Depuis plus de 25 ans, l’ESC Grenoble a construit sa réputation autour de l’enseignement du management, de l’innovation et des nouvelles technologies. Précurseur dans le domaine, avec l’instauration dés 1988 des ordinateurs portables au sein de ses locaux, l’école a poursuivi ces dernières années, fidèle à sa tradition, les initiatives pédagogiques relatives à l’utilisation de la technologie.
Lors de la rentrée 2010, face au succès de l’iPad, l’ESC Grenoble a fait l’acquisition de 50 tablettes Apple de façon à mener un projet pilote avec un groupe-test composé de 40 étudiants. Ce projet, financé en intégralité par l’école, visait à expérimenter les usages de l’iPad en tant qu’outil de travail dans un cadre pédagogique.
Une première en France, qui a amené eBouquin, à s’intéresser de plus près au sujet. Voici un compte-rendu de notre visite à la classe «Innovation» de l’ESC Grenoble
- La classe Innovation
Mercredi 16 février 2011. Rendez-vous est pris avec l’ESC Grenoble pour rencontrer 5 étudiants du «groupe Tablette» en compagnie de Marc Humbert, professeur et responsable pédagogique du groupe test.
Les premières questions portent sur la raison d’être de cette classe Innovation. On m’explique que l’innovation est une composante historique de l’ESC Grenoble et que la création d’une telle classe est l’occasion d’essayer de nouveaux supports de travail au sein du dispositif technologique existant. Etudiants et enseignants sont amenés à tester l’iPad au quotidien et d’imaginer les usages et les possibilités offertes par la tablette dans un environnement scolaire. Il s’agit de réfléchir sur la pertinence d’une telle machine d’un point de vue pédagogique, de façon à déterminer si l’iPad peut être utilisé comme un véritable outil de travail au service de l’étudiant, des professeurs et de l’école. En vue, le cas échéant, de générer son utilisation à l’ensemble des promotions.
- L’iPad et la question de la compatibilité
Malgré un parc informatique et une infrastructure réseau Microsoft, le choix de l’ESC Grenoble s’est porté sur l’iPad, en raison de son succès et de son avance vis à vis de la concurrence. Cela n’est d’ailleurs pas sans poser quelques problèmes dans la mesure où certaines incompatibilités demeurent entre l’iPad et le réseau de l’école. De plus l’écosystème propriétaire de l’appareil restreint son utilisation aux applications validées par Apple et aux services web via le navigateur Internet. Les étudiants regrettent à ce propos le non-support de Flash, qui empêche d’accéder à de nombreux documents (vidéo, audio), sites et autres interfaces utilisant la technologie Adobe.
Dans la perspective d’une démocratisation de l’iPad dans l’école, les limitations imposées par Apple impliqueraient donc l’utilisation quasi exclusive du navigateur. Ce qui aurait pour conséquence de devoir adapter l’infrastructure réseau, l’intranet, les plateformes d’enseignement (type Moodle) et autres services en ligne (type bases documentaires Cairn, La Documentation Française etc) aux capacités de l’iPad. Une conclusion qui s’appliquerait toutefois aussi aux autres tablettes (sauf Flash), sauf à créer des applications dédiées pour accéder à l’ensemble des services proposés depuis de multiples supports.
- Les usages autour de l’iPad
Concernant les usages, étudiants et professeurs sont unanimes : l’iPad et plus généralement les tablettes ne peuvent être envisagés pour le moment comme une machine de travail principale. Du fait de ses restrictions matérielles (absence de clavier physique) et logicielles (écosystème applicatif), l’iPad n’est pas en mesure de rivaliser avec la souplesse d’utilisation d’un ordinateur, notamment pour ce qui est des prises de notes ou de l’organisation et la gestion des différents dossiers et fichiers. Cela n’empêche pas pour autant les étudiants d’apprécier l’iPad, en tant qu’outil de travail complémentaire à l’ordinateur.
Par sa connectivité et ses capacités multimédias, l’iPad apparaît comme un formidable outil de consultation. Outre le gain de place procuré et les économies d’impression, l’iPad permet de lire une grande variété de documents : des supports de cours en Power Point ou PDF, des cours rédigés en .DOC, des articles sur le web, des vidéos ou encore des enregistrements MP3. La réactivité de l’appareil, sa simplicité d’utilisation, sa portabilité et le confort de son écran sont également très appréciés.
L’iPad permet en outre, contrairement à l’ordinateur, de se concentrer davantage sur la lecture d’un texte. Il ajoute aussi une dimension interactive dans notre rapport au contenu, dans la mesure où il est possible de “toucher” le fichier, de l’annoter, de le partager. L’iPad met le web à portée de main, et donc une base de donnée infinie à laquelle se référer rapidement pour rechercher des informations. Le fait d’avoir un accès direct à ses mails via l’application Mail est également un élément de satisfaction car cela permet d’être facilement tenu informé des dernières informations concernant l’école ou certains cours.
- La question des contenus
Au delà des supports de cours “classiques” : PDF/Power Point, les enseignants regrettent la faible attractivité de l’offre de livres numériques. Que ce soit en matière d’accessibilité du contenu : la plupart des références bibliographiques (livres, manuels universitaires) pour compléter les cours ne sont pas encore disponibles en numérique. Ou en matière d’attractivité du contenu : les rares livres proposés en numérique sont généralement distribués au format PDF à des prix relativement élevés et avec des DRM qui restreignent leur utilisation sur iPad. Par ailleurs, de nombreuses bases documentaires auxquelles est abonnée l’ESC Grenoble ne sont pas encore optimisées pour la lecture sur tablette.
- Conclusion
L’expérience menée par l’ESC Grenoble et la classe Innovation suscite des retours très enthousiastes tant du côté des étudiants que des professeurs. Si l’iPad ne peut être considéré comme une véritable alternative à l’ordinateur en tant que machine de travail et de création, il constitue déjà, malgré ses restrictions, un réel outil de travail, complémentaire, pour la consultation de documents. Tout reste néanmoins à inventer sur le plan des usages d’un point de vue pédagogique. Et cela passe à la fois par les progrès technologiques des prochaines générations de tablette, mais aussi et surtout par la comptabilité, la mise à niveau des plateformes en ligne aux nouveaux standards du web et le développement de l’offre de livres numériques universitaires.