Légale en droit international, soutenue par les peuples arabes et motivée par le choix de protéger des civils contre un autocrate, l’intervention militaire en Libye est un pari risqué mais nécessaire.
L’intervention a commencé alors que les forces de Kadhafi allaient envahir Benghazi et sans doute y perpétrer un massacre, au moment où cette ville était le dernier grand centre de pouvoir anti-Kadhafi.
L’alternative à l’action de l’ONU ce jour-là était très probablement un assassinat en masse des opposants politiques le jour suivant.
L’intervention doit donc être jugée en fonction de cette alternative, une hypothèse qui est maintenant seulement hypothétique, mais qui était très réelle alors.
L’opération de l’ONU cherche à éviter la situation du Rwanda en 1994, quand les preuves du massacre imminent avaient été largement ignorées. Il y a des chances que ce faisant, elle répète l’intervention somalienne de 1993, si mal exécutée.
La mobilisation internationale pour l’aide humanitaire n’est jamais certaine de réussir, et l’histoire nous enseigne plutôt que plus les plans sont grandioses, plus les chances de succès sont faibles. Mais dans le cas qui nous occupe les risques semblent moins graves que ce qui aurait eu lieu si l’ONU et les autres étaient restés sur la touche.
Le résultat de la guerre reste incertain. L’aide internationale aux rebelles renforce leurs capacités mais ne peut remplacer l’insurrection populaire qui a lancé la révolution. Il ne le faut pas et ce n’est pas possible. L’impasse est clairement une des possibilités (même si nous ne parlons pas ici de statu quo ante : Kadhafi ne pourra pas récupérer sa position de dirigeant légalement reconnu).
Aux échecs, l’interprétation de l’impasse, qu’on appelle « pat » (une position dans laquelle un camp n’étant pas sous le coup d’un échec ne peut plus jouer sans mettre son propre roi en échec), a évolué avec le temps. En Europe, elle était autrefois considérée comme une victoire pour le joueur à l’offensive. En Russie et en Inde, c’était une victoire pour le joueur dans l’impasse.
Aujourd’hui on s’accorde à considérer qu’il y a match nul. En Libye, une telle situation serait vraisemblablement considérée comme une victoire pour Kadhafi. Aux États-Unis, ce serait aussi l’interprétation de Louis Farrakhan ou Michelle Bachman, qui ont tous deux suggéré que s’attaquer à Kadhafi était une erreur.
Mais il serait irresponsable de suivre leurs conseils. La preuve la plus claire étant qu’ils sont contredits par ceux qui, en Libye, assument les risques et les coûts de l’insurrection contre le dictateur, et qui devront ensuite vivre avec lui.
Lire la suite de cette analyse par Ian Hurd sur le site de Telos.
Ce paragraphe a été reproduit avec l’accord de Telos.