Remarque préliminaire : cet article, que j'ai en projet depuis longtemps, est candidat au concours des Sama Awards. N'ayant pas fini de visionner certains des anime concernés, à savoir : Nodame Cantabile, La Corda d'Oro, Piano, et Princess Tutu, j'ai préféré ne pas en parler pour l'instant. Ils seront ajoutés à une nouvelle version de l'article, qui sera remontée dans le blog. J'ai tout de même choisi de proposer l'article en l'état au concours, d'abord parce qu'il tient la route, ensuite et surtout pour respecter ma parole d'y participer avec du matériau spécialement écrit. Merci pour votre indulgence ! Et merci pour votre régularité à me lire, ça me donne du courage !
Amitiés,
Mackie
Questions existentielles...
Musique classique et anime... Si j'ai décidé d'aborder ce sujet, ce n'est pas par hasard, mais pour deux raisons : 1- l'envie de partager avec vous, lecteurs déjà conquis par
l'anime, ma passion pour la musique classique, et 2- l'envie de me faire plaisir, en donnant un cadre à l'assouvissement de mes deux principaux centres d'intérêt.
Cela fait des années que je fréquente la musique classique, et que je tente (et que parfois, je réussis) d'y convertir mes amis et mes proches. En leur prêtant des disques, en les invitant au
concert... Aujourd'hui, en découvrant le manga et l'anime, et en inversant les rôles, je suis redevenu un newbie, demandeur de vos précieux conseils. Alors si je peux vous rendre la
pareille...
L'anime a un rapport intime avec la musique classique. C'est ce qui m'a immédiatement frappé lorsque j'ai découvert Neon Genesis Evangelion, ma porte d'entrée dans le monde de
l'anime. Tout naturellement, j'en ai d'ailleurs fait un sujet de plusieurs articles. J'en ai également parlé au sujet de Gankutsuou et de Piano Forest.
Aujourd'hui, ce que je me propose de faire, c'est d'élargir ce champ d'investigation à d'autres anime, et de proposer un état des lieux.
Après ce premier moment d'angoisse dépassé - le tout, c'est de s'y mettre, vieux motard mieux vaut tard que jamais - nouvelle sueur froide : en
plus des animes susmentionnés, faut-il que je mate au pifomètre des kilotonnes de séries dont j'ignore tout pour y trouver les extraits musicaux qui me feront fredonner pompom pompom tralalala?
Bah oui, faut-il inclure tous les passages de films ou d'anime comprenant deux minutes de Mozart, ou une pauvre adaptation au clavier bontempi de la lettre à élise? Parce que là, je devrais m'en
avaler jusqu'à la Saint-Sylvestre, au minimum. Pas sûr que je veuille réellement visionner l'intégrale de Love Hina dans le seul but d'y dégotter un bref extrait de la première Gymnopédie d'Erik
Satie... Je me concentrerai donc sur les animes où la musique classique est présente de manière significative, et créative.
Reste la forme et le fond que je dois donner à cet article. Plusieurs angles d'attaque sont possibles. Faire dans le genre catalogue, lister les épisodes et les films, et les oeuvres qui y
figurent, c'est possible, mais ça ne risque pas d'être palpitant à lire. Trier, donc exclure, et déterminer une typologie déterminante, c'est l'idéal, mais bien entendu, c'est le résultat des
visionnages qui l'aura déterminé. Et le résultat, en gros, revient à trier les anime en trois catégories :
1- les anime dont la musique est le sujet, ou un des sujets : ils mettent en scène des musiciens, et parlent des oeuvres elles-mêmes, sous un angle souvent pédagogique ;
2- les anime dont la musique est une inspiration : aussi rares que passionnants, ils partent d'une oeuvre sur laquelle l'histoire est développée ;
3- les anime dont la musique sert d'illustration : innombrables, ils se servent de la musique classique comme fond musical, se basant sur des tubes mille fois entendus (donc
connotés) pour souligner une ambiance, une atmosphère ou un climax. Dans ce dernier cas, je ne prétends pas à l'exhaustivité, c'est évident !
Cet état des lieux n'aurait pas grand sens, si je ne commençais pas par rappeler que le Japon a, vis-à-vis de la musique classique, une approche différente de la nôtre. Ce sera donc mon
préambule.
Mais au fait : qu'est-ce que la musique classique?
La question n'est pas anodine, car la réponse est fluctuante.
- Définition 1 : Au sens le plus restrictif : la musique classique, c'est l'ensemble de la musique composée à l'époque classique, soit entre 1750 et 1820 environ. Avant,
c'était le baroque (par exemple : Bach, Vivaldi), après, c'était le romantisme (par exemple : Brahms, Wagner). Dans ce sens propre, mais étroit, de l'expression "musique classique", il n'y
aurait, en gros, que Mozart et Beethoven (je caricature).
