Après avoir été assistant de Martine Sitbon puis directeur artistique de Loft Design By à l’origine de la modernisation du label parisien, Yun Seong Bo a lancé sa marque Baron Y dans une petite boutique rue de Poitou. Les fans de la marque s’y bousculent dans un minuscule écrin où se conjuguent mode femme, homme et accessoires dans un style dandy-rock. 2 ans plus tard, Yun Seong Bo déménage dans un espace à la hauteur de son talent, une très belle boutique rue Charlot où il présente également des produits de créateurs qu’il a lui-même sélectionné. Seong Bo nous en dit plus sur son label et sa nouvelle boutique.
Je suis passé par beaucoup de maison. D’abord chez Charles Jourdan où je m’occupais de l’homme. Je voulais apprendre le côté business et licence dans une grande maison de tradition. Ensuite chez Martine Sitbon pour le décalé, la créativité, le côté anglo-saxon. Elle est française mais elle a toujours eu une mode très rock anglais. Je suis ensuite devenu directeur artistique de Loft Design By, c’était un peu par hasard. Ils cherchaient un DA pour relooker leur marque. Il y avait un côté un peu global et un vrai challenge. J’ai injecté dans la marque une touche de rock, des collections plus amusantes, fun. J’ai relooké le flagship de la rue de Rennes. Après Loft, j’ai décidé de lancer ma marque. C’était en 2006.
Est-ce que cela a été utile d’avoir toutes ces expériences précédemment ?
Oui, cela m’a bien servi. Il est important de connaître les contraintes, les prix, les ventes, toute la partie business qu’on oublie en tant que créateur. C’était bénéfique.
Comment as-tu commencé ?
Au début, j’ai lancé avec une dizaine de modèles de mailles et de tshirts pour hommes. J’ai eu beaucoup de demandes de filles, donc j’ai ajouté ensuite une collection femme. Après, je voulais avoir une boutique à moi donc j’ai ouvert rue de Poitou où je suis resté 2 ans. J’ai pris confiance en moi vis-à-vis des clients et j’ai agrandi avec une nouvelle boutique rue Charlot. Tu trouveras Baron Y quasi exclusivement dans cette boutique. Le style est pointu et vu le prix, c’est difficile de vendre en multimarque. Tout est Made in France, avec de belles matières,
de la dentelle japonaise hyper chère, je me casse la tête sur la coupe, le tombant…
On est vraiment à la frontière du luxe…
Oui, il y a tout du luxe : les matières, les détails, la façon… Je parle de luxe intérieur. Je cherche des détails qu’on ne voit pas à l’extérieur, mais qui font la beauté du vêtement. Mais le prix reste celui d’un créateur.
Quel est le style Baron Y ?
Je déteste le côté fast-fashion où la mode devrait changer chaque année. Il y a un style Baron Y que je décline chaque année. Tu mélanges le côté anglo-saxon rock et le côté classe élégance du dandy français, avec une pointe de romantisme. Il y a aussi un côté mode d’intérieur, en anglais, je parle de Sunday best life.
Comment t’es venu le nom Baron Y ?
Je ne suis pas français, donc d’un point de vue étranger, je cherchais un nom d’aristocrate français pour le côté français et lux décalé subtile. J’ai pensé à Baron bien avant la boite du même nom. C’est venu par hasard. Et le Y pour Yun, mon nom de famille.
Et le slogan Born in Chouette Paris ?
Je voulais mettre en avant le Made in Paris, j’ai pensé à ce slogan avec Chouette dans le sens de cool.
Tu fabriques tout à Paris ?
Oui, je fais pratiquement tout à Paris dans mon propre atelier. En France, je fais aussi des accessoires comme des Panama.
Tu parles d’esprit rock, mais c’est un rock assez sophistiqué…
Oui, l’esprit rock pour moi est une attitude, une manière de penser, une manière d’être. Ce ne sont pas des clous, du cuir déchiré, ce n’est pas ça. Je déteste le côté cliché du rock, ce n’est pas rock à la manière de Balmain. Ce n’est surtout pas ce que j’ai envie de faire. C’est plus sur ta manière, ton attitude, ta façon d’être. Tu peux t’habiller basic en ayant un côté hyper rock.
Quels sont les créateurs qui t’inspirent ?
J’aime beaucoup Hedi Slimane pour son passage chez Dior mais aussi St Laurent, il est mon idole ! J’adore Ann Demeulemeester et puis le côté théâtral et le travail magnifique chez McQueen. J’adorais Martine Sitbon avant… Maintenant, c’est racheté par un groupe hongkongais et ce n’est plus pareil.
Comment travailles-tu tes collections ?
