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Le maintien a domicile en quelques questions (3)

Publié le 05 avril 2011 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

On est venu me chercher pour participer à un ouvrage collectif sur le maintien à domicile avant de finalement me renvoyer mes textes à la geule sans merci ni merde (chouette, j'adore...). 

Comme je ne suis pas du genre dépensier et que je les trouve pas si mal voici donc mes textes ...

Ceci dit le livre en question est tout pourri alors je n'ai pas perdu grand chose ;))

Donc, le maintien à domicile en quelques questions vol 3

Si je choisis de garder mon parent à domicile à quoi j’ai droit ?

Financièrement :
- Je vous recommande chaudement de consulter une assistante sociale mais pour faire vite vous avez droit en général à l’APA (Aide Personnalisée d’Autonomie) qui fluctue entre 524,84 € mensuel et 1214,85€ mensuel en fonction de la dépendance de votre parent (et nous revenons à ce que j’ai dit pus tôt, cette somme est évaluée grâce à la grille AGGIR qui est basée sur l’état médical de votre parent et pas sur l’impact social de sa maladie. Ainsi un Alzheimer qui marche et courre partout n’a droit à rien ou pas grand-chose puisqu’il n’est pas « dépendant » suivant la grille d’évaluation) et de leur revenus mensuels (une part de l’APA est retenue au prorata des revenus de votre parent).

Note : Concernant la participation personnelle à l’APA un des mes patientes a été confrontée a quelque chose d’assez surprenant… Cette patiente est gardée par sa fille qui s’occupe d’elle depuis des années. Sévèrement dépendante elle a été classé AGGIR 1 soit 1214,85€/mois ce qui correspond très exactement à105 heures de travail à domicile.
Or, la patiente ayant encore des revenus, une part assez conséquente de son APA a été retenue, et la somme finale versée par le conseil général correspondait en gros à 1000 € soit l’équivalent de 90 heures de travail à domicile.
La fille de cette patiente s’occupant seule et sans aide de sa mère a donc pris cette somme de 1000 €, a déduit le prix mensuel des couches utilisées par sa mère puis a transformé la somme restante (a peu prés 900 €) en 80 heures de travail qu’elle s’est facturée comme elle en a parfaitement le droit puisque l’apa peut servir a dédommager un de vos proche (conjoint excepté) s’il s’occupe de vous (et 900 € brut pour s’occuper nuit et jour de quelqu’un, la nourrir et la loger est loin de représenter une fortune).
Sauf que lors d’un contrôle la fille de ma patiente a été condamnée à rembourser de l’argent car L’apa doit servir uniquement à payer du travail à domicile et donc le différentiel d’heures non facturées (les 105 heures officielles – les 80 heures finalement facturées= 25 heures par mois) doit être remboursé au département (et le fait que la fille n’ait, au final, vraiment volé personne (au contraire puisqu’elle a sous facturée les heures faites pour que sa mère « garde ses sous ») et simplement utilisé selon ses besoins une somme dûe ne change rien au problème).
Cette anecdote consternante montre a quel point on est aidé quand on prend la décision de garder un proche chez soi…
Intervenants :
1- Intervenants pris en charge par la sécurité sociale :
- Comme tout assuré social votre médecin de famille continuera de passer et les frais seront pris en charge comme tout assuré normal
- Sur prescription médicale toujours et comme tout assuré social vous aurez droit à l’intervention de kinésithérapeute, d’ergothérapeute, d’infirmière à domicile, etc…
Note 1 : il faut savoir que le « tiers payant » (ne pas avancer de frais médicaux) dépend uniquement de la volonté du professionnel que vous faites intervenir et non d’un droit particulier. Vous devez donc le demander si vous souhaitez en bénéficier. Le professionnel a ensuite le libre choix d’accepter ou refuser de vous le faire.
Vous avez aussi le libre choix du professionnel.
Note 2 : Les infirmiers libéraux (pour l’instant…) sont les seuls habilités à gérer les traitements et les soins d’hygiène de vos proches (en plus des pansements, injections etc…). Pour certains soins (distribution de médicaments ou autre soins spécifiques) il peut choisir de former un proche du malade. Mais aucun autre professionnel n’est formé et n’a le droit de faire ces soins.

