Il y a ceux qui parlent de la jeunesse et ceux qui parlent à la jeunesse. Contrairement à d'autres ténors socialistes, Martine Aubry appartient incontestablement à la seconde catégorie, elle qui s'est fendue samedi 2 avril d'un long discours à la jeunesse devant un auditoire enthousiaste de Jeunes Socialistes rassemblé dans le 15ème arrondissement.
Tout le monde connaît l'aphorisme mitterrandien " si la jeunesse n'a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ". Parler à la jeunesse impose tout d'abord de la connaître, et donc l'écouter. C'est dans cet esprit de dialogue que Martine Aubry est venue entendre les 21 propositions du MJS pour 2012. Retour sur un moment d'échange qui préfigure la dynamique que devra forger le ou la candidat(e) des socialistes et de toute la gauche pour mettre au tapis nos ennemis de droite et d'extrême-droite.
Les propositions de Martine Aubry à la jeunesse semblent largement en phase avec ses aspirations, mais aussi avec les thématiques traditionnelles de la jeune gauche. Martine Aubry a commencé en formulant une critique sans concession du libéralisme. La 1ère secrétaire a conspué les " rentiers ", cette infime minorité, qui impose à l'écrasante majorité, pour satisfaire ses intérêts égoïstes, une véritable " lutte quotidienne pour survivre ". Elle a dénoncé " un monde d'héritiers [où] le bonheur de quelques-uns est indexé sur le malheur de tous les autres ". Confiante, Martine Aubry a affirmé que cette mise en concurrence des salariés à l'échelon national et au niveau international, cette fuite en avant à laquelle se prête le libéralisme trouvera bientôt sa fin, puisque la jeunesse, avenir de ce monde, est de plus en plus consciente que l'on est " né pour autre chose que de travailler ".
Contrairement à François Hollande qui a pourtant érigé la jeunesse en " thème principal pour 2012 ", Martine Aubry a repris à son compte la revendication historique du MJS et de l'UNEF, celle de l'allocation à l'autonomie, " aide unique et universelle [...] attribuée à tous les jeunes sur la base d'un projet de formation et liée à la poursuite effective de ce projet ". La 1ère secrétaire offre à ce projet identitaire pour la jeune gauche un débouché politique, comme l'ont fait par le passé les candidats socialistes aux dernières échéances présidentielles, ce que -pour l'instant- se gardent bien de faire le président du Conseil Général de la Corrèze et le président du FMI... Nous disposons de l'outil politique à même de permettre aux jeunes de se consacrer à leur projet d'avenir (étude, formation, innovation) sans tomber dans le dilemme cornélien auquel ils sont de plus en plus confrontés : dépendre de leurs parents et réfréner leur soif d'indépendance ou travailler pour se financer de façon autonome au risque d'échouer dans leur projet. Aux socialistes et à la gauche de se saisir de cet outil-phare, dont des couches profondes de la jeunesse entendront parler parfois pour la toute 1ère fois dans la cadre de la campagne de 2012 ! C'est ainsi que se prépare l'alternative.
La 1ère secrétaire a également promis à la jeunesse une autre politique à son encontre que celle mise en place par la droite sécuritaire derrière le 1er flic de France depuis bientôt 10 ans. Martine Aubry a défendu devant les jeunes du MJS " une politique qui ne les stigmatise pas, ne les considère pas comme une menace ". Aux dire de la 1ère secrétaire, 2012 sera le moment où il faudra donner un coup d'arrêt à la politique de régression sociale et d'exclusion mise en œuvre par Sarko, car contrairement à ce que pensent tous les réactionnaires, la jeunesse n'est pas un problème pour notre pays, c'est la solution, c'est l'avenir !
En ce bel après-midi d'avril, le discours ne fut pas unilatéral et ce fut l'occasion pour les Jeunes Socialistes, en la personne de Laurianne Deniaud, leur présidente, de présenter à la 1ère secrétaire leurs propositions pour 2012. Le tout dans un discours offensif où l'aversion traditionnelle des JS pour les thèses du " F-Haine " affleurait sans discontinuer. La présidente du MJS s'en est prise violemment à Marine Le Pen par ces mots. " Vous qui débauchez quelques syndicalistes égarés pour repositionner votre marque de la grande bourgeoisie réac sur le terrain social, avez-vous déjà eu le courage un jour, de venir dans une manifestation pour le pouvoir d'achat ? [...] Vous êtes finalement comme l'a toujours été votre famille politique. Lâche et menteuse, incapable d'affronter les problèmes du monde ".
Si Martine Aubry a repris " majeure partie, pour ne pas dire la totalité ", des " huit engagements " que le MJS venait de présenter, on ne peut que regretter le silence de la 1ère secrétaire sur les propositions les plus hardies des Jeunes Socialistes. En effet, partisans d'une gauche décomplexée qui ne se contente pas d'affronter idéologiquement le libéralisme, mais qui ne craint pas de s'attaquer socialement aux classes dominantes dont les intérêts sont diamétralement opposés à ceux des salariés, le MJS appelle à une hausse massive des salaires. Ses instances se sont même dites favorables à une augmentation de 200 euros de tous les salaires compris entre 1000 et 3000 euros, ainsi qu'à une loi d'encadrement des loyers.
Nul doute qu'en reprenant à son compte les propositions du MJS, les socialistes se donneraient les moyens de l'emporter nettement en 2012. Parler salaires, CDI, moyens pour l'éducation, diminution effective du temps de travail permet de mobiliser la jeunesse et les salariés, mais cela a également le mérite d'unifier la gauche et de lancer une dynamique susceptible de nous mener au programme commun de toute la gauche, celui-là même qui peut nous permettre d'écraser la droite et sa roue de secours extrémiste dès avril 2012, dans un an à peine.
Ce qu'il faut pour mobiliser toute la jeunesse pour les échéances à venir, c'est un programme clair, une ligne politique cohérente et une stratégie d'union de la gauche capable d'offrir des réponses concrètes aux attentes des jeunes. Trop souvent abstentionnistes lors des derniers scrutins locaux -cela s'est encore vérifié avec les cantonales-, la jeunesse ne peut et ne doit pas laisser l'alternative à gauche lui filer entre les doigts. Pour convaincre la jeunesse et, surtout, en faire un acteur essentiel du mano a mano qui se profile pour 2012, la question sociale devra être au cœur du programme socialiste. Nous connaissons les attentes de la jeunesse de ce pays : emploi, logement, salaires, santé. Finissons-en avec les atermoiements sécuritaires et ne tombons pas dans le piège tendu par la droite en voie de radicalisation extrémiste. Pas besoin de faire des centaines de propositions, allons à l'essentiel pour les salariés et la jeunesse : réengagement massif de l'État dans le système éducatif, priorité absolue pour l'Éducation nationale, généralisation des CDI, hausse générale des salaires et SMIC à 1600 euros, retraite à 60 ans sans décote !
Par Johann Cesa (membre du BN du MJS) et Jean-François Claudon) pour " démocratie et socialisme "