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Maurice Darmon pose La question juive de Jean-Luc Godard

Par Mickabenda @judaicine

Godard (C)À partir d’écrits et d’entretiens de Jean-Luc Godard sur l’extermination, les juifs, l’État d’Israël et le conflit du Moyen-Orient, cet essai (sous-titré Filmer après Auschwitz) prend l’occasion critique d’un montage récurrent de deux célèbres photographies de déportés légendées par lui, pour se confronter à ses thèmes obsédants, ses interrogations sur la légitimité de la représentation et la pensée par images, dans son cinéma et celui dont il s’est fait l’historien.

Une pensée par images à vivre ici par le pouvoir des mots, des rapprochements et des affects, sans autre ambition discursive. Il faut revenir sur les accusations d’antisémitisme dont le cinéaste est souvent l’objet de la part de chroniqueurs superficiels et parfois ignorants.

Au prétexte d’apparences non questionnées, ce contresens absolu nie ce qui, depuis plus de trente ans, et surtout après Shoah de Claude Lanzmann, est explicitement l’âme de l’œuvre de Jean-Luc Godard : placer au contraire l’extermination et la présence vitale de la pensée juive dans l’histoire européenne et occidentale, et donc les responsabilités incombant aujourd’hui à l’État d’Israël, au cœur de sa création cinématographique.

En annexe un article de Jacques Ellul paru dans Réforme du 23 juin 1945 : Victoire d’Hitler ? et demeuré inédit jusqu’à présent.

L’auteur

Maurice Darmon est romancier, essayiste, chroniqueur et traducteur de l’italien, en particulier des auteurs de Sicile : Giovanni Verga, Luigi Pirandello, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Leonardo Sciascia et Vincenzo Consolo. De 1990 à 1997, il a dirigé la revue des littératures et cultures méditerranéennes, Le Cheval de Troie.
Depuis 2007, il anime le site Ralentir travaux. Dans le domaine du cinéma, il est récemment l’auteur de Pour John Cassavetes.
Extrait

Sensible en effet à toutes les questions d’argent ne serait-ce que parce qu’elles interviennent dans le cinéma vingt-quatre fois par seconde — l’aura-t-on suffisamment brocardé là-dessus quand ses amis et ses actes soulignent aussi son extrême générosité : combien de caméras, que de matériel aura-t-il laissés sur son passage à ceux qui en avaient envie ou besoin ? — Jean-Luc Godard n’a jamais rien eu d’un antisémite, patent ou latent.

Au contraire. Par là je veux dire qu’en dépit de sa burlesque affirmation contredite aussitôt avec une lucide pertinence :

«Au fond, je n’ai jamais réussi à savoir ce que c’est qu’être juif. Le seul moyen, pour moi, de comprendre l’être juif, c’est de me dire que je suis pareil : je veux être avec les autres et en même temps pas avec les autres. C’est quelque chose que j’ai personnellement

ses références récurrentes sont largement puisées parmi les gens inscrits dans la «pensée juive» : Hermann Broch, Marc Bloch, Walter Benjamin, Emmanuel Lévinas, Hannah Arendt et même le kabbaliste Gershom Scholem; Fritz Lang, Howard Hawks, Charlie Chaplin (pas juif stricto sensu sauf aux yeux des nazis, de la communauté juive américaine et du FBI, mais le barbier du ghetto l’inscrit en conscience élective dans cette tradition) ou Jean Epstein; quand il ne s’aventure pas dans Sigmund Freud qui se désignait comme «juif mécréant», Max Planck, Albert Einstein ou Karl Popper.

En de méditatives sources de vie. Lui-même, pour qui, nous l’avons dit et le verrons, Auschwitz constitue le coeur profond de son art, de son angoisse, de sa volonté morale, a toujours les mots qu’il faut pour trouver dans la tradition philosophique qui anime le Livre et les auteurs juifs sa propre lignée.

Maurice Darmon
La question juive de Jean-Luc Godard

Les éditions Le temps qu’il fait


Essai
2011. 208 p. 14/19.

19,00 €


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