Un livre de sang, de miel et de larmes.
Ça y est, j’ai terminé le roman de Claude Pujade-Renaud dont je parlais précédemment, Les femmes du braconnier.
Je l’ai dévoré. C’est un livre dense, mais le dévorer, c’est le moins qu’on puisse faire avec ce récit lui-même carnassier. Plein de passion et d’animaux plus féroces que farouches (cheval mythique, animaux de la forêt, panthère prédatrice, loups du zoo, abeilles travailleuses mais surtout les animaux qui semblent dévorer de l’intérieur les protagonistes). Ils sont rongés, tous. Ted Hughes, porté -mais aussi dépassé- par un immense désir de vie, de sexualité et de création qu’il ne démêle pas, hélas pour les femmes qu’il aime, Sylvia, rongée par cette pulsion de mort attribuée à la perte précoce de son père adoré puis haï parce que disparu, Assia, habitée par le fantôme écrasant de la suicidée…
Tous les protagonistes de ces tragédies, car les morts sont nombreuses, prennent tour à tour la parole dans ce roman polyphonique. Leurs voix se répondent, apportent un bout du puzzle, un fragment de la vérité qu’a imaginée l’auteure, dûment documentée et dont la plume est nourrie des poèmes de Sylvia Plath et de Ted Hughes. On ne peut jamais savoir ce qui se passe entre deux êtres, surtout si ces êtres sont aussi tiraillés entre vitalité et violence, et follement amoureux. A fortiori, on peut encore moins savoir avec certitude si on élargit l’horizon et que d’autres femmes se mêlent au tableau. En tous cas, jamais Claude Pujade-Renaud ne simplifie quoi que ce soit, ne transforme l’un en victime et l’autre en bourreau comme beaucoup l’ont fait avant elle.
Mais, même si on ne sait pas le fin mot de ces histoires, la cause réelle de ces souffrances, la racine de ces talents incandescents, on mesure, en lisant le livre, la puissance de ces vies, de ces êtres-animaux se débattant, en même temps, avec la volonté et la difficulté de vivre. On touche, on frôle la naissance d’un poème, d’une image. On n’a qu’une envie, un fois le livre fini, (re)venir aux oeuvres de ces géants de la poésie ; et ce n’est pas la moindre des réussites de Claude Pujade-Renaud.