Cette mission à laquelle nous avons participé était une mission officielle conduite par l’Ambassadeur de France. Nous avons donc pu rencontrer, collectivement ou individuellement la plupart des ministres du gouvernement.
Nous avons été frappés par plusieurs choses. Tout d’abord, au Bhoutan, tout le monde porte le costume traditionnel, le « Gho ». Il s’agit d’un vaste kimono qui tombe jusqu’aux genoux ; en dessous on porte une chemise blanche sans bouton dont les longues manches sont retournées sur les manches du Gho. Ce costume se porte aussi avec une espèce d’écharpe en bandoulière qui relève d’un code vestimentaire strict. Elle est normalement blanche pour tout le monde, mais on a droit à des franges si l’on est chef de village. Elle est bleue pour les membres du conseil royal, et orange pour les ministres. La couleur du tissu du Gho n’est pas normée mais l’éventail n’est pas large : du beige, du noir, des couleurs pastels avec des rayures, bref peu d’excentricité.
Nous ne résisterons pas à la tentation d’acheter un Goh même si la photo fait penser au fameux dessin des deux Dupont(d) habillés par erreur en grecs… en Syldavie !
Ce qui nous a frappés également fut la marque bouddhiste des personnes. La façon de dire bonjour, de serrer les mains, est celle des moines bouddhistes ou autres. Les personnes que nous avons rencontrées furent toutes très attentionnées. Lors des réunions collectives, le spectacle d’une dizaine de hauts fonctionnaires bhoutanais, assis et écoutant religieusement les discussions, leur air pénétré, leur regard apaisé, leurs gestes contrôlés de manière naturelle, les signes et marques d’humilité, bref tout ceci faisait penser à des moines de Solesmes !
Les discussions que nous pu avoir avec tous ces ministres et hauts-fonctionnaires ont été étonnantes. Les responsables bhoutanais ont été pour la plupart formés aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ; cependant ils restent discrets sur leurs études. Ce qui frappe c’est leur humilité et leur simplicité autant que la clarté de leur vision stratégique. Oui, ils sont humbles et lucides sur la petite taille de leur économie. Oui, ils sont conscients qu’il faut développer leur pays mais ils veulent absolument respecter les principes du Bonheur National Brut. Oui, ils sont ouverts aux étrangers et à l’investissement étranger mais à condition de respecter leur culture. La stratégie est toujours clairement exprimée et elle est réaliste. Ils disent les choses simplement, sans langue de bois. Difficile de cacher notre admiration…
Nous avons surtout rencontré des hommes ; une exception cependant, la Sous-Gouverneur de la Banque Centrale, une jeune femme (environ 35 ans) diplômée de l’Institut d’Administration Publique de Paris (l’ENA pour les étrangers), fière de nous parler de son séjour d’un an à Paris. Mais cette jeune femme connaît parfaitement les évolutions de la règlementation bancaire dans le monde…
Il existe quatre banques dans le pays dont une contrôlée par une banque indienne. La micro finance est peu présente mais la Banque Centrale compte la développer. Le secteur financier est de taille modeste avec une Bourse comptant une vingtaine d’entreprises cotées. Beaucoup de « grandes » entreprises sont contrôlées par l’Etat, mais il existe aussi un secteur privé.
Le patron de Druk Air, la compagnie aérienne nationale, nous expliquera de manière simple et exhaustive, la situation de l’entreprise qu’il dirige. Le Bhoutan veut développer ses capacités aéronautiques. Trois aéroports sont prévus. Druk Air dispose de deux A-319 qui ont été payés au comptant. Ils vont acheter un ATR (payé cash) mais cherchent un emprunt pour acquérir un troisième A-319. Ceci en ligne avec le développement du tourisme. Il nous explique aussi que l’actuel aéroport de Paro n’est pas idéal en raison des conditions météo ; en effet l’aéroport est dans une vallée étroite et le vent empêche parfois les avions de se poser.
Les pilotes sont bhoutanais et connaissent bien les difficultés d’approche sur l’aéroport ; du reste lorsque des compagnies étrangères veulent se poser sur cet aéroport, souvent, on envoie un pilote bhoutanais qui assiste, dans le cockpit, le pilote étranger. Nous constaterons effectivement que l’étroitesse de la vallée réduit considérablement les possibilités de manœuvre de l’avion au décollage et à l’atterrissage… De plus, l’aéroport n’est pas équipé de système permettant un atterrissage de nuit et les vols n’ont lieu que pendant les heures de la journée.
La ville de Timphu fait un peu penser à une station de sport d’hiver en fin de saison. Nous sommes à 2248 m d’altitude mais la rivière Timphu prend sa source dans l’Himalaya à 7 000 m. Les constructions sont sobres, hormis les palais dont beaucoup ont été reconstruits ou restaurés. Dans les bâtiments publics que nous irons voir il n’y pas toujours d’ascenseurs ni même de chauffage… Les rues sont propres et nous ne voyons aucun mendiant. On me dit que le salaire moyen est d’environ 400 USD par mois (soit quatre à cinq fois plus que l’Inde). Prés de la moitié des habitants disposent d’un téléphone portable.
L’agriculture représente 45% de l’activité économique ; on voit un peu partout ces cultures en terrasses. Le reste est constitué de la vente de l’énergie électrique et des revenus du tourisme. La monnaie s’appelle le Ngultrum et cette monnaie est arrimée à la roupie indienne.
Le sport national est le tir à l’arc, mais le Bhoutan n’a pas encore remporté de médailles olympiques.
Voilà le Bhoutan, ce petit royaume qui surprendra le monde… De fait, dans le concert des nations la voix silencieuse de ce pays est étrangement mélodieuse.