[Auteur à découvrir] Damien Marie

Par Yvantilleuil

Les deux Damiens (Marie et Vanderstraeten) revisitent ici quatre grands classiques de la littérature enfantine au sein d’un western en deux tomes.

Partant de manière originale de clins d’oeil au Petit Chaperon Rouge, à Pierre et le Loup, à la Chèvre de Monsieur Seguin et aux trois Petits Cochons, Damien Marie et Damien Vanderstraeten vont pourtant construire un western à l’histoire très classique.

A l’image de « Blacksad », mais surtout afin d’accentuer les références aux contes, les auteurs vont opter pour une représentation animalière des personnages. Mais, alors que Blacksad choisissait les animaux en fonction des caractères des personnages, cette série-ci, sans doute poussée par l’envie de bousculer les susdits contes et leurs personnages, optera pour une tendance inverse. Ainsi, les cochons ne seront pas forcément inoffensifs et les loups pas nécessairement tous méchants. Une envie de bousculer la littérature enfantine qui se retrouve également au niveau de personnages violents, alcooliques, corrompus ou travaillant dans un bordel.

Malgré un dessin qui manque encore un peu de maturité et une intrigue non-révolutionnaire, cette revisite originale de contes qui souffre d’une comparaison à l’excellent « Blacksad » par d’une idée intéressante pour finalement livrer un petit western divertissant, dans un univers dépaysant.

Un orphelin face à la mafia newyorkaise !

Le décor:
New York dans les années 30, en pleine prohibition. Le quartier de Manhattan (Little Italy) aux mains de la maffia italienne et dirigé par l’Ogre et son lieutenant surnommé le Tailleur. Chinatown aux mains des gangs chinois et leur trafic d’opium. Ajoutez à cela un quartier irlandais, des flics corrompus et un certain Double B qui, depuis les beaux quartiers, fait tout pour provoquer l’étincelle qui fera sauter ce cocktail ethnique et mafieux explosif.

L’histoire (sans rien dévoiler):
Le Tailleur est la cible d’une fusillade dans une boulangerie de son propre quartier. Les boulangers sont morts et le l’orgueil et le costume du Tailleur sont souillés. L’heure de la vengeance a sonnée et le petit Anthon, témoin de cette fusillade qui tua ses parents, semble être le seul atout du Tailleur afin d’identifier les tueurs. Ce nouvel orphelin culotté de 13 ans compte cependant tirer son épingle du jeu tout en veillant sur ses jeunes frères.

Le dessin:
Ce sont surtout les couleurs sépia et brunâtres qui contribuent à créer cette ambiance de début de siècle, idéale pour le déroulement de l’histoire. Je trouve le dessin en lui-même et surtout la couverture très réussis.

Le scénario:
Marie D. nous livre bien plus qu’une mise en place de série, avec une intrigue très bien construite et un tome assez dynamique. Et comment ne pas s’attacher à un personnage central qui n’a que 13 ans, qui vient de se retrouver orphelin avec tous ses frères et qui se voit obligé de s’en sortir au beau milieu de tous ces gangs.

Polar sordide dans un bled du Kansas !

Déjà associés chez Soleil pour la série Règlement de contes, les deux Damien (Marie et Vandenstraeten) troquent l’Ouest sauvage et les contes enfantins classiques pour le rayon ‘polar sordide’ de la collection Grand Angle de chez Bamboo.

Dans un petit bled perdu au fond du Kansas répondant au nom de «Hope», la plupart des habitants vivent dans l’espoir de pouvoir un jour quitter ce patelin paumé. Là, une seule route d’accès où personne ne passe, quelques motels crasseux, des petits bars mal éclairés et enfumés, une ambiance rurale du fin fond des States propice au cauchemar qui va percuter le destin des deux principaux protagonistes de ce récit. Décor et ambiance de descente aux enfers pour Scott, le joueur de poker qui voit très vite sa chance tourner et Cody, le garagiste minable qui réussit à se retrouver dans une chambre d’hôtel en compagnie de l’inaccessible serveuse du saloon local.

La couverture, sombre, attire immédiatement l’attention et préfigure le contenu de ce polar jubilatoirement noir. Le récit cueille dès la première page, l’intrigue prend aux tripes et l’attention ne se relâche plus avant la fin. Comme dans d’autres chefs-d’oeuvre du genre, via un procédé de narration en voix off qui fait penser à Frank Miller, le lecteur s’installe au cœur du raisonnement des personnages. Cela permet de suivre la spirale dans laquelle les deux protagonistes de cette trilogie sont entraînés.

Comme le titre de ce tome laisse présager, l’histoire assez simple, basée sur deux destins parallèles, invite à accompagner tour à tour ces deux individus, en passant habilement d’un parcours à l’autre. Le rythme est habilement dosé, le suspense va crescendo jusqu’à la dernière page, distillant son lot d’abominations et d’horreurs qui se cache derrière ce décor typiquement américain.

