Cette rubrique suit l'actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s'agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.
Günther Anders, L'Obsolescence de l'homme, Fario
Bill Berkson, Parties du corps, Joca Seria
Monique Jutrin, Avec Benjamin Fondane, au-delà de l'histoire, Parole et Silence
Revue , n° 984, avril 2011, Trakl et Christa Wolf
Cédric Demangeot, Ferraille, Les éditions d'Aldébaran
Revue Passage d'encres, n° 42, coordination Jean-Pierre Faye
Charles Dobzynski, Je est un juif, roman, Orizons
Hervé Martin, J'en gage le corps, Amandier
Loyan, La chambre anéchoïque, Éditions Clarisse
Isabelle Damotte, Frère, Cheyne Éditeur
Marc Sastre, L'homme percé, Les Cyniques
Romain Fustier, Les yeux assis sur la plage, Éditions de l'Atlantique
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Günther Anders
L'Obsolescence de l'homme
Tome 2
Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle
Traduit de l'allemand par Christophe David
Éditions Fario, 2011
440 p - 30 €
Note de l'éditeur : Günther Anders (1902-1992) occupe une place à part dans le collège philosophique de son temps. Il fut l'élève de Husserl, de Heidegger (auquel il s'opposa radicalement [...]) et de Scheler et son œuvre est contemporaine de celle d'Hannah Arendt (dont il fut le premier mari), de Jonas, de Benjamin, d'Adorno, de Marcuse ou encore de Levinas. Son parcours est celui de l'exil, hors de son pays d'origine puisqu'il émigra en France puis aux États-Unis de 1933 et 1950 et ne voulut pas vivre en Allemagne lors de son retour en Europe ; hors des champs académiques de la philosophie et de la carrière (il refusa tous les postes qui lui furent proposés à l'université) ; hors de son patronyme : Anders, l'" autre ", devint son nom de plume [...] Ce sont les séismes de l'époque et l'urgence d'y répondre qui dès les années trente et jusqu'à la fin de sa vie furent pour lui, impérativement, l'enjeu et l'objet de sa réflexion : romans, critiques, poèmes, essais, contes. . [...] De l'aveu même d'Anders, la part de son œuvre qu'il considérait comme la plus importante est ce qu'il a désigné comme une " anthropologie philosophique à l'époque de la technocratie ". Il l'a rassemblé dans les deux tomes de L'Obsolescence de l'homme (un troisième tome en préparation n'a jamais vu le jour). Le premier tome, publié par l'auteur en 1956, a été traduit en français en 2002 (Ivréa et l'Encyclopédie des nuisances). La traduction de ce second tome, publié en 1980, est donc également bien tardive. La dégradation ou la destruction de la vie, humaine et non humaine, et les formes insidieuses de la domination de masse n'ont en rien démenti depuis, bien au contraire la pertinence de ses analyses. [...] Une critique fondamentale et exigeante de l'industrialisation du monde et de ses funestes effets. (p. 5)
Bill Berkson
Parties du corps
Poèmes 1960 - 2010
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Omar Berrada, Vincent Broqua, Olivier Brossard, Vincent Dussol, Abigail Lang, Clément Oudart, Martin Richet et Béatrice Trotignon
Choix de textes et notes Bill Berkson et Olivier Brossard, postface Olivier Brossard
Éditions Joca Seria, 2011
15 €
Les poèmes de Bill Berkson sont délicieux, choquants et surprenants à souhait. On se trouve " retourné ", pour ainsi dire, par ces qualités dépareillées qui s'accordent ici si bien et qui forcent le lecteur à relire les poèmes pour voir ce qui ne va pas. Rien, en fait ; et on découvre que Berkson a trouvé une nouvelle façon de tout faire aller bien. Ou, comme le dit Ron Padgett, " l'écriture de Bill Berkson est spirituelle, musicale, aussi quotidienne que profonde, portée par une intégrité vivifiante et traversée de somptueuses abstractions et autres merveilleuses connections entre oeil, oreille, esprit et coeur. " Peut-être que sa poésie en est arrivée là parce qu'elle s'écrit jour après jour, ou semaine après semaine depuis bientôt quarante ans. La poésie ne dévie jamais du sujet principal qu'elle semble s'être choisie, à savoir la richesse et l'extraordinaire des choses, quand elles ont du sens et quand elles n'en ont pas. Si elles n'en ont pas, c'est une occasion en or de leur trouver un nouveau sens ; c'est donc un sujet illimité puisque les réponses sont des poèmes et non pas des bombes qui élimineraient toutes les belles choses partout en observation.
