Rarement un millésime aura été aussi difficile à déguster, par la puissante tannique des vins présentés.
A contrario, je devrais dire, rarement un millésime aura été évident, lumineux en raison de son élégance, et de la signature nette qu’il imprime de son terroir. Blaye is Blaye, Saint Emilion est lui-même et Pomerol n’est rien moins que Pomerol.
Dans cet univers tannique qui fait que les vins peuvent être ouverts dans leur expression aromatique, ou à l’inverse réfractaires, qu’ils peuvent être tant accessibles par leur structure (je les ai trouvés structurellement parfaits pour beaucoup) ou à l’inverse, revêches dans leur expression, l’exercice de la dégustation s’est avéré bien complexe.
D’autant que nombre d’échantillons se sont présentés plus ou moins fermés.
Mais à retenir, en première impression : le caractère absolu de la signature du terroir. Jamais vin à ce stade n’avait revendiqué aussi nettement la nature du sol.
Après un tour d’horizon global des diverses appellations, un constat : la Rive Gauche présente une séduction évidente et immédiate, mais l’âme et le cœur se trouvent dans les vins de la Rive Droite. Ceux-ci offrent de très belles maturités, sans excès, parfaitement justes. Pavie-Macquin en est le raffinement le plus ultime (96-98). Valandraud le suit de très près, notamment dans ce qu’il puise des caractéristiques de l’argilo-calcaire. Larcis-Ducasse est d’une classe inouïe (94-96). Et ainsi pourrais-je citer nombre de vins du plateau argilo-calcaire, capables d’en extraire comme la substantifique moelle comme apport en terme d’équilibre, ce qui se ressent magistralement pour Berliquet, Tertre Daugay...
Il a été aussi un art ; celui d’avoir pu découvrir des vins de la Rive Droite, nés sur des graves et sur des sols à tendance argileuse. Là il est quelques étiquettes remarquables : La Tour Figeac (92-94), et Petit Village (91-93), tous deux d’un équilibre époustouflant.
Dans la Rive Gauche, et je parle des Graves que j’ai pu déguster hier, les vins sont parfaitement équilibrés. Le Domaine de Chevalier rouge est à un très haut niveau, d’une grande justesse de construction. (94-96). Les Carmes Haut-Brion ont rarement été aussi justement vinifiés, dans le respect du terroir, cela s’entend. (92-93)
Smith Haut-Lafitte depuis 2009 se révèle avec un moelleux et un toucher de bouche rarement atteints : 2010 est dans le ton, avec un équilibre plus abouti encore. (92-95)
Comment ne pas évoquer les graves gunziennes de Poujeaux reposant sur le socle argilo-calcaire ? C’est probablement le Poujeaux le plus réussi de son histoire, mûr, fruité, structuré, à l’évidence avec des tannins de grande qualité. Il fera date dans l’histoire de la propriété. (92-94)
Cet inventaire, ces premières impressions, ne sont évidemment pas exhaustives : nous reviendrons de façon plus détaillée dans les rubriques des appellations concernées. Pour mémoire, signalons Domaine Vieux Taillefer, Rol Valentin, La Rousselle –à Fronsac, superbe et un 91-93 ! – pour s’être dégustés merveilleusement bien, le Domaine de L’A (92-94) n’étant pas en reste.
En conclusion : l’exercice, que j’indiquais comme étant difficile, en a été néanmoins séduisant. Rien ne dit que les qualités observées de certains vins ne se tairont pas bientôt pour laisser place à des vins qui se sont montrés plus fermés. Nous resterons donc modeste sur nos analyses et nous dégusterons plusieurs fois selon nos possibilités.
2010 est un très grand millésime à Bordeaux. Jamais il n’aura signé avec autant de justesse le terroir.