Nicolas Sarkozy fut le premier chef d'Etat étranger à se rendre au Japon depuis le tremblement de terre du 11 mars dernier, pour y célébrer la solidité de la filière nucléaire. Faut-il s'en réjouir ? Sur place, le Monarque français a joué à l'autruche. Sans surprise, il expliqua à la communauté française du Japon qu'il n'y avait aucun problème de contamination radioactive à Tokyo. Au premier ministre japonais, il lâche une proposition sans conséquence ni intérêt : la création de normes internationales de sûreté nucléaire. Comme si la catastrophe de Fukushima provenait d'un manque de normes.
En France, voici que débute, ce 1er avril, la 9ème semaine du développement durable, pour encourager « les Français à adopter les bons réflexes pour soutenir, au quotidien, le développement durable. » Cela ne s'invente pas. La ministre de l'Ecologie n'est d'ailleurs pas là. NKM s'est inscrutée dans le voyage présidentiel, pour profiter, à la dernière minute, de l'Airbus Air Sarko One.
A Tokyo, Sarkozy prit quelques minutes pour s'adresser à la communauté française expatriée au Japon. Il lisait un texte qui se voulait émouvant, levant rarement les yeux. L'émotion se prépare. « Mes premiers mots en arrivant au Japon seront pour adresser toutes mes pensées à ces familles décimées, à ces villages rayés de la carte, à ces paysages dévastés, à ces populations déplacées (...). Je pense à ceux qui ont tout perdu.» Il évoqua « ces images stupéfiantes » du tsunami, ces « quartiers en ruines », ces « bateaux éventrés », ces « objets familiers devenus la relique d'un monde disparu », cette « violence inconcevable ». On attend l'essentiel. Comment parlera-t-il de la catastrophe nucléaire qui ne fait que débuter depuis 3 semaines ? Sarkozy insiste sur le « séisme du 11 mars » qui fut « l'un des plus graves qu'ait connu le Japon », « un pays tout entier plongé dans le malheur ». Il évoque les « millions de blessés », lapsus, il se reprend, les « milliers de blessés », les « 240.000 déplacés », les « millions » de personnes affectées.
« Face à la catastrophe il reste peu de mots, et pourtant il faut trouver les mots pour conforter ceux qui souffrent. A tous, je suis venu donc dire le soutien de la France, au nom de tous les Français, au nom de l'Europe, et au nom de tous les pays du G20 puisque la France préside aujourd'hui le G20.»
Les Etats participants au G20 n'ont rien demandé au Monarque français. Le G20 n'est d'ailleurs pas une organisation institutionnalisée comme l'Europe, avec une « présidence ». La France organise simplement sur son sol et toute l'année les débats de l'agenda convenu. Mais il fallait à Sarkozy cette touche personnelle et narcissique pour que son discours soit complet. Aux expatriés, il lance un « sachez que la France est à vos côtés.» Au bout de trois minutes et trente secondes, on arrive à l'essentiel. Fukushima, 6 réacteurs incontrôlées, une pollution radioactive pour une petite centaine d'années, un océan voisin contaminé. Quels seront les mots du VRP du nucléaire français ?
« Aujourd'hui même, alors que l'ampleur de la catastrophe se dévoile peu à peu, un nouveau danger menace, le danger de l'accident nucléaire. » Notez le terme employé : le tsunami fut une catastrophe. Mais l'explosion puis les fuites incontrôlées de radioactivité à Fukushima ne sont qu'un « accident.» Et d'ailleurs, Sarkozy se veut rassurant. « Face à cette situation, nous devons faire preuve d'un grand sens de la responsabilité. Pour aider les techniciens japonais qui travaillent jour et nuit dans la centrale de Fukushima, la France avec le CEA et les entreprises françaises a d'ores et déjà fourni du matériel technique, des équipements de protection. » Serait-ce tout ? Non, le Monarque embraye sur les consignes de départ dans l'urgence des premières menaces radioactives voici deux semaines.
« Je sais que la rapidité avec laquelle la communauté française a réagi a suscité certaines réserves. Je le dis sans hésitation. Il était du devoir des autorités françaises d'appliquer ce principe de précaution. Et j'assume la recommandation aux Français que rien ne retenait à Tokyo de quitter la région. Mon devoir est de protéger les Français.» Le devoir, toujours le devoir ! Sarkozy évoque ensuite, « en toute transparence », la situation du nucléaire au Japon. « Cette situation est critique, très instable et malheureusement durable.» Oh ! Le monarque reconnaîtrait-il la gravité de la catastrophe ? Que nenni ! Il précise aussitôt : « vous devez accepter de vivre avec cette situation pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois.» Plusieurs mois ? La catastrophe de Fukushima a des conséquences séculaires sur l'environnement de la région.
Le même jour, on apprenait que de l'iode radioactif 131 avait été découvert dans une nappe d'eau à 15 mètres sous la centrale nucléaire de Fukushima. Plus les réacteurs sont arrosés pour être refroidis, plus les nappes et l'océan sont pollués. On se rassure en expliquant que l'iode n'a qu'une durée de vie de 8 jours. Il y a quelques jours déjà, le premier ministre japonais avait expliqué que l'évolution de ces réacteurs était désormais « imprévisible.» La zone de radiation déborde les 40 kilomètres au-delà de la centrale. Seuls les 20 premiers kilomètres ont été évacués. Il y a 8 jours, les habitants de Tokyo ne devaient pas faire boire de l'eau du robinet à leurs nourrissons.
