La fille des abeilles-reines.
Les abeilles ont une signification très profonde pour Sylvia Plath. Elles sont pour toujours liées à la mémoire de son père adoré, perdu donc haï, Otto, puisque celui-ci les avait longtemps étudiées et avait même soutenu une thèse sur les bourdons.
Lorsqu’en 1962, la famille Hughes (Sylvia, Ted et Frieda -et Nicholas à naître-) s’installe à Green Court, dans le Devon, la fille qui n’oublie toujours pas son père, entreprend de faire venir une ruche et de produire du miel.
À l’automne, elle écrira une série de cinq poèmes autour du thème des abeilles dans lesquels se développe toute une transposition mythologique : le noir et le jaune de leur robe, les images de piqûres et de brûlures, associées à la tenue de l’apiculteur (voile noir, gants de toile grise..) font de ces travailleuses des métaphores de la guerre. Par ailleurs, celle qui écrira le fameux Daddy, dans lequel elle va jusqu’à traiter son père de nazi comme insulte ultime à ce mort d’origine allemande, se montre traversée par la culpabilité de l’Holocauste, simplement par le biais de ses origines.
L’essaim se transforme en instrument de guerre, “en boulet noir”, dans le poème éponyme d’une rare violence que vous pouvez lire ici en VO.
Voilà pourquoi sans doute, le peintre Justin Fitzpatrick a représenté Sylvia en robe de mariée blanche (encore vierge, puisque fille de son papa à jamais), mais coiffée du casque de l’apiculteur, coiffe effrayante, qui l’enferme, l’empêche de montrer son vrai visage, unique, débarrassé de son passé et d’un héritage de douleurs.
Une promise déjà condamnée en quelque sorte.