- Définition 2 : Au sens large, la musique classique désigne l'ensemble de la musique composée en occident, à l'exception des musiques folkloriques, traditionnelles et
populaires. On peut donc la faire démarrer avec le chant grégorien du moyen-âge, et l'étendre à la musique contemporaine savante, en passant par tous les grands compositeurs des époques
médiévale, renaissance, baroque, classique, romantique, moderne et contemporaine. Cette définition, la plus courante, exclut donc des genres et des styles proches, comme la musique de film, la
musique orchestrale populaire (une adaptation des musiques de Mario Bros pour orchestre symphonique n'est pas de la musique classique), et la musique ancienne ou savante hors d'occident (musiques
orientales, notamment).
Mais je vais simplifier la définition une bonne fois pour toutes. Dans le cadre de cet article, grosso modo, la musique classique, c'est la musique des compositeurs Européens des
18ème, 19ème et début 20ème siècles. Et il sera surtout question de Bach, Mozart Beethoven, Chopin, Wagner, Ravel et quelques-uns de leurs collègues.
Vous allez mieux? J'en vois deux qui dorment au fond. Allez, un petit coup de Wagner et ils se réveilleront !
La musique classique au Japon
Ce que je définis plus haut comme "la" musique classique, est avant tout perçue au Japon comme de la musique occidentale. Les japonais ont une culture plus que millénaire, et possèdent leur
propre musique savante, cf. toute une série de formes musicales basée sur des instruments spécifiques (luth shamisen, flûte shakuhashi...) et liée à des manifestations culturelles variées,
souvent des spectacles (dont le Kabuki). Notre musique classique est donc au Japon une musique d'importation, avec des instruments occidentaux, des compositeurs occidentaux et un
background culturel exclusivement européen (et même surtout germanique, vu la pré-éminence des Bach, Mozart, Beethoven, Schubert et Wagner - tous des allemands ou des autrichiens). Cependant,
force est de constater que la musique classique y est aujourd'hui extrêmement vivace, au moins autant, sinon plus que chez nous. Quelques signes sont révélateurs :
1- le nombre important de jeunes pratiquants amateurs, au sein des associations et clubs scolaires : au Japon, un collégien doit faire partie d'une assoc'. Le contraire, s'il est
possible, est mal vu. C'est une conséquence de la culture de la collectivité, qui veut que les jeunes soit formés, via leurs loisirs, à l'esprit de groupe, essentiel dans la société. Il en
découle que pas mal de jeunes se tournent vers la pratique d'un instrument, et forment des orchestres amateurs, ou des formations de chambre. En France, ce phénomène est inconnu, et la musique
classique est dès le départ perçue comme un truc élitiste. C'est souvent dans ce cadre que l'on voit des jeunes héros d'anime pratiquer la musique classique (exemple : le quatuor des children de
Neon Genesis Evangelion, Shinji, Rei, Asuka et Kaworu).
2- le nombre important d'orchestres symphoniques de haut niveau, qu'ils soient publics ou privés : parmi les plus notables ou originaux, je citerai : l'Orchestre symphonique de
la NHK (au sein de la radio & télévision publique japonaise), l'Orchestre symphonique Yomiuri du Japon (seul orchestre au monde appartenant à un groupe de presse écrite, le Yomiuri Shimbun),
le Bach Collegium Japan (remarquable, et spécialisé dans la musique... de Bach), l'Orchestre Saito Kinen (fondé par le chef Seiji Ozawa, il est éphémère, et se compose de musiciens d'autres
grands orchestres, à chaque édition du festival de Matsumoto), etc...
Un bémol, tout de même, assister à un concert au Japon reste onéreux, et n'est pas à la portée de tous. On assiste donc à un phénomène connu chez nous : les salles de concert reçoivent un public plutôt nanti, et pas forcément très jeune. C'est pourquoi des initiatives apparaissent, comme la Folle Journée de Tokyo, petite cousine de la Folle Journée de Nantes, depuis quelques années. Comme le dit Tanaka Yasushi, éditeur de presse spécialisée dans le domaine de la musique classique, "Les Japonais entretiennent un rapport paradoxal avec la musique classique : elle est présente partout dans leur quotidien ; le Japon est le plus gros marché de musique classique avec les Etats-Unis ; il y a plus de 20 concerts de classique par jour à Tokyo ; on enseigne aux enfants les bases de cette musique ; et pourtant, seulement 2% de la population japonaise en écoute régulièrement. Le classique reste une musique d’élite, et c’est dans ce contexte que la Folle Journée a été exportée dans notre pays."
