Nicolas Sarkozy est un apprenti sorcier. Pour sa 204ème semaine depuis son élection en 2007, il récolte les fruits de sa tempête. Il a joué avec l'extrême droite comme un petit garçon avec des allumettes. Au lendemain de l'échec cantonal dilanche dernier, son camp lui a fait une crise d'autorité et découvre, un peu tard, que Sarkozy répète tout haut ce que Marine Le Pen crie plus fort. En Libye, le Monarque français a négligé d'aller à Londres pour un sommet international pourtant décisif sur la Libye. Il préférait la Chine, et surtout le Japon. Dans ce pays traumatisé par un tremblement de terre, un tsunami puis une catastrophe nucléaire, le président français voulait (se) rassurer sur l'avenir et la fiabilité de sa filière atomique.
Légitimer l'extrême droite
Dimanche dernier, l'échec de l'UMP aux élections cantonales a ravivé les rancoeurs et les doutes. De nombreuses voix, y compris les plus inattendues (Christian Estrosi) se sont élevées pour critiquer le positionnement sécuritaire du Monarque et, en particulier, l'organisation d'un débat sur l'Islam rapidement recentré sur la laïcité. On accuse Sarkozy d'avoir joué aux apprentis sorciers et dynamité l'UMP au point qu'on s'interroge sur sa survie. Il a rétréci le spectre idéologique du « grand parti de la droite » à l'étiage du Front national, légitimant un à un, par ses faux constats et vrais échecs, les propos tenus par la pire des extrêmes sur l'immigration.
Le pouvoir a fait mine d'ignorer le scrutin local. Officiellement, il n'y eu aucune réaction. En coulisses, on s'agite : lundi matin, Sarkozy convoque une réunion de crise. Il fustige celles et ceux qui l'ont encore critiqué, la veille, sur les plateaux télé. Christian Estrosi, un récent repenti, est traité « d'âne »; Dominique Paillé, ancien porte-parole, est « extrêmement peiné ». Dans l'après midi, Sarkozy prend soin de convier son fiston Jean et l'ancien et futur président du conseil général des Hauts-de-Seine Patrick Devedjian. Ce dernier a survécu à toutes les attaques pilotées contre lui depuis l'Elysée. Isabelle Balkany, porte-flingue envoyée pour lui faire la peau (politique) a été battue à Levallois-Perret. Le Prince Jean attendra donc pour prendre la présidence du département le plus riche de France.
Lundi soir sur CANAL+, Jean-François Copé, l'exécutant de l'UMP, a provoqué un clash public et médiatique avec François Fillon, l'accusant, à la télévision, de ne pas jouer collectif. Dès le lendemain, Sarkozy les convoquait à 8h15 pour une explication/réconciliation. Quelques minutes plus tard devant les ténors de l'UMP réunis à l'Elysée, les deux rivaux de 2017 affichaient toujours leur haine. Mercredi, Fillon faisait savoir à la presse qu'il ne participerait pas au débat de l'UMP prévu le 5 avril sur la laïcité. Le même jour, les représentants des 6 grandes religions de France (musulmane, protestante, catholique, orthodoxe, bouddhiste, juive) désapprouvaient publiquement l'organisation opportuniste de ce faux débat. Ce dernier a finalement été réduit à sa plus simple expression, une paire d'heures. Et les ministres participants se sont progressivement désistés. A l'UMP, on finit par douter.
Ce fiasco est grave pour Sarkozy. Le Monarque a été désavoué par les siens. L'après-Sarkozy aurait commencé. Fillon et Copé se disputent la prochaine place présidentielle. Dans Paris-Match, l'obscur conseiller Patrick Buisson dénonce la prolophobie des élites françaises et suggère de réhabiliter le travail en réservant le RSA aux... Français. Cet ancien patron de Minute, toujours aussi écouté au sommet de l'Etat, sombre en plein délire frontiste.
Jouer au chef de guerre
Sarkozy veut croire qu'il contrôle encore tout. On pensait qu'il avait mieux à faire. En Libye, la guerre fait rage. Le weekend dernier, les rebelles avaient repris du terrain, grâce aux attaques aériennes de la coalition occidentale. Mais dès lundi les forces kadhafiennes contre-attaquèrent. Les insurgés piétinent, voire rebroussent chemin. Sarkozy se fait filmer en visio-conférence avec Obama, Cameron et Merkel. Jeudi, Moussa Koussa, un ancien fidèle du colonel libyen, fait défection et se réfugie à Londres. Cela tombe bien. Il est accusé d'avoir organisé l'attentat de Lockerbie. Vendredi, le mauvais temps empêche les aviations françaises et britanniques d'intervenir. Les rebelles proposent un cessez-le-feu, rapidement refusé par le colonel Kadhafi. A l'Elysée, on s'inquiète d'un enlisement. L'OTAN, malgré les hésitations françaises, a pris la main des opérations militaires. On fait quand même la guerre en Libye.