Je dessine d’abord l’homme que je décline ensuite sur la femme. Un manteau à la base homme sera décliné même esprit pour la femme, de même pour les cabans. Ma collection femme est assez masculine. J’adore un manteau très structuré et dandy, mais aussi une robe super féminine à tomber. C’est un mélange d’Hedi Slimane version femme et Kurtney Love. C’est hyper dentelle, hyper guêtre, hyper féminin. C’est mon idéal. Je mélange le côté Kurtney Love et Patti Smith. Cela n’a rien à voir tous les deux, mais j’aime les mélanger.
Quels sont justement tes icônes de rock ?
J’adore PJ Harvey, elle a un côté glam rock qui est tout ce que j’aime. Patti Smith aussi et les photos de son compagnon Mapplethorpe. J’avais vu une de ses expositions à Berlin et j’adore. En tant que créateur, on est nourri par l’art.
Tu as aussi collaboré sur une collection avec Roche Bobois…
J’essaye de toucher à tout, j’ai envi de m’exprimer. J’ai dessiné des coussins Baron Y en collaboration avec Roche Bobois. Ils sont en vente dans ma boutique et chez eux. Mais j’ai envie de lancer des sous vêtements pour homme pour montrer le côté lifestyle.
Tu vends aussi d’autres produits dans ta boutique ?
Oui des coups de cœur, souvent des amis comme Junko une japonaise chez qui je sélectionne ce qui colle à mon univers. En salon, j’ai découvert une artiste qui utilise des crins d’oiseau, un côté un peu taxidermiste. Je montre son travail dans mon espace. J’ai aussi les crèmes Detaille, la plus ancienne maison parisienne pour les bougies et les parfums. Je connais le patron qui est très militant. Il veut garder l’esprit de la maison française avec son histoire. Il me laisse de petites quantités pour la boutique.
Tu te vois où dans 5 ou 10 ans ?
Prochaine étape, une 2e boutique à Paris ensuite Londres et ailleurs. Je veux me développer avec mes boutiques et avoir une 2e ligne moins chère avec tshirt, mailles, accessoires pour vendre en multimarques. J’ai commencé une petite collaboration avec la marque chinoise JNBY. Je connais le responsable de la distribution en Europe, on en a parlé. Tu les trouves dans ma boutique mais aussi à Pekin.
Tu aurais envie de faire défiler tes collections ?
J’ai envie de défiler mais il faut avoir les moyens… Un défilé c’est plus visible, c’est pour te montrer, mais avec cet argent, je préfère investir dans ma boutique. Quand on est autofinancé, on ne peut pas tout faire.
Il est difficile pour un créateur d’avoir des parutions presse…
Surtout sans attaché de presse. Moi, je suis de l’école de Martine Sitbon. Elle avait pour politique de ne pas parler à tout prix aux journalistes. On n’a pas beaucoup de moyen, mais on doit garder la tête haute et notre fierté. Je marche vraiment par le bouche à oreille, j’ai des parutions dans beaucoup de magazine parce qu’on reconnait mon travail, mais aussi sur les blogs, Caroline Daily vient souvent à la boutique.
Tu as des adresses à recommander sur Paris ?
Pour les chaussures, je vais toujours chez Pierre Hardy… mais sinon pour le shopping, le mieux c’est Berlin ou Londres.
Tu as été professeur à l’ESMOD, qu’est ce que tu penses de la formation de styliste en France ?
J’y ai été pendant 3 ans où je faisais stylisme homme et couture. Il faut savoir transmettre un savoir faire, c’est intéressant. Mais je n’étais pas très d’accord avec la pédagogie et la façon d’enseigner à l’ESMOD. Ils ne laissent pas assez de place à la créativité. ESMOD leur point fort, c’est le côté technique, le patronage. Pour être modéliste, il faut faire l’ESMOD, pour être créateur, on apprend en travaillant.
En France, tu n’as pas d’équivalent de la St Martins de Londres. L’IFM c’est le coté marketing. Studio Berçot, c’est créatif, mais il manque le côté technique. Il y avait un projet mené par Isabelle Khanh, j’espère qu’ils vont le faire.
Est-ce que tu recommanderais à des jeunes qui se lancent de passer d’abord par une maison ?
Tu prends des jeunes comme Devastee qui ont été mes élèves à l’ESMOD. Ils sont tellement créatifs, ce n’est pas possible pour eux de travailler ailleurs. Mais en général, c’est idéal de travailler pendant 2 ans pour une maison et de lancer sa marque après. Quand tu sors d’école, tu es encore tout jeune. Une maison aide à comprendre le milieu et à se structurer.
Merci Seong Bo !!
Shop Baron Y
54-56 rue Charlot, Paris 3e
www.baron-y.com