C'est bien justement cette liste qui m'a poussé à acheter Ardoise, parce que pour moi aussi Salinger, Kerouac, Brautigan, Céline et Cendrars ont été et continuent d'être des chamboule-tout. Hélas l'hommage de Djian n'est pas à la hauteur de celui que je voudrais leur faire. D'abord parce que Djian est un auteur, pas un critique. Entendez qu'en tant que lecteur, il ne vaut pas plus que vous et moi. Les mots qu'il emploie pour évoquer le style de ces auteurs, pour analyser l'intérêt qu'on peut trouver à lire leurs œuvres respectives, sont pauvres. Les expressions, convenues. C'est le mot de "magie" asséné à répétition comme un coup de massue et qui devient en effet assommant. C'est comparer le style à un cours d'eau ou à une tempête : ça sent le bon élève qui récite son "Bateau ivre"...
Djian expose ses goûts personnels par accumulation, par strates. Il faut que chaque nouvelle "claque" soit plus forte que la précédente : elle ne peut pas simplement être différente, et cela peut encore moins n'être pas une "claque". Ainsi les hommages se suivent et l'ardoise s'alourdit. On a l'impression qu'à chaque nouvel auteur, Djian veut engager tout son être dans la balance, et pourtant sa compilation est sans relief. Les digressions sont nombreuses, subjectives et justifient trop souvent des "leçons de littérature" affirmées de manière péremptoire. Djian prend le lecteur moyen pour un con et ne s'en cache pas. Pourtant, on est quelques millions de lecteurs moyens à adorer les auteurs cités par Djian. Alors ?
Ardoise de Philippe Djian : great expectations au départ, soupir d'ennui à l'arrivée.
127 pages, coll. 10/18 - 6,50 €