Véritables icones en Afrique, les Magic System signent un neuvième album
un brin différent des précédents. Si les titres entrainants et les
tubes potentiels sont toujours là, le groupe d'Abidjan lance également
un message à Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, les deux présidents
toujours en guerre mais refuse de prendre parti.
Votre dernier album remonte à 2008.
Pourquoi avoir tant tardé avant de sortir Touté Kalé ?
On voulait reculer pour mieux sauter et casser cette étiquette du Magic
System qui ne sort que l'été pour faire la fête. On reste un groupe
festif, mais il faut s'élargir. Avant, après l'été, on était au placard.
Maintenant, on veut que Magic System s'écoute partout et touche tout le
monde. On doit s'adapter à toutes les saisons.
N'apparaître que durant l'été vous dérangeait ?
C'était bien car on a duré comme ça pendant dix ans. Mais on veut autre
chose. On ne connaît pas grand-chose de nous. On est six musiciens et
pas qu'un groupe de dance-floor. Maintenant, on va mettre en valeur une
autre partie de nos atouts. Si vous écoutez tout l'album, il y a des
messages très forts à caractère social ou humanitaire. Aujourd'hui, ce
sont ces thèmes que nous abordons. Avant, c'était la fête avant tout.
Dans un des titres, « Ça va aller », il y a un message
pour les Ivoiriens…
C'est un message d'optimisme. Un message d'espoir. C'est vrai qu'on
traverse une période difficile en Côte d'Ivoire mais un jour, ça ira
mieux. On n'a pas fait dans la dentelle. Quand on s'unit, il n'y a rien
d'impossible. On parle de l'union, de la solidarité. Ça vise la Côte
d'Ivoire et tous les pays qui sont aussi divisés.
Le footballeur Didier Drogba a également pris la parole
au nom des Eléphants. Est-ce important que les milieux sportif et musical aient leur mot à dire ?
Ça peut servir. Ce n'est pas le moment pour nous d'être neutre. Nous
sommes des facteurs de rassemblement du peuple. Ce sont les seuls
métiers où il n'y a pas besoin d'appartenir à un parti politique pour
rassembler. C'est très important pour nous, en tant que leader
d'opinion, d'apporter notre contribution. Ça peut ne pas tomber dans
l'oreille des politiciens, mais dans l'oreille du peuple, peut-être.
Mais vous ne soutenez pas un cas en particulier ?
Non, on ne choisit pas de cas. Les politiciens ont appliqué l'adage : «
Pour mieux régner, il faut diviser ». Nous, on dit au peuple qu'il ne
faut pas se diviser. Ce sont des consignes. On leur demande de se
rassembler. S'ils le sont, toutes les manigances politiciennes ne
peuvent aboutir.
Avez-vous malgré tout un avis sur la situation actuelle ?
Avec les deux candidats, nous entretenons des relations étroites. Nous
avons été décorés deux fois par le président Gbagbo et on a été reçu aux
Etats-Unis par le président Ouattara lorsqu'il n'avait pas encore été
élu. Mais à un moment donné, nos intérêts personnels doivent-ils primer ?
Ce sont avant tout ceux du peuple. La seule chose que l'on peut faire,
c'est de demander à ces deux personnes de mettre de côté leur orgueil et
de pouvoir œuvrer dans le bon sens pour sortir du tunnel. L'heure n'est
pas aux prises de position. Ce serait délicat de le faire. Choisir le
camp d'un, ce serait se braquer face aux partisans de l'autre. Pour que
notre message passe, il faut rester neutre.
Sur place, vous investissez-vous ?
On a construit une école primaire dans un quartier d'Abidjan. Nous
avons aussi réhabilité un hôpital et une pouponnière. C'est très
important. Lorsque l'on voit d'où est parti le groupe, il faut regarder
dans le rétroviseur. On a connu la galère. Si l'on construit une école,
c'est que l'on connaît le surnombre et les classes de soixante élèves.
On veut s'investir dans l'éducation et la santé. On ne va pas tout
éradiquer d'un coup, mais on peut aider.
Vous restez avant tout optimiste…
On veut transmettre surtout notre joie de vivre. Les gens qui n'ont pas
la pêche le matin, qui sont découragés, ils peuvent retrouver du
bonheur en nous écoutant. Ce n'est pas du marketing. Donner de la joie,
c'est plus important que de vendre des millions de disques. Quand toute
la journée tu entends Sarko, Le Pen, des détournements de fonds, des
explosions, écouter Magic System, ça détend.
Propos recueillis par Romain Schué (Agence de presse GHM)
Magic System, Touté Kalé, sortie le 4 avril chez EMI.