Ouragan

de Laurent Gaudé Roman - 185 pages Editions Actes Sud - août 2010

Un ouragan menace la ville de la Nouvelle-Orléans. Alors que la majorité de la population parvient à fuir la ville avant la catastrophe, il y en a beaucoup qui n'ont aucun moyen ou aucune envie de la quitter. Il y a les prisonniers qui se retrouvent seuls quand les équipes pénitencières désertent la prison, et que l'eau monte vers leurs cellules. Il y a un révérend qui se doit d'être au service des enfants de Dieu. Il y a la vieille Joséphine Linc. Steelson, négresse fière et trop attachée à ses bayous pour partir. Il y a Rose, une jeune mère tourmentée. Et puis il y a Keanu, cet homme travailleur sur les plate-forme pétrolières, qui est de retour et se retrouve le seul à rouler en sens contraire des embouteillages, le seul à vouloir rejoindre le coeur de cette ville maudite par les foudres de la Nature. Retrouver cette femme, Rose, c'est pour lui retrouver une raison de vivre.

En quelques lignes, par la voix de la vieille Joséphine, femme noire dont l'histoire se mêle à l'Histoire sociale de ce sud des Etats-Unis, Laurent Gaudé plante le décor de cette Nouvelle-Orléans, de cette ville où habite une forte communauté noire pas forcément aisée. Il nous fait humer l'ouragan Katrina, qui rôde sans jamais être nommé, puis il nous le fait vivre heure après heure. On sait que les désastres seront immenses, on a gardé le souvenir de ces images apocalyptiques et de la mauvaise gestion des préventions et évacuations. Au fil des pages, les personnages parlent tour à tour, on les reconnaît, ils n'ont pas la même vie, pas les mêmes conditions. Mais chacun devra lutter et réagir à sa façon face à ce drame inéluctable.

Extrait :
"L'eau monte. Tockpick répète qu'il faut trouver quelque chose ou nous allons tous crever. Il le dit avec énervement comme si nous manquions de bonne volonté et qu'il était nécessaire de nous secouer. Tush dit qu'il en a déjà jusqu'aux genoux dans sa cellule. Lazy Marty commence à s'agiter contre les barreaux de la sienne. Que pouvons-nous faire ? Combien de temps nous rest-t-il ? Combien de minutes, qui sembleront des heures, à scruter le niveau de l'eau, à essayer de calculer le temps qu'il lui faudra pour atteindre le plafond. Il fait froid. Nous sommes des hommes rudes mais nous tremblons à l'idée de mourir là, comme des suppliciés."

Avec sa dramaturgie habituelle dans chacun de ses romans, Laurent Gaudé donne une belle dimension humaine et tragique à cet évènement qui bouleverse des vies et détruit des villes. Pour certains (les prisonniers évadés, Keanu et Rose) cette funeste journée sera d'abord porteuse d'espoir. Pour d'autres, ce sera le chaos intérieur (comme le révérend, complètement illuminé aux penchants destructeurs), l'attente ou la fatalité.
Encore une fois, la plume de cet écrivain aura été efficace avec moi. Beau roman.
L'avis de Kate - WodkaL'avis de Margotte - Le bruit des pages