Ecoute plus souvent
les choses que les êtres,
la voix du feu s’entend,
Entends la voix de l’eau.
Ecoute dans le vent
le buisson en sanglot
C’est le souffle des ancêtres »
Birago Diop, Les contes d’Amadou Koumba, Sarzan, 1961
Les contes d’Amadou Koumba ne sont ni naïfs, ni « primitifs », ni simples. Pour reprendre les mots d’un poème de Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal, ces contes puisent leurs racines « dans la chaire rouge du sol, dans la chaire ardente du ciel ».
Chacun d’eux est un petit trésor à dévoiler, à déchiffrer et à s’approprier, mêlant étroitement l’humour à la sagesse, révélant les interdits, mais aussi les chemins à suivre, ancrés dans un quotidien, une Histoire, celle des femmes et des hommes des villages d’Afrique.
Au delà des traditions dont ces contes sont autant d’échos, leur enseignement a une portée universelle : la place de l’homme dans l’univers, dans son rapports avec ses semblables, avec les animaux, mais aussi avec les forces mystérieuses, qu’il s’agisse de Dieu ou des génies.
Certains récits s’inscrivent dans l’Histoire, celle de la colonisation, mais aussi celle de l’islamisation des pays de l’Afrique de l’Ouest. Sarzan (sergent) revient au village pour civiliser les « sauvages » qui y sont restés mais c’est sans compter sur les pouvoirs de la tradition, et surtout des génies, qui auront raison de lui et de sa raison.
L’espace de la brousse y est certes un territoire étranger et potentiellement dangereux mais grâce au pacte que les hommes ont conclu avec elle, il leur est possible de s’y aventurer, de chasser à la condition toutefois de pouvoir déchiffrer ses signes et de respecter ses mises en garde.
Les contes dont les animaux sont les héros traitent le plus souvent des rapport sociaux. Le bestiaire des contes rappelle celui de La Fontaine. Les animaux sont des types : ainsi Golo-Le-Singe, ou Leuk-le-Lièvre qui font immanquablement penser à Renart, mais si les ruses du premier mènent au désordre, celles du second visent souvent à le rétablir aux dépens des autres animaux de la brousse ou même des humains trop vaniteux.
Enfin, la langue de Diop est celle des griots, toute teintée d’oralité : les épithètes homériques y sont souvent joyeux « Bouki-L’-Hyène à la fesse basse » (pour avoir porté trop de fagots sur son dos afin de continuer à étudier le Coran le soir), ils portent sur de menus détails, transformant ainsi la plus simple des histoires en petite épopée. La poésie y est omnipréente, charnelle, ludique ou bien prophétique, comme par exemple dans les paroles de Sarzan, possédé par les génies, et qui clôt le recueil.