Après neuf années de gouvernement de droite, la France souffre d'un déficit annuel de sa balance commerciale de 53 milliards d'euros, et d'une dette publique de 1 500 milliards, détenue à 69 % par l'épargne étrangère. Fin 2012, elle sera de 2 000 milliards d'euros, soit 90 % de notre produit intérieur brut (PIB). Cette dette est libellée en euros, nos échanges commerciaux s'effectuent en euros et en dollars. Une dévaluation de 25 % de notre monnaie nationale alourdirait d'autant le niveau de notre endettement et celui de notre déficit commercial. Notre taux d'emprunt, aujourd'hui historiquement bas (3,5 %, contre 6 % pour l'Espagne et 12 % pour la Grèce), s'alignerait sur celui des pays qui présentent un risque de défaut de remboursement. Le service de la dette atteindrait un niveau himalayen et contraindrait l'Etat à prélever un emprunt obligatoire.
Alors que 25 % des salariés français travaillent pour l'exportation, le retour des dévaluations compétitives et du nationalisme économique entraînerait des mesures de rétorsion de la part de nos partenaires des pays émergents, mais aussi des pays européens. D'après le chef économiste de la banque ING, peu suspect de sympathies socialistes, une sortie unilatérale de la monnaie unique se traduirait pour la France par une contraction de 4 % de son PIB la première année, et de 10 % sur trois ans, le taux de chômage officiel bondissant à 13,8 % de la population active.
C'est parce qu'ils savent tout cela que les gouvernements européens grec, portugais, irlandais, espagnol tournent résolument le dos à la politique réactionnaire proposée par le Front national.
Loin de chercher leur salut dans une sortie de l'euro et dans le retour à leur monnaie nationale, ils militent pour que l'Union européenne leur assure une capacité d'emprunt à faible taux, que les Etats membres de l'UE en excédent commercial, au premier rang desquels l'Allemagne, stimulent leur consommation intérieure, afin de relancer la croissance au niveau du continent. Ils appellent également de leurs voeux un gouvernement économique européen capable de coordonner les politiques budgétaires et macroéconomiques des Etats-membres, de mettre en oeuvre une stratégie continentale de sortie de crise et d'écodéveloppement. Ils demandent, enfin, que l'Union conduise une politique de change capable de faire face à la sous-évaluation du dollar et du yuan.
Il faut mettre à profit la crise actuelle pour trouver un second souffle à l'Europe, non pour contribuer à l'achever en retournant chacun à sa monnaie et à son pré carré national.
Tout aussi désastreuse, et de surcroît inconstitutionnelle, serait l'application de la politique de discrimination à l'encontre des travailleurs immigrés, présentée sous le nom de préférence nationale.
La contribution de ces travailleurs à l'économie française est largement positive. Ils versent annuellement 60 milliards d'euros d'impôts et de charges sociales aux budgets de l'Etat et de la protection sociale ; dans le même temps, ils reçoivent environ 48 milliards d'allocations publiques. Ils occupent les emplois les moins qualifiés, les plus mal rémunérés, les plus pénibles, dans le nettoyage, le bâtiment, la métallurgie, l'artisanat et le commerce de proximité.
Présentée par le FN comme un poids pour l'économie française, l'immigration est en réalité une chance pour l'avenir, et notamment pour l'équilibre de la protection sociale. Le Conseil d'orientation des retraites estimait en 2008 que "l'entrée de 50 000 nouveaux immigrés permettrait de réduire de 0,5 point de PIB le déficit des retraites". Il faut maîtriser les flux et améliorer l'accueil et l'intégration des travailleurs immigrés, non leur infliger sous couvert de préférence nationale une discrimination négative moralement indigne et économiquement absurde.
Avec le protectionnisme de repli et le fétichisme de la répression, la xénophobie et l'islamophobie sont le fond de commerce de la nouvelle extrême droite. En cela, elle se situe en dehors de l'arc républicain. Pour endiguer sa résistible ascension, la dénonciation politique et la stigmatisation morale ne suffisent pas. Il faut réfuter point par point ses propositions politiques. Républicains, à vos claviers !
Henri Weber, député européen (PS)