Le 9 mars 2011 on apprenait que le Parti évangélique, PEV, le Parti socialiste , PS, et les Verts allaient lancer une initiative à la fin de l'été pour introduire un impôt fédéral sur les successions pour financer l'AVS ici. Juste avant les élections fédérales, la ficelle électorale est un peu grosse, l'intention bien démago, mais un moment de honte démocratique est si vite passé.
Cette initiative a de quoi surprendre. Elle vise à contourner les prérogatives cantonales en la matière. En effet ce sont aujourd'hui les cantons qui ont seuls la souveraineté fiscale en matière d'impôts sur les successions et les donations. Or une saine concurrence fiscale les a conduit, à une large majorité, à exonérer totalement d'impôt sur les successions et donations les conjoints survivants, les descendants et les ascendants directs.
Les conjoints survivants sont en effet exonérés totalement dans tous les cantons. Les descendants directs le sont dans tous à l'exception d'Appenzell Rhodes Intérieures, Vaud et Jura. Les ascendants directs le sont dans quelques cantons dont Genève...
Quelles seraient les fortunes frappées par ce nouvel impôt ? Celles supérieures à 2 millions. A quel taux ? 20%. Des allègements seraient appliqués aux paysans et aux propriétaires de PME pour éviter des difficultés à leurs successeurs et des pertes de places de travail. Les conjoints survivants et les partenaires enregistrés ne seraient pas visés par cette mesure.
Le produit de cet impôt, qui rapporterait, estime-t-on, dans les 5 milliards par an, serait partagé entre la Confédération et les Cantons dans la proportion de deux tiers un tiers. La Confédération l'emploierait pour assouplir l'âge de départ à la retraite et les Cantons pour compenser les pertes d'impôts sur les héritages indirects.
Comme le souligne Victoria Curzon Price [dont la photo provient d'ici], dans un article publié dans l'Agefi le 31 mars 2011 et reproduit par l'Institut Constant de Rebecque ici, c'est l'exemple typique de la fausse bonne idée.
On croit rendre justice aux retraités qui ont travaillé toute leur vie en leur donnant l'argent pris dans la poche des héritiers qui se sont contentés d'hériter et ne méritent donc pas ce qu'ils reçoivent. La Présidente du conseil d'administration de l'Institut Constant de Rebecque montre que c'est une vue simpliste des choses.
En réalité :
"Un impôt sur les successions pour assurer les retraites met deux droits en opposition: le droit des personnes de disposer de leur propriété légitimement acquise contre le "droit" des cotisants à l'AVS de recevoir une rente."
L'argument utilitariste selon lequel l'argent serait plus profitable dans la poche du retraité que dans celle de l'épargnant ne tient pas davantage. Car :
"L'épargne est à la base même d'une économie saine. Le capital-risque, orienté sur le long terme, indépendant des agences de notation et des cours boursiers se trouve précisément auprès des familles fortunées."
A l'instar de Pascal Salin, qui le disait déjà il y a bien longtemps dans son livre L'arbitraire fiscal, Victoria Curzon Price souligne que l'impôt sur les successions figure au tout premier rang des impôts spoliateurs :
"Le revenu à partir duquel l'épargne a été constituée au départ a déjà été imposé une fois. Ensuite, le contribuable a peut-être été soumis à un impôt sur la fortune de son vivant. Il a dû payer un impôt sur les plus-values si ses projets ont fructifié et son jugement s'est avéré correct. Et à tout ceci s'ajoute l'impôt que représente l'inflation."
A ce désastre économique que serait l'introduction d'un impôt fédéral sur les successions s'ajouterait, cerise sur le fromage fiscal, un désastre politique :
"La Suisse est une fédération décentralisée sous constante pression de centralisation, l'une des causes principales étant aujourd'hui l'Union européenne et son "acquis communautaire". Notre fédéralisme décentralisé est ce qui nous préserve de la perte de souveraineté démocratique importante que représente pour nous l'Union européenne. Préservons-le à tout prix."
On ne peut que lui donner raison et souhaiter une bonne mort à cette initiative.
Francis Richard