3- ce qui nous amène au succès croissant des jeunes musiciens japonais professionnels aux concours internationaux : de plus en plus, les jeunes solistes japonais remportent des
premiers prix (cf. Dai Miyata, vainqueur 2009 du concours Rostropovitch, Kazuki Yamada lauréat 2009 du Concours des jeunes chefs d'orchestre de Besançon).
Il faut aussi citer le fait que le Japon possède plusieurs écoles très dynamiques dans l'enseignement de la musique classique, principalement auprès des jeunes enfants : les écoles Yamaha et
Suzuki, notamment, dont les méthodes efficaces sont exportées jusque chez nous (cf. les écoles de musiques Yamaha, que l'on voit un peu partout).
- enfin, est-il utile de citer tous les musiciens japonais célèbres? Juste quelques-uns alors et en images seulement - pas la place de faire autant de biographies) :
Chez nous, en France, la musique classique est si profondément liée au patrimoine, qu'elle possède un déficit d'image auprès de la jeunesse. Elle est associée aux musées, aux
cathédrales, aux vestiges du passé, aux cours d'histoire. Et au si rasoir cours de musique obligatoire du collège... Tout est fait comme si la musique classique devait être vecteur d'ennui,
d'obligation, de radotage. Au Japon en revanche, il y a comme je le disais plus haut une identification immédiate de la musique classique à la culture européenne, à quelque chose
d'un peu exotique, et de prestigieux. Cela se voit dans les anime. C'est même un effet facile, et à la mode. Lorsque l'on veut illustrer un moment solennel, ou un passage dramatique, ou au
contraire romantique, quoi de plus naturel que de convoquer Bach, Beethoven, ou Wagner? Ah, les violons, le piano, les voix angéliques, l'orgue d'église...
Par ailleurs, si on se rappelle que le Japon et l'Allemagne ont eu des liens politiques à une certaine époque de leur histoire, on peut comprendre que la musique germanique a bénéficié d'une certaine prééminence. D'où la forte présence, dans les b.o., des compositeurs allemands et autrichiens, de Bach à Wagner. Le goût pour la culture et le luxe français ont favorisé également les compositeurs bien'd'cheu nous, comme Ravel ou Satie. En revanche, les compositeurs italiens (Vivaldi, Rossini, Verdi...) ou russes (Tchaikovsky, Stravinsky, Prokofiev...), pourtant très joués en Europe, n'ont pas la même aura au Japon. Cela dit, il faut relativiser, le choix d'oeuvres demeure assez vaste, comme on le verra maintenant.
Les anime mettant en scène des musiciens
Il s'agit des séries : Nodame Cantabile, La Corda d'Oro, Piano, Princess Tutu ; et des films : Piano Forest et Goshu le violoncelliste. Dans ces exemples, la musique est au centre de l'oeuvre. De
façon souvent assez pédagogique, la musique sert de prétexte à l'affirmation de la personnalité, à la construction de l'individu, à son apprentissage de la relation à autrui, et à l'intégration à
un groupe (orchestre, club, école) qui symbolise la société.
Goshu le violoncelliste
Sero Hiki no Goushu
d'Isaho Takahata (1981)
Pour vous, un extrait libre de droits (donc, d'avant 1960) : tout le 1er mouvement "Éveil d'impressions agréables en arrivant à la campagne", par l'orchestre Philharmonia, Karajan, 1953 (durée, 9mn20s) :
Piano no Mori
de Masayuki Kojima (2007)
A l'instar de Goshu, Piano no Mori est un film tous publics, notamment destiné à l'éveil des plus jeunes à la musique classique. Comme je le disais dans un billet récent, le but est de montrer au jeune public, à travers l'histoire de Kai et de Shuei, que la musique classique n'a rien d'austère ni de rebutant, et qu'au contraire, elle est source de joie et de plaisir. On voit en effet ces deux enfants, à travers une histoire merveilleuse de piano abandonné dans la forêt, confronter leurs façons totalement différentes de concevoir la musique, et au final, apprendre mutuellement l'un de l'autre. Shuei, le jeune futur concertiste, redécouvre la joie simple de jouer, et de s'exprimer de façon personnelle et libérée, tandis que Kai, le sauvageon génial, découvre les vertus des gammes et le plaisir d'apprendre des oeuvres de grands compositeurs.
Extrait libre de droits : Chopin : Valse n°6 dite "Valse du petit chien" ou "valse-minute", par Dinu Lipatti, 1950.
