AFRIQUE (Congo-Etats-Unis)
Editions Actes Sud, 2010
Emmanuel Dongala, ayant fui le Congo pour les Etats-Unis suite à la guerre civile de 1997, est l'un des plus grands écrivains africains contemporains. On lui doit notamment le savoureux Jazz et vin de palme et de Les petits garçons naissent aussi des étoiles ; il dénonce les régimes corrompus post-coloiaux avec beaucoup d'humour.
Son dernier opus est magnifique. C'est une véritable épopée de femmes qui vont au delà de leu destin.
Un chantier de cassage de pierre quelque part en Afrique, sûrement au Congo. Un groupe de femmes casse des blocs de pierre pour alimenter les chantiers de construction voisins. Un aéroport va être construit; les intermédiaires s'arrachent les sacs de pierre. Ne peut-on pas en profiter pour vendre son sac de graviers un peu plus cher ?
Méréana va prendre la tête du groupe de revendication. Elle que son mari a chassée parce qu'elle exigeait qu'il porte un préservatif, après le décès de sa soeur morte du sida.
D'abord réprimée, la manifestation va être récupérée par les politiques. En effet, une conférence des premières dames d'Afrique est organisée dans deux jours ...
Dongala donne chair à toutes ces femmes en épousant leur point de vue ; en effet, au lieu d'utiliser la troisième personne du singulier, il utilise le tu et le vous pour faire corps avec elles.
Dans une langue très simple, faisant également la part belle à des dialogues savoureux, Dongala nous fait découvrir la naissance d'une conscience collective chez ces casseuses de cailloux.
Cette épopée humaniste, bourrée d'espoir, dénonce non seulement les politiques corrompus locaux mais aussi les ONG et institutions internationales qui méprisent le terrain.
L'auteur épouse le regard de "L'Afrique d'en bas" en nous montrant des destins de femmes très différents. La casseuse de cailloux peut être une ex femme d'affaires chassée par sa belle-famille, une ancienne étudiante tombée enceinte trop tôt, une violée, une accusée de sorcellerie.
A travers ces destins, le lecteur prend conscience de la diversité de la condition féminine africaine.
C'est simple et épique à la fois, toujours très humain. Ces femmes sont à la fois multiples et forment un tout. On a l'impression qu'une force irrésistible les habite.
Nous avons l'impression d'être dans leur village et de vivre les événements avec elle jour après jour. Dongala suit leurs faits et gestes heure par heure pendant quelques jours.
Un Germinal magnifique, féminin et africain....