Cantonales : le Front de Gauche entre réussite et tensions

Montée du Front national, record d’abstention et petites tensions lors de ce premier tour des cantonales ternissent le bilan plutôt positif du Front de Gauche.

Ces élections cantonales devaient constituer, selon nombre d’observateurs, la fin du communisme territorial tel que toujours pratiqué dans le Val de Marne et l’Allier. Jean Luc Mélenchon promettait lui “un score à deux chiffres”. Bien qu’il soit difficile d’y voir clair dans le calcul des suffrages Front de Gauche dans ce scrutin, il semble que M. Mélenchon ne soit pas passé loin de réussir son pari. Quant aux communistes, non contents d’en conserver la gestion ils renforcent leur domination dans le Val de Marne, dans l’Allier et parviendraient à grapiller de nouveaux conseillers généraux en Seine Saint Denis, département ravi par le PS en 2008.

Et le Front de gauche d’atteindre plus de 9 % au niveau national, une proportion qui passerait la barre des 10 % une fois rapportée aux seuls cantons où le cartel présentaient des candidats, selon un communiqué du Parti de gauche. Un bilan plutôt positif, quoique entâché par le record d’abstention touchant particulièrement les quartiers populaires. Une abstention favorisée “par la stratégie scandaleuse du gouvernement de Nicolas Sarkozy qui a tout fait pour tenter d’échapper à la sanction populaire dans les urnes” selon les propos de Pierre Laurent. Ce qui n’empêche pas M. Mélenchon, co-président du Parti de Gauche de parler de “raclée” infligée à l’UMP.

La montée du FN est largement dénoncée par la gauche radicale, qui y voit avant tout une responsabilité du président de la république. “Le FN a fait les poches à l’UMP” déclarait-il à iTélé. C’est d’ailleurs dans cette même intervention télévisée que le leader du PG regrettait ouvertement la participation de son homologue du PCF à la table ronde organisée à Paris entre les “vieux amis”, à savoir le PCF, le PS et les écologistes.

Pierre Laurent de son côté mettait en avant la nécessité pour la gauche de s’unir, face à l’UMP et surtout au Front National. Une raison insuffisante pour parader devant les caméras en compagnie de Martine Aubry, selon M. Mélenchon. Et le co-président du Parti de gauche d’arguer du refus des partenaires de la gauche plurielle de voir le NPA se joindre à eux à cette occasion.

Le NPA constitue d’ailleurs probablement l’autre grand perdant de ce scrutin. Si bien que le parti anticapitaliste pourrait ne pas atteindre les 1 % nationaux que lui attribuaient les derniers sondages. Face à cela, le parti d’Olivier Besancenot a préféré éviter toute “interprétation nationale” des résultats, non représentatifs de quoi que ce soit selon son communiqué , préférant se concentrer sur l’actualité sociale et internationale. Une manière de s’identifier à la majorité d’abstentionnistes ?

Pour autant, la réussite du Front de Gauche ne peut masquer les difficultés apparues durant la campagne. Sur le terrain, à l’image de l’épisode de dimanche soir, les tensions apparaissent de plus en plus entre Parti Communiste et Parti de Gauche. Des tensions humaines, face auxquelles beaucoup regrettent l’absence, ou en tout cas la rareté, des si prisés “acteurs du mouvement social”. Quoiqu’on en dise, le Front de Gauche reste encore ce tête-à-tête entre deux organisations, ouvrant souvent la voie aux querelles propres à ces situations. Les “comités ouverts” sur la base de ce qui se fit en 2005 ne semblent toujours pas émerger à grande échelle. Un certain nombre de sections locales n’étant même pas parvenues à présenter des candidats en commun.

La déroute du NPA conjuguée aux tensions qui pourraient s’accroître au sein du Front de Gauche n’augurent donc pas, pour l’heure, d’une configuration en 2012 réellement différente de celle de 2007. Pire, le comportement de la gauche de la gauche pourraient entrer en contradiction avec un certain nombres d’attentes qui se sont manifestées durant ces derniers mois. La lutte contre la montée du Front National pourrait, à ce titre, constituer une porte de sortie capable de réunir les militants de cette gauche, ancrée dans une même tradition anti-raciste.