Le graphisme précis et très clair peut surprendre dans un premier temps. Une certaine logique aurait voulu qu’il se mette au diapason de l’histoire en adoptant des tons en accord avec l’ambiance glauque et malsaine installée par l’histoire. La faute peut-être à une couverture saisissante qui marque l’esprit au point d’attendre que chaque case en reprenne le style. Pourtant, il n’y a pas de reproche particulier à lui faire tant il soutient le récit de manière convaincante et contribue à la lisibilité de cet album.

Au final, dans le genre polar noir, « Deux droites parallèles » positionne « Welcome to hope » comme « Le coeur de Telenko » l’avait fait pour Berceuse assassine : un premier volet qui place la barre très haute en matière de promesses. Avec un titre pareil c’est un moindre mal…

Cyber-thriller d’anticipation !

Damien Marie et Sébastien Goethals livrent ici la première partie d’un diptyque d’anticipation prometteur.

Dans un futur proche, un énorme fossé social divise la société en deux groupes distincts. D’un côté de ce système capitaliste parti à la dérive, quelques privilégiés qui nagent dans un luxe indécent, et de l’autre, des ghettos sans espoir qui baignent dans la pauvreté.

Au centre de ce récit, quelques gosses de riches, blasés par la monotonie de cette société artificielle et recherchant leur plaisir dans la drogue, l’alcool et au sein d’un jeu révolutionnaire : le voyage spirituel. D’abord présenté comme une pratique ludique, consistant à passer quelques heures dans la peau d’un hôte de la vieille ville contre rémunération, ce jeu se montre vite assez abject. Si la location d’un corps de pauvre semble initialement soumise à quelques règles d’éthique, une version pirate du système va mettre à jour toute la perversité et l’immoralité de ces voyages.

A l’instar de l’excellent triptyque « Welcome to Hope », Damien Marie utilise une narration en voix-off pour dévoiler l’aspect malsain de l’univers qu’il crée. Le ton festif et l’ambiance jet-set du début s’estompe assez vite, au profit d’une atmosphère glauque et d’une cruauté morbide. Plongeant dans l’abomination au fil des pages, l’auteur nous abandonne sur un cliffhanger de format, particulièrement prometteur pour la suite.

Coincé entre décor luxueux et lisse de cet univers futuriste bourgeois et l’atmosphère sombre et répugnante de ses excès, Sébastien Goethals opte pour un dessin classique pourvu de couleurs qui collent bien à l’opulence de ces citadins futuristes, mais qui ont plus de mal à saisir la noirceur du scénario.

Roman graphique bercé par l’enfance !

Après « Règlement de contes », une revisite des grands classiques de la littérature enfantine au sein d’un western, et « Welcome to Hope », un thriller délicieusement sombre, les deux Damiens (Marie et Vanderstraeten) livrent un roman graphique de 160 pages, bercé par des souvenirs d’enfance.

L’histoire est celle de Fabian, 36 ans, dont la vie se retrouve coincée sur une voie sans issue. Contraint de retourner vivre chez ses parents, dans la campagne de son enfance, il se retrouve à la case départ d’une vie qui ne semble pas avoir grand-chose à lui offrir. C’est à ce moment que Damien Marie intègre un élément fantastique à son récit, qui n’est pas sans rappeler le retour en enfance du héros de Jirô Taniguchi dans le cultissime Quartier Lointain. Tout comme Hiroshi, Fabian va faire un bond en arrière et se retrouver dans son corps d’enfant, la forêt servant de lieu de passage entre son corps de 36 ans et celui de 10 ans. Cette idée de partir se ressourcer dans son propre passé pour retrouver son innocence et ses illusions tout en conservant son expérience d’adulte n’est donc pas neuve, mais quand elle est bien exploitée, elle permet de livrer des récits touchant et emplis de nostalgie. Malheureusement, malgré la maîtrise narrative de Damien Marie et l’aspect touchant de ce retour en enfance, le récit manque un peu de force. L’enfant qui sommeille encore en nous, s’amuse sur ce terrain de jeu en compagnie du jeune Fabian, mais l’adulte ressort avec un petit arrière-goût de trop peu. Le Fabian adulte manque un peu de profondeur, ses problèmes et son passé affectif ne sont pas suffisamment développés malgré un bref prologue qui manque un peu d’efficacité. Ce manque d’empathie avec le Fabian adulte est assez dommage.

Au niveau du graphisme, Damiens Vanderstraeten, alias Vanders, met son dessin à nouveau entièrement au service de l’histoire. Son style offre une grande lisibilité au récit et le choix du noir et blanc permet de laisser la part belle à la narration.

L’histoire de cet homme qui remonte le fil de sa vie pour voir où il s’est emmêlé et qui se ressource avant de se tracer une nouvelle voie, est divertissante, bien racontée, parfois touchante et abandonne le lecteur avec un beau message à emporter.

Une toute-puissante multinationale aux sombres desseins !

À Los Angeles, dans un futur proche, une jeunesse dorée, blasée par la monotonie d’une société artificielle, recherche son plaisir dans la drogue, dans l’alcool, et dans un jeu high-tech révolutionnaire permettant de prendre les commandes du corps d’un autre : le voyage spirituel. Pendant ce temps, les parents, cadres supérieurs d’une toute-puissante multinationale aux sombres desseins, façonnent l’avenir de ce monde dominé par quelques privilégiés.