« Que devez-vous faire ? » s'interroge le Monarque. Et que répond-t-il ? Rien : « Ce n'est pas à moi de vous le dire. Chacun de vous doit décider en son âme et conscience selon sa situation familiale et sa situa professionnelle. Pour éclairer votre décision, sachez que les autorités françaises sont là, aux côtés des autorités japonaises, pour donner des informations fiables. » Quelle curieuse position ! Le Monarque nous explique que la France est là, qu'elle maîtrise, qu'elle conseille, qu'il s'agit d'un accident. Mais... mais .... ne paniquez pas. Faites vos choix. On vous informera des pollutions en cours. Il y en a pour quelques semaines.
Ce jeudi à Tokyo, Sarkozy représentait la filière nucléaire française. Il était comme un représentant de commerce désolé de son produit défectueux. Surtout, Areva a prévu de se coter en Bourse sous peu. Pour rassurer , il ajoute : « j'ai sollicité l'expertise scientifique du CEA, de l'Autorité de Sûreté Nucléaire et de l'Institut de Protection Nucléaire. On est tranquille. » Pour résoudre la rivalité entre EDF et Areva sur les marchés internationaux, Nicolas Sarkozy a confié au CEA, en février dernier, le soin d'exporter, notamment en Chine, la technologie française. Le CEA est actionnaire à 72% d'Areva. Juge et partie. La veille, en France, un rapport de l'ASN critiquait la sûreté de 4 centrales françaises d'EDF. Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) n'exclait même plus un moratoire sur la construction de l'EPR de Flamanville : « C'est un questionnement, une réflexion. On n'est pas sûr. Ca fait partie du champ des hypothèses. » Au Japon, Nicolas Sarkozy était ailleurs. Hors sol.
« Tous, je dis tous, s'accordent à dire que dans la situation actuelle, résider à Tokyo ne constitue pas un danger réel pour la santé des population. Bien entendu, nous maintenons notre vigilance, en accord avec les autorités japonaises. Et nous vous alerterons s'il existe un risque. Je vous dois la transparence. » Vraiment ? Nicolas Sarkozy est juge et partie. Il vend, à tour de bras, des centrales et la technologie nucléaire française depuis 2007. Pour le risque nucléaire, il n'avait pas grand chose de plus à dire. FukushimaSarkozy nous préviendra. Il enchaîne aussitôt sur l'installation d'un nouveau lycée français à Tokyo, « symbole du lien qui unit nos deux pays.» Sarkozy précise : « la vie doit reprendre son cours mais nous devons aussi prendre en compte ce qui s'est passé et en tirer tous les enseignements. La situation de Fukushima suscite de très nombreux débats. » Mais, précise-t-il, « l'heure n'est pas aux polémiques, elle n'est pas aux anathèmes, l'heure n'est pas aux choix précipités, qui ne marquent qu'une seule chose, le manque de sang-froid. Dans ces situations, il faut faire preuve de sang-froid.» L'homme qui parle ainsi n'a cessé d'instrumentaliser les faits divers les plus sordides et les plus anecdotiques pour créer toutes sortes de lois inutiles et mal ficelées en matière de lutte contre la délinquance. Et voici qu'un accident, une catastrophe nucléaire ne mériterait ... aucun débat.
On croit rêver. Sarkozy s'obstine sur cette ligne de défense depuis 3 semaines. Et Sarkozy sort l'argument économique, incroyable en ces temps de catastrophe : « Pour la France, le nucléaire civil est un élément essentiel de son indépendance énergétique et de la lutte contre les gaz à effet de serre.»
Il annonce ainsi qu'il veut réunir les autorités nucléaires des Etats du G20, « à Paris », pour définir une norme internationale en matière nucléaire. « Il est absolument anormal que ces normes de sûreté internationale n'existent pas. »
C'était la grande idée du moment. Quelques heures plus tard, Nicolas Sarkozy répéta son propos : « Il faut remédier à cette incongruité qui fait qu'il n'existe pas de norme internationale pour le nucléaire.» Sarkozy noit le poisson et joue l'hypocrite. Quelles normes a-t-il imposé quand il a vendu le nucléaire français à la Libye ?
« Le problème est un problème de norme de sûreté plus que de choix de l'énergie nucléaire, pour laquelle il n'y a pas d'alternative à l'heure actuelle, poursuit le locataire de l'Elysée, appelant à la mise en place de règlements internationaux. Il est absolument anormal que ces normes de sûreté internationales n'existent pas (...) ce qui compte, c'est qu'avant la fin de l'année il y ait des normes internationales. Le nucléaire n'est possible qu'avec des normes de sûreté exceptionnelles. »
Ces propos sont indécents. Une représentante de Greenpeace rappelait, jeudi soir sur Canal+, que la France a vendu deux EPR à l'Inde, en décembre dernier, qui doivent être construits sur une zone à fort risque sismique.
Le cauchemar reste français, et l'inconscience sarkozyenne.