Quelques jours plus tôt, lundi, Nicolas Sarkozy et David Cameron signaient une déclaration commune sur la Libye, quelque heures avant le début du sommet de Londres. On est surpris. Les deux s'abritent derrière la résolution du Conseil de Sécurité, avancent des chiffres invérifiables, réécrivent l'histoire, et réclament le départ de Kadhafi. Ils donnent quelques leçons de démocratie au passage, rappelant que le peuple libyen « comme tout autre peuple, (...) a le droit de choisir librement ceux qui le dirigeront. »
Bâcler sa visite en Chine
Pourtant, mardi, Nicolas Sarkozy sèche le dit sommet international. L'absence est curieuse, pour quelqu'un qui s'est affiché en première ligne dans l'affaire libyenne. Il a autre chose à faire, on l'a vu. Le camp sarkozyste est en crise d'autorité. Mercredi matin, le Monarque file en Chine. Il inaugure une ambassade, et ouvre une rencontre entre les ministres des finances du G20 à Nankin. Il n'était pas question de donner une quelconque leçon de démocratie à la plus grande dictature du globe. Sarkozy a l'habitude des courbettes diplomatiques devant la Chine. Il se fait quand même sèchement accueillir par l'autocrate Hu Jintao. Ce dernier n'apprécie pas « l'utilisation de la force » en Libye.
Quant aux discussions sur la régulation de la finance mondiale et des cours de change, c'est un flop pour l'instant total. On avait presque oublié que Sarkozy devait réguler le monde de la finance. Les Etats-Unis, suivis par l'Europe, souhaitaient convaincre la Chine de contrôler le taux de change du Yuan. La presse chinoise s'amuse à un compte-rendu de cette réunion finalement pitoyable. Sarkozy a voulu parvenir au consensus, sans déranger la Chine; pour l'instant, il n'a rien.
Vanter le nucléaire au Japon
Jeudi, le président français fit un crochet expresse par le Japon, traumatisé par la catastrophe de Fukushima. Il évoqua la douleur, le « pays tout entier plongé dans le malheur », les morts, les « milliers de blessés ». Mais ses propos furent finalement indécents, ou irresponsables. Ou les deux. Quatre réacteurs incontrôlables, un océan pollué des miles à la ronde, Tokyo interdit d'eau potable pour les nourrissons. Il y a urgence.
Pour Sarkozy, VRP du nucléaire français, il fallait défendre la filière atomique. A la communauté française du Japon, il rassure : « j'ai sollicité l'expertise scientifique du CEA.» Le Commissariat à l'Energie Atomique, actionnaire à 72% d'Areva, a été chargé par Sarkozy, en février dernier, de piloter l'exportation de la technologie nucléaire française en Asie. Quelle indépendance de jugement ! Il poursuit : « résider à Tokyo ne constitue pas un danger réel pour la santé des population.» Il refuse les « polémiques », exige de « faire preuve de sang-froid.»
Même les Japonais n'y croient plus. Mieux, Sarkozy prévient : « vous devez accepter de vivre avec cette situation pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois.» Des mois ? La pollution radioactive durera des siècles. Pour finir, Sarkozy livre son argument fétiche, le fond de sa pensée, l'absolue raison qui emporte tout : « Pour la France, le nucléaire civil est un élément essentiel de son indépendance énergétique et de la lutte contre les gaz à effet de serre.» Ce n'était donc que cela. Il ne faut pas déjuger l'énergie nationale ! Le Monarque réclama des normes internationales de sûreté nucléaire. Belle diversion. Depuis bientôt 4 ans, il a vendu notre technologie à nombre de dictatures sans se préoccuper de ces normes. Lors de son dernier voyage en décembre dernier, Sarkozy a vendu deux EPR à l'Inde qui seront construits ... sur une zone sismique. Réclamer des normes que l'on ne respecte pas soi-même... quelle exigence ! Le nucléaire reste un tabou bien français.
En France, le patron de l'ASN remettait son rapport annuel à l'Assemblée nationale le même jour. En 2010, il n'a relevé « que » 1.107 incidents. La sûreté des centrales françaises serait « satisfaisante ». Des parlementaires suisses réclament la fermeture de Fessenheim, l'une des plus vieilles centrales françaises construites sur une faille.
Négliger la précarité
Toute la semaine, le Président des Riches a oublié les vrais sujets. C'est là le plus troublant. La France qui le préoccupe se résume à l'UMP et ses querelles de pré-campagne. L'autre France, la vraie, s'inquiète du chômage et de la vie chère. Ainsi, les ruptures conventionnelles de contrat de travail frôlent « enfin » les 500.000, moins de trois ans après leur entrée en vigueur. Même le Figaro reconnaît qu'elles sont souvent des pré-retraites déguisées.
L'inflation repart. François Baroin bafouille de mauvaises explications sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Et les tarifs du gaz s'envolent encore, +5,1% ce 1er avril pour les particuliers. le gouvernement « réfléchit » à un gel des augmentations ... jusqu'à la présidentielle. Nous prendrait-on pour des c...s
Vendredi 1er avril, on pouvait voir les premières images fascinantes d'un film sur un autre temps, celui de la Conquête du pouvoir entre 2005 et 2007 par Nicolas Sarkozy. Pas sûr que le Monarque apprécie cet exercice cinématographique inédit. Il en est certes le héros, mais le contraste est trop terrible avec la situation actuelle.
Ami sarkozyste, prépare-toi !