Dans cette catégorie se rangent aussi les gens qui méprisent tout, sauf la chasse aux bêtes sauvages et se flattent d'éprouver un plaisir incroyable dès qu'ils entendent l'abominable son du cor et les glapissements des chiens. Ma parole ! Quand ils mettent le nez sur les crottes des chiens, pour eux, ça sent bon la cannelle ! Et puis quel doux plaisir, chaque fois qu'il y a une bête sauvage à dépecer ! On autorise la menuaille à débiter taureaux et moutons, mais une bête fauve, ce serait sacrilège, il faut, pour la découper, être un homme bien né.
Tête nue, à genoux, avec le coutelas ad hoc (tout autre est prohibé pour cet office), il découpe religieusement, avec certains gestes, certains membres, dans un certain ordre. Pendant ce temps, autour de lui, la foule silencieuse admire bouche bée, comme une nouveauté, ce spectacle déjà vu plus de mille fois. Mieux encore : le chanceux qui a pu goûter la moindre parcelle du fauve s'estime promu à un rang de noblesse non négligeable.
Ces gens-là, à force de poursuivre les bêtes fauves et de s'en repaître, en arrivent uniquement à régresser eux-mêmes vers un état presque sauvage, tout en demeurant convaincus qu'ils mènent une vie royale.