C’est une des grandes qualités de l’
exposition au Centre Pompidou (jusqu’au 4 juillet) que de nous montrer exclusivement les installations qu’a réalisées l’artiste. Est-on plus libre, plus créatif, plus fantaisiste quand on se trouve confronté à l’espace, que quand on travaille en deux dimensions ? Quand on travaille dans le léger et l’éphémère, quand l’oeuvre ne sera vue que quelques jours ici ou là, avant d’être improbablement remontée des années plus tard dans un musée ?
C’est en tout cas un bonheur de découvrir ses travaux dès le temps du GRAV (Groupe de recherches sur l’art visuel), faits de bric et de broc, rubans adhésifs, morceaux de bois, néons (ci-dessus, ‘L’avalanche’), en progressant dans ce labyrinthe. Ces pièces qui furent conçues pour un espace donnée, sont réinterprétées au sein du musée. Les ‘Reflets dans l’eau déformés par le spectateur’ donnent le ton : le regardeur actif et mobile est partie prenante, et, à partir de trois fois rien, Morellet crée une pièce intrigante, et, pour tout dire, assez drôle.
Néons inclinés, trames obliques, poutres diagonales, carré à demi libéré, répartition géométrique aléatoire de carrés rouges et bleus, Joconde déformée par un ventilateur, éclairages déclenchés par le spectateur ébloui ou hypnotisé, déconstruction de tableaux de
Picasso et de Delacroix où des toiles blanches remplacent la tête des personnages, ‘géométrees’ (sic; ici ‘n°5, Arcs de cercle complémentaires’) combinant végétal et dessin mural (arbre et crayon, nature et culture, réel et artificiel, accident et ordre, objet et représentation), tout chez lui est construction et calcul, mais aussi hasard et fantaisie.
Et, vers la fin, cette pièce, dont nulle photo ne peut rendre compte et devant laquelle on peut passer sans la voir : un trou carré de 2cm de côté percé dans le mur, encadré par une feuille de papier inclinée de 2.5°. Le mur n’est plus support, fond, il est devenu matière même de l’œuvre, par cette
pirouette ; ce noir n’est qu’obscurité, ce carré n’est que vide, que trou, que négatif. Entre Malevitch et Kapoor, cette pièce (‘Papier 2.5°-92.5°, trou (carré) 0°-90′) faite là encore avec trois fois rien est pleine de surprise ambiguë, de sens stimulant et d’insolence moqueuse, comme son auteur !
Si, comme moi, vous restez longtemps devant les machines à magie de Morellet, vous visiterez l’exposition de
Jean-Michel Othoniel (jusqu’au 23 mai) deux étages plus bas en allant vite, et c’est très bien ainsi, à moins que les paillettes, le clinquant, le bonbon anglais acidulé ne soient votre tasse de thé. J’ai assez peu de patience avec tout ce brillant pour dînette, ces allusions sempiternelles aux orifices du corps traités comme des bijoux, cette provocation simpliste consistant à habiller de boules colorées de verre de Murano un bateau de boat people, etc. Le mieux, c’est l’antichambre avec ses travaux photographiques anciens, qui, eux, étaient vraiment créatifs, à partir d’une logique de l’inabouti, de l’échec. Le reste de l’
exposition est aux antipodes, léché, joli, mièvre et vulgairement provocateur.
C’est à Morellet qu’on aurait dû confier l’atelier pour enfants sur la mezzanine, ça aurait été beaucoup plus drôle !
Morellet et Othoniel étant représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.