2-Intervenants à votre charge
Grace à l’APA et aux autres aides vous pourrez faire intervenir chez vous des aides à domiciles. Ces aides sont soit sous forme d’ « aide ménagère » (aide aux taches quotidiennes : course, ménage etc…) soit sous forme de « garde malade » (personne qui reste auprès du malade pour le surveiller et l’aider dans des gestes simples notamment la nuit).
Pour recruter ces personnes vous pouvez utiliser :
- Soit des associations « prestataires » qui se chargent de toutes les démarches administratives pour vous (recrutement, remplacement, formation, payement des vacances etc…) et qui coûtent aux alentours de 18€ de l’heure
- Soit des associations « mandataires » qui vous proposent une liste de personnes parmi lesquelles vous choisissez celle qui vous convient. Vous êtes alors l’employeur direct de la personne et toutes les démarches administratives restent (plus ou moins) à votre charge. Cela coute aux environs de 12€ de l’heure 
- Soit au « gré à gré » c'est-à-dire que vous choisissez librement votre employée et que vous signez avec elle un contrat de travail. Une heure de smic brut est au minimum (en gros car je ne suis pas spécialiste du droit du travail) 9 à 10 € de l’heure.

Note1 : Les services à la personne et les services à domicile sont le nouvel eldorado des années 2000 car ils sont sur-encouragés par des pratiques fiscales (50% d’abattement) dans le but de créer des emplois. Alors soyons clair, pour l’instant c’est un beau gâteau que plus d’un convoite (et on peut les comprendre, j’ai vu de mes yeux une association facturer 23 euros brut de l’heure une intervention alors que la personne présente n’était payée que 9 € brut, l’agence faisait donc une marge de 14 € brut de l’heure… Ce qui n’est pas mal du tout). Donc on trouve de tout parmi les centaines d’agences de services à domicile qui se montent tous les jours et la vigilance est plus que jamais de mise tant au niveau des tarifs proposés que de la qualité des intervenants pour ne pas aller au devant de grandes désillusions (qui sont ces gens qui viennent chez vous, quelle est leur formation, leur crédibilité ?).
En particulier (et oui je me répète) les soins médicaux et d’hygiène ne peuvent en aucun cas être faits par ce type d’agences quelle qu’elles soient. Les agences sérieuses vous demanderont qui est votre infirmier et prendront contact avec nous pour faire une prise en charge globale de qualité, à l’inverse méfiez-vous de celles qui nous dézinguent et qui nous fuient, qu’ont-elles donc à cacher ? D’autre part certaines agences ont comme argument commercial d’avoir des infirmiers « coordonateur » pour gérer leur personnel (et en profite accessoirement pour justifier des tarifs plus élevés). Certes cela est louable (tant qu’à faire autant avoir un professionnel qui connait le métier pour gérer le personnel) mais ne remplace en rien une prise en charge par un infirmier à domicile. Du fond de son bureau quelle expertise peut avoir un infirmier coordonateur sur votre proche ? A quoi sert il donc vraiment ? Mystère…

Cependant toutes ces aides mises bout à bout ne pourront excéder les 105 heures maximales de présence mensuelle pour une personne classé AGGIR 1 en plus des trois passages par jours maximaux de l’infirmier et de celui du kiné… Or un mois représente 24*30 = 720 heures et on est très loin du compte… Donc en conclusion je me répète : dans un maintien à domicile la présence d’un proche est indispensable sauf à laisser la personne entièrement seule chez elle plusieurs heures par jour… Ce qui, évidemment, au bout d’un moment… pose de sérieux problèmes.
Bon alors ils sont gentils les deux gugusses infirmiers mais l’un nous dit que les maisons de retraites c’est l’enfer et l’autre nous dit dans le même livre que le domicile c’est aussi l’enfer : bref comment fait-on alors avec nos parents ?

