Mine de rien, on l’aime bien Samuel Benchetrit. En deux films, il a su se montrer très sympathique, et livrer de nombreuses choses. Son « J’ai Toujours Rêvé d’Etre un Gangster » reste un très bel hommage au cinéma, très jarmuschien dans le style certes. En plus, il a le bon goût de filmer Anna Mouglalis, ce qui n’est jamais une perte de temps. Revenant à une histoire plus ordinaire pour son Gino, il perd malheureusement en route son audace et sa prise de risque. De belles images limitées par le cadre même du concept, voilà un paradoxe tout Benchetritien.
Exemple même de l’erreur du film, Samuel Benchetrit se met lui même en scène. Gino, c’est l’histoire d’un gérant de pizzeria qui doit faire prouver à sa famille italienne sa capacité de parrain mafieux, pour toucher un bout d’héritage. Pour cela, il engage une équipe de cinéma (de bras cassés) pour réaliser un faux documentaire sur sa pomme (ou sa tomate). Bien joué, puisque du coup Benchetrit s’octroye le rôle du réalisateur, suite au désistement de dernière minute du comédien prévu pour ce rôle. Un heureux hasard, sans ironie aucune, qui vient illustrer l’idée du film ; parler de cinéma, à la première personne. Dans la continuité de Gangster, Benchetrit remplit l’espace et l’histoire de références à ses aînés. Forcément, le film de mafia est quasiment un genre à part entière. Nous voilà donc coincé entre Le Parrain, Scarface, Ozu ou même Festen pour aller plus loin (dans une scène de repas). Criant son amour du cinéma, multipliant les mises en scènes, les visuels (noir et blanc pour les rêves…), Benchetrit sort quasiment de la fiction pour bouleverser le point de vue (petit regard caméra malin au bon moment, pour marquer son idée), et c’est là que Chez Gino se trompe de chemin.
Partant d’un postulat plutôt sympathique, sans être original, l’idée du faux documentaire dans le film, qui se dilue pour se mixer à la fiction n’est pas pleinement utilisé. Benchetrit oublie quelque part d’écrire une vraie histoire, jouant sur les situations (pour y placer ses références), les personnages, sans réellement détailler. Garcia et Mouglalis ont beau être forcément heureux dans tout ça, ils ne sont pas à leur aise dans ce mélange des genres. Ode au cinéma, amour qui est de chaque plan, et de la moitié des vannes (une perche dans le champ, les faux raccords de voiture…), Benchetrit traite avec tendresse de son métier, conserve quelques bonnes idées (son caméraman cinglé), et livre une copie imparfaite, déséquilibrée entre ses intentions et le produit final. Dommage, certaines choses mériteraient d’être exploitées, comme son équipe de tournage assez décalée et drôle. Si Gino n’est pas le film attendu, il laisse beaucoup d’espoirs pour la suite, si Samuel Benchetrit donne plus de consistance à son cinéma.