Parmi ces choses, la langue anglaise à qui Berkson fait faire une bonne dose d'exercice. Souvent même, on a le rare privilège d'entendre ce qui se dit en même temps que la façon particulière de le dire, pour notre plus grand bonheur. (Kenneth Koch, 4 ème de couverture)
Auteur de nombreux livres de poésie, critique d'art et commissaire d'exposition, Bill Berkson est né à New-York en 1939.
Monique Jutrin
Avec Benjamin Fondane, au-delà de l'histoire
Parole et Silence, 2011
18 € - s ite de l'éditeur
Ni biographie, ni vie imaginaire, ce récit tente de faire revivre, en dialogue avec Benjamin Fondane, certains moments de sa vie, depuis son arrivée à Paris en 1924 jusqu'à sa mort à Auschwitz en 1944. Fondé sur des documents variés, ce livre veut aussi ressusciter une époque, avec ses protagonistes du monde littéraire et artistique. Car Fondane, lié à Léon Chestov, Emile Cioran, Gaston Bachelard, Jean Lescure, fut un témoin particulièrement lucide de son temps. ( site de l'éditeur)
Monique Jutrin, fondatrice de la société d'études Benjamin Fondane et directrice des Cahiers Benjamin Fondane, est aussi l'auteur d'ouvrages consacrés à des écrivains tels que Marcel Schwob, Ephraïm Mikhaïl, Panaït Istrati, Rachel Bespaloff.
n° 984, avril 2011 (Georg Trakl, Christa Wolf)
18,50 €
Au sommaire de ce numéro, deux importants dossiers, l'un consacré à Georg Trakl sous la direction de Rémy Colombat, avec notamment Claudio Magris, Lionel Richard, Ludwig von Ficker, Gerald Stieg, Antonio Gamoneda et des textes de Trakl ; et un autre à Christa Wolf sous la direction d'Alain Lance, avec notamment Uwe Kolbe, Uwe Timm, Anne-Brigitte Kern, Fernand Cambon, Nicole Bary, Christoph Hein. Dans le cahier de création, des textes de Eva Strittmatter, Bengt Erasmie, Marilyn Hacker et Marie-Christine Navarro.
Cédric Demangeot
coll. Imagiers, Les Éditions d'Aldébaran
18 €
Dans la collection Imagiers, la création littéraire (récit, nouvelle, poème, aphorisme ou note...) et plastique (photographie, peinture, gravure, dessin ou collage...) d'un même artiste entre en correspondance.
Ici Cédric Demangeot a assemblé plusieurs séries de poèmes inédits ( ferraille, caprices I, II et III) et une vingtaine de lavis qui dessinent comme un art de vivre malgré tout, par rage et candeur, bonheur de continuer à créer au bord de l'abîme.
Revue Passage d'encres
n° 42. Le grand danger
Coordination, Jean-Pierre Faye
Artiste invitée, Jacquie Barral
22 €
Ont collaboré à ce numéro Jean-Pierre Faye, Jean-Bollack, Jacques Bouveresse, Francine Markovits, Heinz Wismann, Pierre Drogi, Mathias Lair, Françoise Le Corre & Yves Charnays, Marc Orban, Sophie Philippe, Christel Valentin
Charles Dobzynski
Je est un juif, roman
Orizons
13,50 €
" On ne naît pas femme, on le devient " disait Simone de Beauvoir.
Peut-on prétendre : " On ne naît pas Juif, on le devient ". C'est ce que tente d'élucider Charles Dobzynski dans ce singulier roman en vers. La judéité est multiple. Elle se manifeste aussi dans un dialogue impertinent avec " Dieu sans confession " que galvanise l'irruption de l'humour. Le récit prend une ampleur épique en évoquant le destin de diverses communautés juives de la diaspora, aux États-Unis, en Russie, en France, en Pologne où s'effectue un poignant retour du poète sur son lieu de naissance.
