Au moment où le communautarisme devient une menace, où les idées approximatives s’enlisent dans des débats vaseux sur le multiculturalisme, l’identité ou la laïcité, il est sain de faire un petit rappel sur nos origines profondes. L’ambiguïté du mot « identité » ajoute à la confusion des discours. Il est, en effet, porteur de deux idées contradictoires : à la fois ce qui nous est commun (identique) et ce qui nous est propre et nous sépare des autres (que l’on décrit, par exemple, sur une carte d’identité). Racisme, crainte de l’immigré, rejet de l’étranger, peur de la différence, telles sont les valeurs de ceux qui proclament des slogans nationalistes tels que « La France aux Français » ou « La préférence nationale ». Ils véhiculent une idéologie qui rappelle celle de la pureté de l’Aryen dont l’Histoire gardera à jamais en mémoire la dévastation qu’elle entraîna. Cette idéologie farfelue repose sur le fantasme d’une soi-disant race française dont les racines plongeraient dans la préhistoire. Or, tous, nous sommes des fils d’immigrés. L’histoire de la France est une longue suite d’invasions venant d’horizons divers, Europe centrale, Pays nordiques, continent Africain, Moyen-Orient, Europe occidentale. Dès la préhistoire, les premiers venus, les Néanderthaliens et l’Homme moderne, venaient d’un ailleurs africain. De tout temps, la Gaule, puis la France, a été traversée par des invasions et des influences étrangères. Déjà, du VIIIe siècle au VIIe siècle avant notre ère, le peuple de Hallstatt, venant du centre de l’Europe, a envahi le pays, suivi au Ve siècle avant JC par un peuple indo-européen appelé peuple de la Tène. De -58 à -51, la conquête romaine permet l’installation de la civilisation de Rome pendant des siècles. Dès la fin du IIIe siècle, les Saxons s’implantent sur les côtes bretonnes et apportent avec eux la civilisation celtique que certains Français d’aujourd’hui continuent de revendiquer. En l’an 406, la Gaule subit un débordement d’envahisseurs constitué des Vandales venant de Scandinavie, des Burgondes et des Suèves. Ces derniers occupent la Gaule du Nord, occupent Lyon en 461 et s’installent de la Champagne à la Durance. Dans le même temps, les Alamans s’installent durablement en Alsace et, au XIIIe siècle, seront présents dans les régions alpines. La même année, venant de la rive droite du Rhin, les Francs envahissent la Gaule à leur tour et Clovis annexe tout le Nord du pays. En 507, ils atteignent Poitiers. En 412, les Visigots, quant à eux, envahissent le sud de la Gaule jusqu’à Bordeaux et les rives de la Loire. Tous ces envahisseurs furent suivis, dans la seconde moitié du Ve siècle, par les Bretons d’une part qui venaient des îles Britanniques et s’implantèrent en Armorique, par les Huns d’autre part, conduit par le célèbre Attila, en 451 qui s’installèrent dans l’Est de la Gaule jusqu’à Orléans. En 490, les Ostrogots, venant de la péninsule italienne, franchissent les Alpes et s’implantent dans la vallée du Rhône. Les Sarrasins musulmans ont également envahi la France et personne n’oublie la guerre que leur livra Charles Martel pour les arrêter à Poitiers en 732. Chaque guerre, et elles furent nombreuses et longues durant l’Histoire de France, a provoqué des immigrations étrangères d’hommes cherchant à fuir leur pays pour de multiples raisons. Ainsi, en 1453, la bataille de Castillon marquant la fin de la guerre de Cent ans fut suivie par l’installation en France de colonies écossaises qui y firent souche. Ils furent suivis, en 1570, par l’exil des compagnons écossais de Marie Stuart qui s’implantèrent dans la Creuse. Tous ces « envahisseurs » et ces immigrés ont fait souche dans notre pays et nous descendons d’eux. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’expansion économique des trente glorieuses n’a été possible que grâce aux arrivées successives, dès le début du XXe siècle, des Italiens, des Russes blancs, des Polonais et des Juifs égyptiens qui ont fourni la main d’œuvre non qualifiée dont la France a eu besoin dès 1950. Au milieu du siècle dernier, sont arrivés, pour les mêmes raisons, les Portugais, les Espagnols, les Maghrébins, les Africains. Tous ces hommes d’horizon divers et plus ou moins lointains ont, pour la plupart, fondé une famille en France et leurs enfants sont aujourd’hui parmi nous. Nous avons tous des ascendants apparentés à ces hommes venus d’ailleurs. Ce sont toutes ces origines diverses qui ont construit notre identité d’aujourd’hui. Il n’est point besoin de longs discours et de vaines polémiques pour admettre que nous sommes tous des sang-mêlé. Ne l’oublions jamais !