Roux. Romain Gavras livre un deuxième long métrage sur les roux. Original, mais pas que. Changement radical, ou continuité véritable, Gavras ne se laisse pas faire, et s’impose ici comme réalisateur. Ou comment reprendre les mêmes ingrédients pour faire totalement autre chose… Notre Jour Viendra démontre au moins une chose ; les échappés du collectif Kourtrajmé ont bien grandis. Et c’est encourageant.
Road movie étrange, Notre Jour Viendra nous conte l’histoire de Rémy, jeune du Nord en colère. En pleine crise d’adolescence, et en pleine crise sociale, le voilà parti sur un coup de tête (dans sa mère) sur les routes. De sa rencontre avec Patrick (Vincent Cassel, qui s’éclate) naît un drôle de duo, grandissant ensemble, se refermant sur le monde extérieur dans leur volonté de libérer les roux. Dans la lignée d’un Blier de la grande époque (Tenue de soirée, Buffet Froid, Les Valseuses..), Gavras débute son film dans un réalisme le plus banal possible, pour finir dans une apothéose d’absurde et de sentiments exacerbés. Ses personnages ont mal, et l’expriment. Partis dans leur propre voyage initiatique, les voilà enchaînant sans motif (mais avec leur raison) les actions les plus extrêmes, les engueulades, les bravades.. Le roux se rebelle.
Au-delà de cet exercice d’expression à fleur de peau, le film révèle bien plus qu’il n’y paraît. Romain Gavras, fils de, démontre qu’il n’est pas seulement un jeune réalisateur branché, mais aussi quelqu’un avec quelque chose à dire. Si Sheitan pouvait passer comme son premier exercice sur grand écran, sorte de prolongement indirect de son expérience de courts métrages devenu culte, le voilà assermenté réalisateur. Et de ces promesses, qu’il fasse d’autres choses aussi inspirées! Avec un Cassel jouissif, et lâché comme jamais, au bon Olivier Barthelemy (loin de son catastrophique Largo Winch 2), le réalisateur emmène en virée dans le Nord du pays deux bêtes en quête d’humanité, et qui ne trouveront que leur propre déchéance. Peu importe le voyage, ce film absurde et irréel séduit par ses qualités propres. Et s’en parler de grand film, on peut trouver ici ce qui fera le réalisateur de demain ; de l’audace et de la folie. Le cinéma français en manque cruellement.