Ceci n’est pas un poisson d’avril
Aujourd’hui vont se multiplier les nouvelles amusantes, ridicules ou tout simplement bizarres que des journalistes primesautiers vont nous relayer complaisamment : c’est le premier avril, excuse en béton pour raconter n’importe quoi…
Seulement voilà, quand on regarde l’actualité, on se demande, finalement, comment trier les histoires drôles, les petites blagues comiques des nouvelles tout à fait sérieuses.
Quand on apprend, ainsi, que TF1 supprime son émission Carré Viiip, on se dit qu’il s’agit d’une blague. Raté : c’est du solide. Comme quoi, la loi du marché et la rencontre brutale de la réalité produit ce résultat sans appel : quand une émission est vraiment trop nulle, elle finit à la poubelle.
On pourrait se réjouir d’une telle nouvelle, finalement ! Il y a de l’espoir : les téléspectateurs ne sont pas si idiots ! Les gens qui se cachent derrière leur télé et qui zappent ne sont donc pas des moutons !
Hélas. Patatras, on tombe ensuite sur ceci : François Hollande serait un candidat crédible pour la presse. Cette même presse qui pataugeait joyeusement dans les remugles puants de l’émission précédemment citée et qui s’étonne de sa déprogrammation. Cette même presse qui nous présenta jadis Balladur comme grand gagnant d’une présidentielle. Cette même presse qui n’osa jamais faire fuiter les sondages mettant pourtant Jospin en difficulté et Le Pen devant lui.
Et cette même presse voit donc Hollande comme candidat sérieux… Non, pas de doute : toutes les rédactions se sont données le mot pour un premier avril retentissant où ils font passer le falot personnage pour la nouvelle coqueluche des socialistes.
J’ai même entendu hier certain chroniqueur lui trouver de l’humour. Hollande qui raconte une bonne blague, ça nous a un petit parfum de Toto qui passe les palmes académiques. Si l’on ajoute les expressions délicieusement décalées pour décrire notre François national, allant de « patience légendaire » à « étoffe d’un homme d’état », on se demande si, finalement, ces mêmes journalistes ne jouent pas le jeu cruel de faire mousser un candidat sans épaisseur et sans avenir réel pour obliger les autres (l’un d’entre eux, surtout), à sortir du bois. Pour le coup, Hollande comme outil, comme instrument vaguement contondant, c’est tout de suite plus crédible.
On pourrait, toujours avec le même désabusement, évoquer aussi les stupéfiantes rumeurs colportées tant par la presse que par le minustre(*) du Budget lui-même, Baroin : selon les tristes plaisantins, le déficit serait en baisse. Au sens strict, c’est exact : l’État français aura cramé un peu moins d’argent que prévu en futilités scandaleuses, et alors qu’il encaissait un micro-chouilla plus que prévu. La même presse et le même minustre nous expliquent donc, chiffres à l’appui, que la situation, auparavant un tantinet tendue, se relaxerait gentiment à l’approche de l’été et que nous sommes bientôt prêts pour un grand moment de bonheur budgétaire avec des bilans balancés et une réduction de la dette.
Là encore, c’est, en quelque sorte, un faux poisson d’avril, une blague pas drôle ou, tout simplement, de la malveillance : la réduction annoncée de ce déficit nous est présentée en pourcentage du PIB. Les chiffres absolus, eux, ne donnent aucune espèce d’espoir : l’état français gobe 254 milliards d’euros sous forme de ponctions diverses et variées, et il en dépense généreusement 372, soit 118 de plus, en brigade de clowns soporifiques, en bombardements libyens improvisés, en émoluments de fonctionnaires pléthoriques, en escort-girls et en champagne millésimé. Cette blague a le goût de cendres : la dette générale augmente de plus de cent milliards, et Baroin fanfaronne.
Devant ce pesant alignement de filouteries glauques et de pipeaux éhontés, il nous reste cependant les bons clients : la Cour des Comptes, jamais en retard d’une bonne blague fine et d’un petit tacle musclé aux jarrets, et, bien sûr, la HALDE, véritable Institution du Rire, groupement rigolo de thérapeutes de l’absurde qui nous fournissent, sur une base quasi-quotidienne, matière à se moquer des sombres crétins qui nous gouvernent et les écoutent.
Ainsi, nous apprenons que la Cour des Comptes, dans son rapport publié le 30 mars dernier, a ausculté les Musées Nationaux et a découvert, pas réellement plus étonnée que nous, d’ailleurs, que nos musées sont élitistes, parisianno-centrés, dépensent sans compter l’argent du contribuable en réparations, sauteries et expositions dont certaines sont plus que discutables. Proposant ainsi la gratuité aux 18-25 ans, les Musées ont encaissé une compensation de 40 millions d’euros, alors que cette opération ne leur a même pas coûté la moitié, d’autant que la fréquentation de cette tranche d’âge est en chute libre.
Ainsi, nous apprenons que la HALDE, toujours aussi cocasse, entend fourrer son gros nez humide dans les affaires des entreprises privées pour s’assurer un parfait respect de la laïcité jusque dans leurs locaux. Certifier la parfaite étanchéité de l’état et de la religion est en effet le nouveau cheval de bataille de la Hautotorité : il faudra, au besoin avec moult coup de pieds au cul et force lois contraignantes et tatillonnes, que les signes religieux soient relégués à l’enceinte privée de votre chambre à coucher (et encore, pas au-delà, il ne s’agirait pas de faire de prosélytisme jusque dans la chambre de vos enfants, espèce de pervers !). Tout dépassement sera lourdement sanctionné.
Bref : aujourd’hui, questions blagues, nous allons être servis.
Ah, au fait, les taux de la dette portugaise font des bonds, joyeux, dans la prairie de la saine gestion de père de famille. Les CDS correspondants grimpent. Tout va bien.
Et côté irlandais, la situation est de plus en plus sereine, puisque les banques n’ont besoin que de 24 nouveaux milliards d’euros pour ne pas s’effondrer. C’est supayr.
Avec de telles rigolades, on comprend que les journalistes aient tout le temps pour nous fignoler des petites blagounettes.
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(*) Pour rappel, un minustre est un individu chargé d’un maroquin dont les performances ne permettent pas de le classer ailleurs que dans le parfaitement oubliable.
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