie de nouvelles têtes, de nouveaux fauteuils, de nouveaux écrans se fait sentir. Ainsi le week-end dernier, sans que cela soit prémédité, j’ai exploré deux salles parisiennes que je n’avais jamais testées. Le Cinéma du Panthéon tout d’abord. Située à une rue de la Filmothèque, rue Victor Cousin, la salle voisine du Jardin du Luxembourg avait en 2006 été refaite à neuf et parrainée par Catherine Deneuve elle-même. Je ne m’en suis souvenu qu’en pénétrant dans cette salle unique, l’une des plus anciennes de Paris puisqu’elle programme des films depuis 1907 (!!), en découvrant ce hall design, puis cette salle de belle taille, à plat sans que cela soit trop gênant grâce à un écran conséquent et à des fauteuils joliment colorés et surtout très confortables (c’est le maniaque qui parle ici). J’ai pu y apprécié le dernier Ken Loach, Route Irish, qui malgré son passage en compétition au dernier Festival de Cannes est sorti en toute discrétion dans les salles françaises, sans soulever le moindre enthousiasme, ni critique ni public. Il faut dire qu’on est loin de ses œuvres les plus fortes.
L’autre salle que j’ai découverte le week-end dernier, je ne suis pas le seul à ne pas encore bien la connaître. Car Le Nouvel Odéon est flambant neuf depuis que le Racine Odéon a été démoli et reconstruit sous ce nouveau nom à l’automne dernier. Elle offre moins de fauteuils qu’avant les travaux (passés de 175 à 120), marquant le désir d’offrir aux spectateurs une qualité de projection optimale, et c’est réussi (même si un WC unique pour toute la salle, c’est short les gars, vous auriez pu prévoir un chouia plus large pour ne pas tomber dans le travers de la salle rouge de la Filmothèque…).. Si je suis allé au Nouvel Odéon ce jour-là, c’était pour découvrir Soleil Vert de Richard Fleischer, que je n’avais jamais vu, même si c’est le genre de film que l’on connaît sans l’avoir vu tant on en a entendu parler. Un film sur les dérives de la société et les inquiétudes environnementalistes fascinant qui mérite son statut de classique, projeté dans le cadre d’un festival tournant autour du thème du cannibalisme au cinéma…
Ce jour-là d’ailleurs, je n’étais pas le seul à tester pour la première fois la salle du Nouvel Odéon et à être attiré par Charlton Heston. A peine installé dans mon délicieux fauteuil, qui ai-je vu débouler en s’agitant devant la découverte de la salle neuve, commentant au passage ces nouveaux fauteuils contre lesquels il allait pouvoir s’appuyer, assis sur le sol, à son premier rang, exilé vers la droite ? Eh oui, l’homme aux sacs plastiques, encore lui, qui en ce jour ensoleillé ne dépareillait pas avec son habituel T-shirt. Ces marmonnements familiers m’ont révélé que lui aussi découvrait ce jour-là le Nouvel Odéon. Vers quel film et quelle salle a-t-il couru ensuite, je ne saurais le dire. Mais l’idée de partager à l’avenir le souvenir de la découverte de la salle du Nouvel Odéon avec lui, un souvenir convergeant vers le même jour, la même séance et le même film, voilà une idée qui me plait.
Petite anecdote, il s’agissait là du 300ème billet que j’ai écrit depuis les débuts de l’Impossible Blog Ciné en décembre 2008. J’espère qu’au gré des 300 suivants, je découvrirais encore de nouvelles salles à Paris…