J’ai toujours été très sceptique quant à la nécessité et surtout à l’efficacité d’une révision constitutionnelle dans notre pays et je m’en suis maintes fois expliqué !
En effet, je pense très sincèrement que les textes ne règlent pas, comme par magie, la vie politique d’un état, mais que cela relève plutôt de l’interprétation et de l’application que l’on fait de ces textes !
Mais depuis le 9 mars, le débat s’est focalisé sur le thème de la révision constitutionnelle et tout un chacun y va de ses propositions. Je me permets à mon tour d’apporter ma modeste contribution.
En tant que citoyen lambda, ce qui peut m’intéresser dans la révision constitutionnelle, ce sernt les dispositions qui toucheront à ma vie quotidienne !
· Pour commencer, ma liberté individuelle et sa garantie !
Comment cela sera-t-il exprimé et inscrit dans le nouveau texte ? Et surtout comment ce nouveau texte m’assurera que ces nouvelles dispositions seront bien appliquées ? Et quels seraient éventuellement les recours ouverts en cas d’infraction à ces dispositions !
· En second lieu, ma protection en tant qu’individu contre les exactions des pouvoirs publics en général et l’assurance de recourir, en cas de problèmes, à une justice juste, équitable et indépendante de toute influence.
Suffira-t-il d’inscrire ces principes dans une constitution, selon la formulation la plus sophistiquée, pour que par exemple la corruption soit éradiquée, pour que les excès soient éliminés, pour que la méritocratie prévale lors des recrutements aux emplois publics. Pour que, en un mot, je sois un « citoyen ».
· Enfin, en tant que citoyen, je suis un acteur politique, et même l’acteur politique tenant le premier rôle. J’estime donc être en droit d’exiger que le jeu politique auquel j’interviens soit transparent et honnête.
Les diverses propositions tendant à renforcer les pouvoirs du premier ministre, à le responsabiliser face une majorité dont il sera issu, à élargir le champ d’action du parlement, ne peuvent que sembler « parfaites », avec les aménagements que l’on peut y apporter par ici ou par là !
Mais si nous continuons à avoir 36 partis, dont la majorité sont nés ex-nihilo, autour d’une personne ou autour d’une ambition personnelle née d’un différent tout aussi personnel, si nous continuons à voir évoluer des partis politiques dirigés par des « fossiles » politiques en place depuis l’indépendance, si nous continuons à observer sans pouvoir agir nos députés transhumer allégrement d’un groupe à l’autre, bafouant le mandat que les électeurs leur ont confié, si nous continuons à voir les instances de ces partis systématiquement fermées aux jeunes, les dispositions constitutionnelles les plus alambiquées ne changeront rien à la situation !
La constitution ne peut faire changer les mentalités ni les habitudes !
· Je me dois de faire ici deux digressions qui me tiennent à cœur.
En premier lieu, d’interminables discussions sont engagées sur le rôle du souverain, sa place dans l’échiquier politique, les pouvoirs que la constitution doit lui fixer.
Pourtant, on semble avoir oublié la « bay3a » qui unit le peuple marocain à son souverain et par la même occasion le souverain marocain à son peuple.
En second lieu, la plupart des intervenants évoquent les pouvoirs du parlement et du gouvernement qui en sera issu, mais ils occultent la question du mode de scrutin.
Le scrutin actuel favorise l’atomisation de la carte politique et ne favorise en aucune manière une véritable représentation populaire.
Des conseillers locaux ou des représentants nationaux peuvent être avec parfois moins de 10 % des votes exprimés !
Et les élus ainsi retenus sont dans l’incapacité de former des majorités cohérentes et donc efficaces.
Et cela personne n’en parle, parce que le landerneau politique et surtout les notables y trouvent son compte.
Il serait donc temps de revoir le mode de scrutin et de passer à un scrutin à deux tours : des coalitions autour de programmes cohérents apparaitraient.
· Je ne peux passer sous silence le problème de la « régionalisation ». Il est évident que devant la complexité des problèmes et leur spécificité, les décisions ne peuvent plus rester concentrées entre les mains des technocrates à Rabat et que la « décentralisation » la plus poussée est souhaitable et nécessaire.
Mais quand j’observe les résultats actuels de la décentralisation à l’échelle locale – notamment pour les communes et les municipalités – je crois que j’ai toutes les raisons de craindre le pire !
La démocratie locale devait être l’école primaire de la démocratie. Malheureusement, à l’instar de l’école publique, elle a échoué dans son double rôle d’éducation et de formation !
Les nouvelles dispositions, qui donneront des pouvoirs jamais confiés auparavant à des élus locaux, permettront-elles de circonscrire tous les risques de dérapages ?
La régionalisation représente une chance inespérée de développement de tout le Maroc, mais elle ouvre aussi la voie à toutes les tentations !
Ainsi, la réforme constitutionnelle est engagée et les marocains en débattent, individus, partis, syndicats, associations, médias!
Que sortira-t-il de ces débats ?
Personne ne peut anticiper, ni les zélateurs qui applaudissent déjà des réformes qui, à ce jour, sont encore en gestation ni les inconditionnels qui font du « non » leur fonds de commerce idéologique !
Le débat est ouvert, comme jamais il ne l’a jamais été et il n’y a aucun risque pour que ce débat soit clos ou escamoté, sous peine de faire basculer le Maroc dans ce que d’autres pays ont connu !
Cela vaut toutes les révisions constitutionnelles !