Ça faisait longtemps que je n’avais pas ridiculisé notre nobélisé favoris, mais je ne pouvais pas passer à côté de son billet fallacieux et insultant à l’égard de la lettre publiée par Hayek en 1932.
Voici ce que Hayek y mentionnait :
We are of the opinion that many of the troubles of the world at the present are due to imprudent borrowing and spending on the part of the public authorities. We do not desire to see a renewal of such practices. At best they mortgage the Budgets of the future, and they tend to drive up the rate of interest–a process which is surely particularly undesirable at this juncture, when the revival of the supply of capital to private industry is an admittedly urgent necessity. The depression has abundantly shown that the existence of public debt on a large scale imposes frictions and obstacles to readjustment very much greater than the frictions an dobstacles imposed by the existence of private debt.
Ainsi, Hayek craignait que le financement des déficits gouvernementaux crée un effet d’éviction ; c’est-à-dire que le capital utilisé par le gouvernement laisserait moins de capital aux entreprises privées, ce qui ferait monter les taux d’intérêt pour celles-ci, mettant un frein à l’investissement privé et à une reprise économique éventuelle.Krugman ridiculise cette affirmation en présentant le graphique suivant, montrant que les taux à long terme sur les bons du Trésor américain baissaient en même tant que le déficit fiscal augmentait :
Une baisse des taux sur les bons du Trésor permet de s’endetter à rabais… à condition d’être le gouvernement fédéral américain ! D’ailleurs, il ne faut pas oublier que la Fed s’est mise à acheter des bons du Trésor à partir de 1932, ce qui a mis la pression à la baisse sur le taux d’intérêt de l’État.
Or, dans sa lettre, Hayek fait clairement référence aux entreprises privées. Qu’en est-il des taux d’intérêt sur les emprunts privés ? Le seul taux que j’ai pu trouver est celui sur les obligations corporatives, un excellent indicateur à cet égard. Voici ce que ça donne.
Ainsi, on peut voir que suite à ce que le gouvernement soit passé en mode déficit, les taux ont augmenté drastiquement et sont demeurés élevés pendant plusieurs années. En 1933, soit un an après la lettre de Hayek, le taux connut une pointe à 9%. En 1934, il atteignait 8%. Lorsque le déficit a commencé à se résorber par la suite, les taux ont diminué plus sérieusement.
Ceci étant dit, cette argumentation est plutôt inutile. Ce qu’il faut garder en tête est que cette lettre de Hayek était fondée. Les politiques keynésiennes appliquées par le gouvernement ont aggravé la dépression et l’ont fait durer jusqu’à la guerre. C’est bien Hayek qui avait raison. Les programmes de dépenses du New Deal n’ont pas aidé l’économie ; ils ont plutôt nui.
Il ajoutait d’ailleurs :
Hence we cannot agree with the signatories of the letter that this is a time for new municipal swimming baths, etc., merely because « people feel they want » such amenities. If the Government wish to help revival, the right way for them to proceed is, not to revert to their old habits of lavish expenditure, but to abolish those restrictions on trade and the free movement of capital (including restrictions on new issues) which are at present impeding even the beginning of recovery.
Traiter Hayek de « zombie economist » sur cette base est tout à fait idiot. Il a très bien prédit l’échec des politiques gouvernementales keynésiennes de l’époque.
Pour plus de détails sur ce qui s’est réellement passé durant la Grande Dépression, voir ceci.
Finalement, même si Krugman avait raison en affirmant que durant la Grande Dépression, les déficits de l’État n’ont pas eu d’effet d’éviction, cela ne prouve rien. Ce n’est qu’une observation insuffisante pour en tirer une conclusion générale. Pour nier l’existence de l’effet d’éviction, il faudrait une étude plus approfondie… et de telles études existent ! J’en traitais d’ailleurs dans les deux articles suivants : « L’effet d’éviction » et « Impact des déficits sur les taux d’intérêt : l’effet « crowding out » revisité. »
Encore une fois, je ne suis pas étonné de l’étroitesse des arguments de Krugman, qui tente désespéremment de défendre le keynésiannisme malgré ses nombreux échecs au cours de l’histoire ; c’est pathétique…