Dépassé en Côte d'Ivoire
En Côte d'Ivoire, très tôt, Nicolas Sarkozy avait exigé le départ de Laurent Gbagbo dès le résultat de l'élection présidentielle connue. Sa position rejoignait celle de la fameuse communauté internationale. Elle n'avait qu'une spécificité, historique : la Côte d'Ivoire est une ancienne colonie française. Et la France, de de Gaulle à Sarkozy, y a conservé de sérieux intérêts et une sacrée influence. Le poids de cette Françafrique justifiait officiellement que Nicolas Sarkozy reste prudent. Pas question d'intervenir même si des forces françaises stationnent à proximité. Pendant quatre mois durant, la Sarkofrance a donc peu fait excepté parler à propos de la Côte d'Ivoire. Même quand des rumeurs de massacres de civils secouaient les opinions locales et françaises, Nicolas Sarkozy avait donné l'ordre de ne pas bouger. L'ONU a déjà quelques soldats sur place. En Libye, ancienne colonie italienne, Nicolas Sarkozy n'eut pas ces précautions. Et ce fut tant mieux, dans les premières heures au moins de l'intervention occidentale, pour les insurgés de Benghazi. Mais comment comprendre ce double traitement ?
Le 25 mars dernier, la France se joignait au Nigéria pour demander à l'ONUCI, la force onusienne présente sur place, d'intervenir à Abidjian pour faire stopper les tirs à l'arme lourde contre les populations civiles. Mais sans crier gare, les forces d'Alassane Ouattara, le président élu et reconnu, fondaient sur Abidjian en début de semaine dernière. La Croix Rouge évoqua « au moins 800 personnes » décédées, civiles ou militaires, dans l'Ouest du pays. Ces massacres ne suscitent aucune réaction concrète française, comme en Libye. Samedi, le pays était quasiment conquis et les combats faisaient rage dans l'ancienne capitale du pays. On aurait trouvé une centaine de corps près de la ville de Duékoué.
Vendredi soir, Sarkozy organisait une « réunion de crise » sur la Côte d'Ivoire à l'Elysée. Il s'en suivit un joli communiqué où « la France appelle M. Laurent Gbagbo, conformément à la résolution 1975 du Conseil de sécurité, à se retirer immédiatement, à faire cesser les violences et à céder le pouvoir pacifiquement au Président Ouattara.» Nicolas Sarkozy s'empressait d'appeler Ouattara. Trop tard. « Gbagbo vit ses derniers jours de chef d'Etat » comment Juppé.
En Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo espérait un soutien chinois. Selon Alain Léauthier, pour Marianne2, le timing de l'offensive de Ouattara serait lié à la perspective d'une récolte prochaine de cacao que le rival Gbagbo entendait vendre à une société chinoise.
Contredit en Chine
De son voyage en Chine, en fin de semaine dernière, on n'a retenu qu'une anecdote, sa visite expresse au Japon, pour rassurer les Français expatriés, saluer le gouvernement local et, surtout, sauver ce qui pouvait l'être encore du nucléaire civil. La catastrophe de Fukushima restera dans les mémoires. Mais lors de ce voyage, Nicolas Sarkozy avait bien d'autres choses à faire, dans son programme officiel. Les médias locaux, sous la coupe d'une censure gouvernementale hors normes qui frappe désormais Google, s'amusèrent à relater quelques détails et gros échecs du Monarque français sur place. A Nankin, où il ouvrait la réunion des ministres des finances du G20, le président français fut logé dans une suite « présidentielle » de 800 mètres carrés, à l'hôtel Sofitel Zhongshan. « Le tarif ordinaire de la suite présidentielle est de 40 000 yuans (4291 euros environ) par jour », a révélé un responsable commercial de l'hôtel. En Chine, le salaire moyen est estimé à quelques dizaines d'euros par mois.
Mais le plus grave était ailleurs : la réunion de Nankin n'a débouché sur rien. C'est le premier revers, peu commenté, de cette fameuse présidence française du G20. Nicolas Sarkozy souhaitait convaincre la Chine d'intégrer sa devise, le Yuan-renminbi, dans le panier de valorisation des Droits de Tirage Spéciaux du Fonds monétaire international (FMI). Ces DTS ont été inventés en 1969 pour servir d'actif de réserve « relais » entre les Etats, en sus de l'or et du dollar. Si le Yuan chinois servait, comme le dollar, l'euro, le yen et la livre sterling à valoriser les DTS, son cours serait davantage figé. Or, justement, Européens et Américains souhaitent que la Chine cesse d'utiliser le faible cours de change de sa mon,naie pour doper ses exportations.
Mercredi soir, le président Hu Jintao a botté en touche. Pas question de figer son Yuan. La Chine veut d'abord internationaliser sa devise, via le développement de ses exportations et échanges en Asie. En d'autres termes, Nicolas Sarkozy s'est pris un vent. Echec total. La première dictature du global, grande financière des démocraties occidentales surendettées a sèchement boudé l'initiative française.
Enlisé en Libye
On ne sait plus quoi penser de la situation libyenne. Samedi 2 avril, les forces de l'OTAN ont tué 9 insurgés et 4 civils, près de Brega. Un responsable des forces rebelles a indiqué qu'un avion de l'OTAN a pris un tir de joie pour une attaque, et a ouvert le feu sur un convoi de cinq véhicules, dont une ambulance...
Depuis mardi, la situation militaire est figée. Le colonel Kadhafi a repoussé l'offensive des insurgés. le mauvais temps, en fin de semaine, a bloqué les interventions occidentales. Les Etats-Unis retirent peu à peu leurs avions. Ils fournissaient jusqu'alors l'essentiel du contingent aérien (90 avions contre 33 pour la France).
Sarkozy et Cameron se retrouveront-ils seuls en tête-à-tête guerrier avec Kadhafi ?