Hanna, 16 ans, élevée par son père (Eric Bana), isolée du monde moderne, est un vrai petit soldat, entraînée depuis toujours au combat. Lorsqu’elle quitte son refuge, ses livres et sa maison au fond des bois, c’est pour rejoindre Berlin, tuer Marissa Wiegler (Cate Blanchett)… et découvrir le monde. Finis les costumes d’époque, les amours contrariées et le romantisme de circonstance : Joe Wright passe à l’action. De la prestation nuancée de l’intense Saoirse Ronan, il tire toute la force du personnage-titre, jeune fille à l’ambigüité désarmante, conjuguant sang-froid et innocence. Il signe alors une œuvre hybride, scindée en deux, passant en un clin d’œil d’un récit d’apprentissage- cruel et passionnant- à de l’action pure et dure; de la quiétude d’une forêt à l’atmosphère folle des villes. Pour opposer nature et civilisation, le film épouse la forme du conte et arbore ses codes: des chaussures vertes de Cate Blanchett (convaincante en sorcière rousse) au papa protecteur, Joe Wright puise dans toute cette imagerie littéraire et multiplie les références (Hansel & Gretel notamment).
Au travers du regard naïf de l’enfant, il dépeint une société malade, mécanique, monstre de froideur qui déshumanise ses femmes et sexualise ses jeunes. Du Maroc à l’Espagne, Hanna (ré)apprend l’essentiel : la communication, le partage, la beauté d’un air de flamenco. Elle est vierge de tout a priori, de tout acquis social, réduite à un état initial de pureté, ni souillée par les conventions (l’importance de ce premier baiser offert) ni salie par la culture ado. Le bât blesse, lorsque Wright, en alternance, oppose à cette bulle de douceur, une course effrénée pour échapper aux traqueurs. Poursuite, rythmée au son électronique des Chemical Brothers, bruyante et systématique qui dessert grandement le récit initiatique d’Hanna. De ce contraste, volontairement appuyé par le cinéaste, naît une impression de disharmonie générale, un "2 films en 1" raté- parce que grossi, grossier, inutilement tapageur. Une dissonance dont le film ne se relèvera pas. Ainsi écartelé entre intimisme et braillements, Wright accouche in fine d’un film boiteux et inégal, sec et distant. " I missed your heart " dit, à deux reprises, Hanna. Le nôtre aussi, hélas.
Sortie France : 25 mai 2011.
Sortie Québec : 8 avril 2011.