Première partie d’un nouveau diptyque signé Damien Marie et Sébastien Goethals, Contre-jour propose une vision plus large des événements vécus lors du premier cycle de cet univers. Ceci est mon sang est donc plus un complément à l’histoire de Ceci est mon corps, qu’une véritable suite. Le cycle précédent posait les bases de ce système capitaliste parti à la dérive, expliquait le fonctionnement de ces voyages malsains qui permettent de louer le corps d’un pauvre afin d’en prendre possession pendant quelques heures, et proposait ensuite une course-poursuite haletante au coeur de ghettos offrant une réserve illimitée d’hôtes à ce jeu immoral.

S’appuyant sur son arc précédent, Damien Marie écourte la mise en place et éclaire les nombreuses zones d’ombre de son cyber-thriller d’anticipation. Le lecteur en apprend ainsi davantage sur les véritables intentions de la NEED, ce consortium qui, apparemment, ne se contente pas de développer des jeux visant à occuper des gosses de riches, avides de sensations fortes. En suivant une trame similaire et en faisant appel aux mêmes personnages, au sein d’un univers futuriste identique, le récit perd certes son effet de surprise. Le fait d’entremêler les deux cycles lors de quelques scènes communes, permet cependant à l’auteur de proposer un nouvel angle intéressant. Suivant l’exemple de séries telles que « Berceuse Assassine » ou « Quintett », il parvient ainsi à étoffer son scénario, tout en évitant de tomber dans le piège de la redondance tendu par cette approche parallèle d’un même récit.

Coincé entre le décor luxueux et lisse de cet univers bourgeois et l’atmosphère sombre et répugnante de ses excès, Sébastien Goethals opte pour un dessin classique et sans fioritures. Si la colorisation colle bien à l’opulence de ces citadins futuristes, le graphisme éprouve toutefois plus de mal à saisir toute la noirceur du scénario.

Proposant des faits similaires sous un angle narratif différent, ce second volet de l’univers Need peut se lire indépendamment du précédent, même si l’entrecroisement habile des deux trames constitue l’un de ses attraits.

Polar sombre dans une ferme à crocodiles !

1994, dans le Nord de l’Australie. D’épais nuages s’approchent de Perdition, une ferme à crocodiles qui maintient ses employés sous le joug de la terreur. Seule la présence d’une jeune femme blonde dénote avec l’hostilité de l’endroit. Alors que le déluge se rapproche, c’est surtout la colère de Connors, le maître des lieux et le père de la belle, qui est à redouter. Ce raciste notoire vient en effet d’apprendre que sa fille chérie sort avec l’un des noirs qu’il exploite. Fou de rage, il envoie un chasseur sans scrupules à leurs trousses. La tempête gronde de plus en plus fort …

Associés de longue date (« Règlement de contes » chez Soleil, « Welcome to Hope » et « Parce que le paradis n’existe pas » chez Bamboo), les deux Damien (Marie et Vandenstraeten) se lancent dans un nouveau polar sordide, entièrement dans l’esprit de Welcome to Hope.

Situant ce diptyque Down Under dans un endroit lugubre, aux mains d’éleveurs xénophobes et surplombé d’un ciel aussi menaçant que les crocodiles qui y grouillent, les auteurs invitent donc à découvrir un nouveau bled où les hommes se font justice eux-mêmes et qui n’a absolument rien à envier au trou perdu qu’ils avaient ironiquement baptisés «Hope». Une fois le décor planté et l’idylle contre-nature découverte par le paternel d’Angie, le récit prend des allures de road-movie assez classique. Le rythme s’accélère et la traque sans merci distille bien vite son lot d’abominations et d’horreurs. Le suspense monte crescendo jusqu’à cette dernière page qui laisse présager que le pire n’est malheureusement pas encore atteint.

Si cette histoire d’amour entre un aborigène et une blanche n’hésite pas à mélanger les couleurs, la colorisation adéquate de Cyril Saint-Blancat se cantonne principalement à des tons aussi sombres que les perspectives d’avenir de ce couple mixte. Derrière une couverture qui préfigure le contenu de ce thriller jubilatoirement noir, Vanders livre des visages hargneux, dont la dureté fait autant froid dans le dos que la bêtise et la cruauté qu’ils dissimulent. Les paysages boueux, le bestiaire sanglant et le ciel orageux contribuent à installer une atmosphère pesante, parfaitement en accord avec l’ambiance glauque et malsaine instaurée par le scénario.

Si la route qui mène à Perdition ne déborde pas d’originalité, elle est cependant marquée par l’efficacité d’un duo parfaitement rodé et adepte de polars bien sombres …

Mon TOP Damien Marie :

  1. Welcome to Hope
  2. La cuisine du diable
  3. Back to Perdition
  4. Ceci est mon corps
  5. Parce que le paradis n’existe pas
  6. Need, ceci est mon sang
  7. Règlement de contes