Ce livre est un recueil de dix-neuf nouvelles qui abordent tous les genres ou presque, l’autobiographie dans L’accident ou L’enfant Bolino, le fait divers dans Un calvaire Breton ou Canicule. Il y a aussi du délire dans L’auberge espagnole, du mystère dans L’inexorable espoir, du loufoque dans Le Groupino. Le summum est atteint dans l’excellente nouvelle Attendez-vous à savoir qui aborde la politique en mêlant habilement l’affaire Grégory et les diamants de Bokassa, le suicide de Robert Boulin et la disparition de Philippe de Dieuleveut en une fulgurante parabole qui tisse des liens fictifs entre des faits avérés ou non, mais dont toute la presse a parlé à l’époque. Du grand art.
Tous les textes ne sont pas du même niveau, certains portent encore la trace des balbutiements de l’écrivain en devenir. Pourtant tous ont un point en commun, cet humour direct ou voilé mais toujours présent qui est la marque de fabrique de l’auteur et l’on sent au fil des écrits, l’élaboration progressive d’un style qui doit tout àla musique. Desvers en prose ont dit certains critiques, c’est peut-être exagéré, mais lorsque l’on lit des pages à voix haute on les a en bouche comme s’il s’agissait d’un texte obéissant au rythme d’une mélodie qui nous serait inconnue.
Un livre facile à lire, souvent amusant et sans prétentions, qui vous fera passer un bon moment. Pour un premier bouquin n’est-ce pas déjà beaucoup ?
Dans une rare interview donnée au magazine Lire en octobre 2004, l’auteur auquel on demandait la signification du titre de son livre, avait répondu à Monique B. qui l’interrogeait « Epreuve, parce que c’est la première mouture d’un manuscrit non corrigé, Epreuve parce que ce fût un dur labeur pour moi de jeter par écrit ces premiers textes, Epreuve enfin pour le lecteur qui n’adhérera pas à mon travail ». L’épreuve par neuf que lire ce bouquin ne manquera pas de sens.
« Toutes ces conditions posées, vous avez choisi film et salle, vous avez consulté les horaires, prévoir vingt bonnes minutes d’avance au moins pour être bien placé dansla salle. Sipar malchance, vous entrez dans les derniers, inutile de prendre cet air ébahi parce qu’il n’y a plus de places en plein milieu, face à l’écran. On ne vous a pas attendu pour prendre les meilleurs fauteuils ! Vous poireautez depuis un bon moment devant la salle quand soudain la queue s’ébranle et vous soulage car vous entrez. Les grattouilleurs de guitare qui animaient votre attente, se calment et tendent la main, paume en l’air. Vous leur souriez, paumes fermées.
Autrefois, à Paris, on ne pouvait aller au cinéma sans se voir infliger durant l’attente dans la rue, par un artiste de variétés quelconque, une mièvrerie assommante du genre « Love the one you’re with » ou autre Crosby-Still-Nash and Younguerie quelconque … Dieu merci, j’ai quitté la ville lumières depuis assez longtemps pour ne plus en connaître les nouvelles coutumes, à supposer qu’il y en ait … »
Antoine Eminian L’Epreuve Le temps d’écrire