Le Moujik
Je suis le moujik, le malheureux au dos courbé
Tout le monde tape sur le moujik.
On lui suce le sang et les veines,
On déchire ses forces,
Ses mains sont pleines d’ampoules.
Je suis le moujik, le fils de la souffrance,
J’ai été élevé à la bouillie de paille,
Les fanes me gonflent le ventre,
Je suis chaussé de lapti,
Pauvre est mon vêtement.
Je suis le moujik, le fils de la misère,
Je ne mange ni ne dors assez,
Je plie sous le poids de la peine,
Je travaille pour deux sous pas jour,
Je supporte toutes les moqueries.
Je suis le moujik, je n’entends p as les cloches,
Et un ver toujours me ronge :
Est-ce qu’il ne ment pas le pope en chaire
Qui dit que le tsar tient sa couronne de Dieu ?
Oh, il ne peut en être ainsi !
Je suis le moujik, j’ai ma fierté,
Je me courbe, mais attendez !
Je me tais, me tais et supporte,
Mais bientôt je vais crier :
« Paysan ! Prends ton fusil ! «
(Yakoub Kolass)
Illustration: Lucien Louis Bernard Lantier