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Retour sur une nuit d'intenses combats a Abidjan

Publié le 04 avril 2011 par Africahit

LEMONDE

Un soldat fidèle à Alassane Ouattara à Abidjan, le 4 avril.

Un soldat fidèle à Alassane Ouattara à Abidjan, le 4 avril. REUTERS/STAFF

Abidjan, Envoyé spécial - De cette nuit de pluie, de feu et de canon qui semblait ne jamais vouloir finir, comment la Côte d'Ivoire va-t-elle émerger? Au petit matin du mardi 5 avril, il est difficile de le dire avec certitude.

En l'espace de quelques heures, tout semble avoir basculé, mais le résultat est à nouveau inédit. Alors que l'ONU et les forces françaises sont entrées, en début de soirée, dans le conflit ivoirien en lançant une "opération de neutralisation des armes lourdes" du camp de Laurent Gbagbo utilisées contre les populations civiles et les Nations unies, le président sortant semblait être retranché dans un bunker enterré en profondeur dans sa résidence, dans le quartier de Cocody.

Selon des sources concordantes, des tentatives ont eu lieu pendant la nuit pour négocier son éventuelle reddition. Ses ennemis, les troupes d'Alassane Ouattara, se trouvaient tout près, après la dernière phase de leur offensive, lancée lundi.

Dans les heures précédentes, Laurent Gbagbo avait offert la démission de son gouvernement pour mettre fin aux combats, une offre minuscule compte tenu de la gravité de la situation. Une partie importante de ce qui constituait sa force dans Abidjan venait d'être détruite.

A la demande, dimanche, du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, les hélicoptères de la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire, l'Onuci, et ceux de la force française Licorne, qui en constitue la force de réaction rapide, avaient procédé à des tirs pour détruire l'armement lourd du camp des partisans de Laurent Gbagbo, conformément à la résolution 1975 votée le 30 mars par le Conseil de sécurité.

ÉTRANGES FEUX D'ARTIFICE

Dans Abidjan, une dizaine de sites où était concentrés, quelques heures plus tôt, l'essentiel des moyens lourds du camp Gbagbo – canons et blindés –, achevait de se consumer. Tandis que tombaient des trombes de pluie, les principaux stocks d'armes avaient également été détruits par des tirs de roquette, allumant des brasiers dans les camps militaires touchés, comme celui de la Garde républicaine, à Treichville, qui commandait jusqu'ici le contrôle des deux ponts et empêchait leur passage, notamment aux éléments de la force Licorne.

Dans la nuit, les munitions en train d'exploser avaient créé d'étranges feux d'artifice. Dans le quartier du Plateau, des hommes de Laurent Gbagbo ouvraient le feu vers le ciel où passaient, invisibles, les hélicoptères MI24 des Nations unies, récemment arrivés en Côte d'Ivoire, les Puma ainsi que les Gazelles de l'armée française.

Quel spectacle Abidjan entièrement paralysée allait-elle trouver au matin, alors que des combats avaient repris, notamment dans Cocody, vers la "cité rouge", résidence universitaire transformée en camp de miliciens, mais aussi vers l'école de gendarmerie? Une fois les tirs de "neutralisation" terminés, et en l'absence d'une formule négociée, seule restait la poursuite de l'offensive des forces d'Alassane Ouattara pour décider du sort de Laurent Gbagbo et de ses partisans. Dans la même logique, d'autres combats avaient lieu au Plateau, quartier administratif où se trouve le palais de la présidence, et où ont été installées des positions de tir.

"BUNKÉRISATION"

Lundi soir, les forces d'Alassane Ouattara avaient lancé ce nouvel assaut sur Abidjan après avoir échoué, quelques jours plus tôt, à prendre la ville, butant précisément sur sa "bunkérisation".

Plusieurs vagues d'attaques conjointes avaient été lancées le 28 mars depuis le nord du pays, fief de l'ex-rébellion de 2002 qui forme la base des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), auxquelles des militaires des Forces de défense et de sécurité (FDS) de Laurent Gbagbo se sont ralliés.

Traversant la moitié sud du pays sur plusieurs axes sans rencontrer de résistance sérieuse, les FRCI étaient arrivées jeudi aux portes d'Abidjan. En ville, des cellules dormantes de combattants et les éléments du commando invisible, une structure installée en début d'année dans les quartiers nord, majoritairement pro-Ouattara, et qui menaient depuis février une guérilla urbaine, étaient passés à l'attaque avant même l'entrée des FRCI dans la capitale économique, s'attaquant ainsi à la RTI, rapidement prise, rapidement perdue.

Bientôt, les colonnes des Forces républicaines entraient dans Abidjan et s'attaquaient à des cibles prioritaires, comme le camp d'Agban, mais se cassaient les dents sur la solidité de cette citadelle défendue par ses canons.

Les forces d'Alassane Ouattara ont fini par sortir de la ville pour se réorganiser, refaire leur stratégie de fond en comble, étudier des chemins de pénétration différents et attendu des renforts en hommes et en armes. Lundi, le signal de la "phase finale" de l'offensive était donné. Avant que les combats ne commencent, une source bien informée du camp Ouattara expliquait: "Il faut à tout prix que l'ONU et [la force française] Licorne détruisent les armes lourdes, sinon ce sera très, très difficile" pour des troupes arrivant à bord de pick-up de prendre d'assaut des camps.

"RÉCITER L'APOCALYPSE"

L'intervention a eu lieu, les colonnes FRCI progressent donc dans Abidjan, mais, mardi matin, Laurent Gbagbo, refusant de se plier aux décisions de l'ONU et de l'Union africaine, tenait toujours tête aux forces de son adversaire à la présidentielle du 28novembre 2010, Alassane Ouattara, dont la victoire est reconnue par le reste de la planète. La RTI, la télévision ivoirienne qui avait été la voix de la propagande du camp Gabgbo, avait cessé d'émettre pendant la nuit, après avoir diffusé un dernier message sous forme de bandeau, appelant les Ivoiriens à "se regrouper en famille et de se mettre en prière, de réciter l'Apocalypse".

L'apocalypse brandie par les éléments les plus extrêmes du régime a-t-elle encore, à ce stade, une chance de se matérialiser? De larges distributions d'armes ont été faites aux partisans de Laurent Gbagbo. Volontaires et miliciens ont-ils encore la possibilité de commettre des massacres en constatant qu'ils sont en train d'être défaits face à l'avancée des colonnes des FRCI dans Abidjan, fortes sans doute de plusieurs milliers d'hommes? L'hypothèse semble s'en éloigner, au fur et à mesure que la capacité de mobilisation du camp Gabgbo se détériore.

Les jours précédents, des appels avaient été lancés sur la RTI – alors remise en état d'émettre vaille que vaille –, pour que des patriotes se massent sur les ponts, qui relient le nord et le sud de la ville, et autour de la résidence de Laurent Gbagbo. Les foules ne s'étaient pas matérialisées.

Cet échec, comme la destruction des moyens lourds du camp Gbagbo, ne signifie pas pour autant l'effondrement des forces du président sortant. En témoignent les combats qui se poursuivaient, mardi matin, dans plusieurs quartiers d'Abidjan.

Jean-Philippe Rémy





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