Le but de ce petit chapitre n’est pas de vous faire peur ni de vous dégoûter de l’idée de garder vos parents à domicile (comme le but du livre de *** n’est pas de vous dire que toutes les maisons de retraites sont des mouroirs car ce serait absurde et faux).
Par contre, le message que je veux vous faire passer c’est que le maintien a domicile est envisageable et est une vraie solution si (et seulement si) un ou des membres de la famille sont prêts, ont envie et ont le désir profond de s’investir durablement (surtout en temps et un peu en argent) dans cette aventure car tout l’édifice (parfois complexe !) de la prise en charge de leur proche reposera sur eux. En effet, les limites de la prise en charge de personnes dépendantes à domicile ne dépendent pas de la personne soignée mais de son cadre de vie humain et matériel.
Si c’est un choix librement consenti, garder une personne dépendante à domicile sera alors une aventure humaine très forte et souvent très riche. Je pense en outre que ceux qui décident de tenter cette aventure mériteraient d’ailleurs un plus grand respect et un peu plus d’aide (financière et/ou surtout psychologique et humaine) de la part de la société alors que pour l’instant tout ne tourne qu’autour du diagnostique médical de la personne dépendante.

Et alors en pratique comment on fait avec nos parents ?

En pratique le seul conseil valable que je puisse vous donner tient en un seul mot : Anticiper.
Qu’on le veuille ou non, que cela fasse plaisir ou non, je pense qu’il est temps de prendre conscience que personne n’est immortel et que bâtir toute sa vie sur l’idée que soi et ses proches ne souffriront jamais, ne seront jamais dépendants et ne mourrons jamais est un peu…euh… léger.

Or, avec un peu d’organisation assez simple on peut maintenant rester assez longtemps à domicile…
Ainsi si dés les premiers symptômes de dépendance (du mal à organiser ses médicaments, un peu plus de mal à marcher etc…), il ne faut pas hésiter à consulter son médecin pour commencer une prise en charge (infirmière passant une fois par semaine pour remplir les piluliers par exemple, médecin passant plus régulièrement). Ensuite, quand les symptômes se précisent sans devenir encore trop graves ou trop urgents on a toujours le temps de repérer une maison d’accueil de qualité et de se mettre sur la liste d’attente (une infirmière libérale peut venir jusqu’à deux fois par jour pour une aide à la toilette et/ou prise de médicaments et surveillance, ce qui laisse toujours un peu de temps pour se retourner et s’organiser)… Enfin, quand le maintien à domicile devient trop dangereux parce que votre parent a besoin d’une aide ou d’une présence permanente, on peut décider alors sereinement l’entrée dans la maison d’accueil ou bien de prendre chez soi son parent dépendant dans de bonnes conditions, après avoir sincèrement pesé le pour et le contre…
De fait, les problèmes les plus graves que j’ai rencontrés dans des prises en charges à domicile apparaissaient dans des familles ou rien n’avait été prévu, où rien n’avait été pensé à l’avance (parce que la maladie a surpris tout le monde ou parce que personne n’a rien voulu voir venir, rien voulu entendre). Les proches se trouvent alors dans des maisons d’accueil que l’on n’a pas choisies… ou bien restent à domicile alors que personne ne veut s’en occuper vraiment et cela se finit mal pour tout le monde.

La seule solution face à la dépendance de ses proches me semble donc de se renseigner, d’en parler, de réfléchir ensemble, en famille et avec le médecin le plus tôt possible…
Évidemment ce n’est pas le sujet de conversation le plus drôle qui existe… Mais si ce livre pouvait servir au moins à ça, à déclencher des discussions et des prises de consciences dans les familles alors *** et moi n’aurions pas perdu complètement notre temps…


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