Dans l'ensemble de cette méditation axée sur la question : " être Juif, comment ? ", l'auteur affirme son autonomie de pensée, son refus des dogmes, dans la philosophie de l'être, comme dans l'amour partagé. Poésie narrative ? Sans doute, nais dans son architecture de séquences et de vers brefs, c'est le lyrisme existentiel qui a la force 4 d'une lame de fond. (4 ème de couverture)
Hervé Martin
J'en gage le corps
coll. accents graves accents aigus, Amandier
13 €
Construit en triptyque, ce recueil d'Hervé Martin explore la perte, la filiation et l'enfance " travaillant le corps ". Ce qui ne parle pas heurte de front la " question de la mort " quand l'expérience du deuil égrène les noms des disparus, " portions de soi/parties comme un membre ". Parents, amis, anonymes engloutis dans le " chambranlement des vies " dont le souvenir réanime des bribes qui balbutient dans " l'hésitement " d'une langue heurtée et trouée de blancs l'impossibilité à " nommer la perte ", la " peine qui est là dans l'arythmie ". Ce sont père et mère que les deux monologues de Sur l'encours des jours font revivre en même temps que se recompose le vers du poème qui tente d'" extraire du passé la racine ". Et se réinvente la vie de la mère - " j'invente j'invente/ comme ce jour de Noël/ orangé rouge les oranges/ sanguines ce possible " - tandis que " perce dans sa voix le tendu de la chair " et que l'écriture " tremble " identiquement " des mots " qui racontent la joie, la douleur et les rêves perdus dans l'effacement du souvenir. Et s'interroge le manque du père lointain " l'inaccompli ", " ce noyau/ de l'échange perdu " dont ne reste que frêles réminiscences. " Que cherches-tu/dans ce fouillement ? " interroge, au final, le poète dans Contre la nuit tandis que ce cheminement intérieur, tout d'émotion retenue, qui lie l'enfance à la mort - l'infans qui ne parle pas à ce qui ne parle plus- se clôt sur l'aveu de l'attachement simple " tu les aimes - dis-le ces corps meurtris du temps " élargissant à tous " la main tendue au vide " dans l'expérience commune et simple de nos vies. (4 ème de couverture)
La Chambre anéchoïque
Éditions Clarisse, 2011
5 €
La dissociation me tend une vie sous mélancolie artificielle
à la berge d'un fleuve sans ruptures je vis une écrevisse faire corps de limon
d'un banc de sable partait un héron
un colline était là, à gravir (p. 14)
Isabelle Damotte
Image d'Estelle Aguelon
coll. Poèmes pour grandir, Cheyne Éditeur
14 €
[...]
La vieille dame
propose le sirop
pose sur l'assiette
les gâteaux
Elle a gardé les bottes de sept lieues
et gourmande le vent endormi :
il faut sécher le linge avant la nuit
Marc Sastre
L'Homme percé
Les Cyniques
12 €
à signaler : ce livre est la toute première parution d'un nouvel éditeur, Les Cyniques
Cet homme percé est un long poème, extrait du fond d'un chantier de construction. Celui qui s'y exprime, revenu des antagonismes de classes indépassables, n'a pas encore cédé aux tentations parallèles, aux grands écarts philosophiques, aux paradoxes pratiques.
Ouvrier/poète, ou poète/ouvrier, l'homme percé tente d'affiner sa lame politique, sa condition d'existant, par le langage poétique. S'il est parfois rustre (son éloquence est celle de ces partitions où ce sont des marteaux et des insultes qui jouent), ce sont bien des visées qu'il s'accorde.
Manifestations d'un tropisme, ces élans poétiques, ces fulgurances émaillant ce quotidien où l'hypersensibilité transmute le réel, où tout est guerre, et guerre des sens, écornent sans détours la mythologie du travail.
( lire un extrait sur le site de l'éditeur)
Romain Fustier
Les yeux assis sur la plage
Éditions de l'Atlantique
16 €
Les poèmes en prose que Romain Fustier nous donne à lire dans Les Yeux assis sur la plage commencent souvent par le pronom " Elle ". Hommage évident à la femme aimée, ils décrivent minutieusement l'entrelacs subtil intérieur/extérieur, tels les instantanés d'un objectif de photographie [...] de courts textes travaillés, ciselés comme autant de galets sur la plage, qui libèrent en nous les murmurantes mémoires enfouies (Sylvaine Arabo, 4 ème de couverture)