Voici donc deux ministres exemplaires, qui « font le job », loin des états d'âmes des uns et les doutes des autres. En coulisses, le Monarque Sarkozy applaudit.
Guéant jette de l'huile
C'est le grand jour, celui tant attendu où l'UMP toute entière devait chaleureusement débattre de l'Islam, pardon, de la laïcité. Son président Sarkozy l'avait exigé en février dernier, à l'occasion de son émission télévisée sur TF1. Il faut parler de l'Islam de France. La manoeuvre politique était si évidente que l'affaire est revenue comme un boomerang dans la figure du candidat Nicolas. Son camp se chamaille en public, son autorité fait défaut, son premier ministre est accusé d'infidélité politique, voire de traîtrise... Une vraie pagaille ! Le fameux débat s'est finalement réduit à une discussion de deux heures, mardi 5 avril à 16h, dans le salon d'un hôtel de luxe du quartier de Montparnasse à Paris.
Heureusement, Claude Guéant est là. On murmure que Nicolas Sarkozy est très satisfait de son nouveau ministre, et ravi de ses provocations sécuritaires ou xénophobes. Lundi 4 avril, l'ancien vizir s'est à nouveau distingué. Au coeur d'un déplacement à Nantes, il a confié que le nombre de Musulmans en France posait problème.
« Le problème est très important : tous les représentants des grandes religions estiment que la laïcité est un principe protecteur de la liberté de conscience. (...) La question interpelle nos concitoyens : nombreux sont ceux qui pensent qu'il y a des entorses à la laïcité. En 1905, il y avait très peu de musulmans en France, aujourd'hui il y en a entre 5 et 10 millions. Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème. Il est clair que les prières dans les rues choquent un certain nombre de concitoyens. Et les responsables des grandes religions ont bien conscience que ce type de pratiques leur porte préjudice.»De quoi parle-t-il ? Notre confrère Guy Birenbaum relayait, il y a 3 semaines à peine, cette information peu commentée dans les médias : d'après une enquête de l'INED, la France compterait 2,1 millions de Musulmans, sur quelque 65 millions d'habitants... Quelle angoisse !
Chatel masque
Depuis lundi, dans chaque académie, les cartes scolaires de la rentrée prochaine sont peu à peu définies. On découvre les conséquences concrètes des nouvelles réductions de postes : 11.000 au global, dont 9.000 dans le primaire.
Ainsi en Seine-en-Marne, le conseil départemental de l’Education nationale vient d'entériner 71 ouvertures définitives de classes et 32 fermetures définitives pour les 1.115 écoles publiques du département. Mais 97 autres décisions ( 53 ouvertures conditionnelles et 44 fermetures révisables) ont été reportées à juin ou septembre. Même exercice à Lyon (13 fermetures, 11 créations), en Côte d'Or (78 classes menacées), ou dans les Hautes-Alpes (17 fermetures), etc. Dans l'Ain, l'inspecteur d'académie a dû gérer, paraît-il, « une équation impossible » : 3 postes en moins, mais 573 élèves en plus annoncés à la rentrée prochaine.
Luc Chatel, le ministre de l'Education nationale, a choisi ce lundi pour lancer quelques idées pour la rentrée scolaire de ... 2012. Il s'y voit déjà, après le scrutin présidentiel de l'an prochain. Oublions vite 2011... Il faut faire diversion, occuper le terrain médiatique, allumer quelques contre-feux.
Ce 4 avril, il installait donc un « comité de réflexion » sur l'apprentissage des langues vivantes de la maternelle au bac. En janvier dernier, il s'était plaint que les langues étrangères soient mal maîtrisées en France. Son propre patron, pourtant avocat d'affaires de métier, donne d'ailleurs un piteux exemple tant son anglais est détestable. Pour améliorer cet apprentissage, Chatel adopte une tactique habituelle en Sarkofrance : on créé une commission qui donnera l'impression qu'on agit ; on prévient que les travaux seront libres (« Je n'ai pas d'idée préconçue »), mais on oriente quand même la réflexion (« Mais je pense qu'il faut une épreuve orale au bac, en langue vivante 1, en plus de l'écrit actuel. »).
Chatel aurait pu s'interroger sur la réduction du temps d'apprentissage tout court, qui frappe aussi bien les classes primaires que le collège. Ou sur la réduction des effectifs enseignants. Même le Figaro n'est pas dupe : « Comment comptez-vous élargir l'enseignement de l'anglais aux enfants dès l'âge de trois ans, alors que les postes d'intervenants étrangers sont les premiers à ne pas être reconduits en raison des suppressions de postes ? » demande un journaliste. La réponse du ministre est ... hypocrite. Il recommande, pour des élèves de maternelles... la débrouille ou la visio-conférence !
« Nos jeunes enseignants parlent désormais davantage l'anglais, ils peuvent l'enseigner. Je pense surtout qu'on peut utiliser les nouveaux modes de communication. On peut apprendre l'anglais à Paris par visioconférence en dialoguant avec un enseignant basé à Londres.»Autre sujet d'une actualité plus brûlante pour nombre de parents d'élèves, les remplacements d'enseignants absents. Le ministre avance des chiffres d'une précision remarquable. Surtout quand on sait que son administration n'est même pas capable d'évaluer avec précision le nombre de ses titulaires ! « Nous ne comptons que 4% d'absences sur une année. (...). Et 96,2% de ces absences sont remplacées. Le remplacement s'améliore. Le taux de mobilisation des professeurs titulaires sur zone de remplacement est passé de 76,53% en octobre 2009 à 85,76% en février 2011.» Et pour remplacer les absences, le ministre a son idée : plutôt que d'avoir des enseignants titulaires, il préfère que les proviseurs s'adressent à Pôle emploi, ou embauchent des étudiants ou des retraités : « Les vacataires, étudiants ou jeunes retraités, peuvent très bien remplir ce rôle.»
Ces deux sujets, l'apprentissage des langues étrangères et les remplacements sont deux exemples supplémentaires de la situation inconfortable du ministre Chatel. Il a beau botter en touche dès qu'on questionne la réduction des moyens d'enseignement, il est coincé par cette politique du chiffre : d'un côté, il lui faut participer à la réduction du nombre de fonctionnaires (11.000 pour la rentrée prochaine) ; de l'autre, il bricole par des embauches précaires ou partielles. A chaque critique, il répète les mêmes arguments : « Nous avons 35.000 postes d'enseignants de plus qu'il y a quinze ans alors que nous avons 500.000 élèves de moins ». Mais les problèmes demeurent. Le contexte économique et social est plus dur qu'il y a quinze ans, la compétition internationale également. Sarkozy est le premier à le répéter.