Magazine

Max | Maison de poupée

Publié le 04 avril 2011 par Aragon

unemaisondepoupee.jpgC'est pour moi un mystère.

C'est pour moi la plus belle oeuvre théâtrale du monde. Comment HJ Ibsen peut-il écrire cette pièce il y a plus de cent trente ans ?

Incroyable cerveau humain, bouleversante lucidité, mystérieuse sensibilité, d'où viennent-elles ? De quels endroits ? De quelles lamelles grises et pourtant lumineuses du cortex ? Le mariage est une institution sacralisée dans cette Europe du 19ème, le fondement même d'une société. Sa pierre angulaire. L'homme, bien sûr, est tout puissant. Despote éclairé il règne sur sa famille. La femme n'est rien, ne doit pas trop réfléchir, ne doit pas éprouver de plaisir (sexuel) et je pense en plus à cette austère Norvège luthérienne, encarcanée dans des murs de haute glace rigide socio-spirituelle. La femme est là pour servir son mari, pour tenir sa maison. C'est sa seule vocation d'être.

Ibsen place son étourneau ou, selon, son petit écureuil dans une jolie cage dorée mais un jour l'oiseau-animal prend conscience qu'il ne peut plus vivre ainsi. Il en marre de faire des pirouettes. Poupée-enfant chez son père, poupée-femme pour son mari, Nora décide un soir  dans une crise de lucidité qu'elle doit s'élever, c'est à dire entreprendre enfin son apprentissage, sinon il lui sera impossible de continuer à vivre.

tautoumaisonpoupée.jpg
Elle sait en un éclair fulgurant de révélation qu'il lui faut être seule pour se rendre compte d'elle même et de tout ce qui l'entoure. Helmer, le mari, jeté à bas de son piedestal a beau vitupérer, crier, gémir, lui dire qu'elle trahit ses devoirs les plus sacrés évidemment dûs à son mari et à ses enfants, Nora, magnifique dans cette tempête toute shakeaspearienne, c'est à dire entraînant dans son sillage autant d'ombres, lui rétorque que ses devoirs les plus sacrés elle les a d'abord et avant tout envers elle-même. Elle laisse enfants et mari. Et la pièce se clôturera par le bruit de la porte de la maison qui se referme. Fermez le ban ! 

Visionnaire Ibsen ? Non. Il a écrit en conscience c'est tout. Mais quel courage pour l'époque car la censure l'a broyé, laminé. Il a été vilipendé et interdit. Cent trente ans plus tard des millions de maisons de poupée perpétuent la Saga de ces couples enfermés en des murs de non-dits, des étreintes forcées, des contrats obligés. Murs de glace physiques, murs de glace sociaux,  murs de glace conventionnels, murs de glace spirituels. Rien n'a changé ou si peu. L'homme et la femme ne sont pas plus libres que ne l'étaient ses ancêtres, il y a cent trente ans, chez Ibsen et ailleurs. Nous sommes toujours régis par des codes moraux.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aragon 1451 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte