Je n’ai depuis raté aucun film du cinéaste. Conte de cinéma, Woman on the beach, Night and Day, Les femmes de mes amis, Ha Ha Ha. Je me suis déplacé en salles pour chacun d’eux. Hong Sang Soo est devenu une valeur incontournable du cinéma coréen en France, une valeur très prolifique qui plus est. Ses films ont beau ne pas rapporter grand-chose au box-office coréen, ils sortent sans exception dans les salles françaises, un fait dont peu de cinéastes asiatiques peuvent se targuer. On le sent d’ailleurs inspiré par le cinéma européen, et français en particulier, peut-être n’est-ce donc pas si étonnant que cela. Une chose est sûre ses films sont des portraits drôles, cruels et fascinants de la Corée du Sud actuelle, même si c’est toujours la même Corée qu’il semble nous montrer. Mais reproche-t-on à Woody Allen de faire du Woody Allen ? Oui, bon, en fait, on lui a souvent reproché, moi le premier, mais l’idée est bien qu’un grand cinéaste est capable de refaire toujours un peu le même film en le déclinant sous des formes diverses et variées.
Et si Hong Sang Soo n’est pas de ceux qui peuvent toucher à tous les genres, il est certainement un cinéaste qui a créé un univers récurrent qu’il aime à approfondir à chaque nouveau long-métrage, et que l’on aime explorer en tant que spectateur. C’est bien ce que la Cinémathèque m’a appris ces derniers jours. Que j’aime explorer le cinéma d’Hong Sang Soo. Car la Cinémathèque Française a eu cette année l’idée saugrenue, lumineuse, géniale et rare de consacrer une « intégrale » à un jeune cinéaste asiatique en activité, ce cher Hong Sang Soo, donc. Tous les films du cinéaste, du Jour où le cochon est tombé dans le puits à son récent Oki’s Movie.
Ce film aurait pu être Le Pouvoir de la Province de Kangwon, un réjouissant double portrait, en deux temps, d’un garçon et d’une fille voyageant vers la même province à quelques jours d’intervalle. A plus d’un titre, celui-ci m’a rappelé Ha Ha Ha, par sa fraîcheur, son aplomb, son ton totalement décalé, et sa structure narrative qui m’aura plus séduit que la noirceur inattendue du Jour où le cochon est tombé dans le puits ou que la narration éclatée et déconcertante de Oki’s Movie.
Non, le film que je retiendrai plus que les autres de l’intégrale Hong Sang Soo à la Cinémathèque sera Turning Gate, une perle de film comme on n’en voit pas toutes les semaines au cinéma. On y retrouve cet univers reconnaissable entre tous chez Hong Song Soo. Ce double cinématographique, ici acteur pas franchement en réussite, entre deux rôles, qui va d’abord retrouver un vieil ami et piquer à celui-ci la fille sur laquelle il avait des vues. Puis il va prendre le train pour aller rendre visite à ses parents à Pusan, train dans lequel il va avoir un coup de foudre pour une jeune femme qui dit l’avoir vu dans des pièces de théâtre à Seoul et l’admirer. Notre héros descendra donc en même temps qu’elle et la courtisera assidûment, cette femme mariée, plutôt que de continuer sa route vers Pusan.
J’ai passé une semaine à jongler à la Cinémathèque afin de rattraper mes lacunes coréennes, accompagné à chaque séance de spectateurs joliment assidus. Si la salle Langlois n’était pas forcément pleine, la salle Franju affichait elle quasiment complet à chaque projection. J’ai testé les capacités de réaction des caissiers de la Cinémathèque à chaque séance, leur présentant le programme du Centre Culturel Coréen offrant un tarif réduit aux films, mais à chaque fois, le ou la caissière posté face à moi était surpris par l’existence de cette réduction et bataillait pour faire entrer un code adéquat dans la machine. Je les salue tous bien bas, car ils sont tous parvenus à m’obtenir ma réduction, et je pense que je peux dire « ma » réduction car je serais étonné d’apprendre que nous avons été nombreux à en bénéficier. A croire que je suis le seul à lire les petites lignes sur le programme trimestriel du Centre Culturel Coréen de Paris.
L'intégrale Hong Sang Soo vient de s'achever à la Cinémathèque Française, et ce que j'en retiendrai longtemps, c’est que j’y ai vu un grand film. Et c'est bien pour cela que je venais.