En fait, chacun à sa manière, Goshu le violoncelliste et Piano no Mori délivrent le même message : jouez, ou écoutez du classique ! A travers mes articles, je ne dis pas autre chose...
(Au sujet de Nodame Cantabile, La Corda d'Oro, Piano, Princess Tutu : cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienv Oui ben ça va, je sais que je suis à la bourre, alors j'en parlerai quand j'aurai fini de les visionner !)
La musique classique, source d'inspiration
Je ne citerai que deux exemples : Tableaux d'une exposition, d'Osamu Tezuka, et Harlock Saga. J'aurais pu citer aussi Magnetic Rose, un des trois courts de "l'omnibus"
Memories, où figurent des allusions aux héroïnes d'opéras de Puccini, surtout Madame Butterfly (avec même un extrait, chanté par Maria Callas) - mais même si je
l'aime beaucoup, il n'est pas aussi exemplaire, musicalement, que les Tableaux et que Harlock Saga.
Tenrankai no E
d'Osamu Tezuka, 1966
D'une durée de 37 minutes, soit exactement le minutage de l'oeuvre musicale qui lui sert de support, Tableaux d'une exposition est un film à part, tant dans l'oeuvre de Tezuka que par rapport aux autres anime japonais. D'un style avant-gardiste, et d'inspiration satirique, il se compose de 10 courts, chacun étant un "tableau" accroché aux murs d'une exposition de peinture imaginaire. Lorsque la caméra s'approche de l'un d'eux, il s'anime, et une petite histoire sans paroles commence. On voit successivement la caricature d'un journaliste, un jardin triste et artificiel dans une zone hyperurbanisée, un chirurgien esthétique, un directeur d'usine qui traite ses ouvriers comme des machines, des poussins psychédéliques, un éléphant boxeur, le tournage d'une publicité, un délire sur la méditation transcendentale, une dénonciation de la guerre et un final à la fois ironique et en apothéose. Le ton général est pessimiste, féroce, mais drôle. A noter que ce film ne ressemble, graphiquement, à presqu'aucune oeuvre phare du maître : ici, Tezuka se lâche, et expérimente, pusique chaque court qui compose ces tableaux est d'un style différent - bien qu'aujourd'hui, on puisse le trouver daté.
Extrait libre de droits : Moussourgsky : Les Tableaux d'une exposition, intégrale, par l'orchestre Philharmonique de Berlin, direction Igor Markevitch, 1953.
Harlock Saga : Nibelung no yubiwa - Rhein no ôgon
Yoshio Takeuchi, d'après Leiji Matsumoto, 1999
Harlock Saga est un cas. C'est, à ma connaissance, le seul anime (basé sur le manga du même nom) qui s'inspire d'un synopsis d'opéra.Vous me direz, c'est une façon de prendre l'expression space opéra au pied de la lettre. Mais plus sérieusement, il s'agit réellement d'une adaptation de la Tétralogie de Wagner, soit le cycle de quatre opéras (L'or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried, le Crépuscule des Dieux) que Wagner acheva en 1874, et qui a marqué l'histoire de la musique. Le manga est, d'après ceux qui l'ont lu, bien plus achevé et complexe que l'anime. L'objet de cet article n'étant pas de le critiquer, je ferai tout de même une comparaison entre l'anime et le cycle de Wagner.
J'ai pas réussi à faire plus court, désolé. Mais bon, les quatre opéras à la suite, ça fait bien dans les 15 heures de musique non-stop ! Musicalement, l'oeuvre de Wagner est révolutionnaire en bien des points, que je ne saurais tous résumer ici. Je balaie tout de même un malentendu : l'opéra de Wagner n'est PAS une musique de nazis. Wagner est mort 50 ans avant l'avènement du Reich, tout de même. Ce que les nazis en ont fait, ça n'a rien à voir. Bref. L'oeuvre de Wagner est passionnante car pour la première fois, elle réalise la fusion du chant, de la musique et du décor, dans le fameux théâtre de Bayreuth, conçu par Wagner. L'idée étant de proposer un spectacle total, et non un spectacle juste musical avec une succession d'airs chantés à la suite les uns des autres. Dans un opéra de Wagner, la musique et le chant sont un flot continu, construit par succession de motifs (les fameux leitmotivs) musicaux. Je vous assure que s'il faut un jour casser sa tirelire pour aller voir un opéra une fois dans sa vie, autant que ça soit du Wagner, histoire d'en prendre plein les oreilles et les mirettes...
Harlock Saga reprend la musique de la Tétralogie, en exploitant le principe des motifs, mais sans le même extrêmisme. Cela reste un anime, tout de même ! Il n'en demeure pas moins que l'utilisation des thèmes musicaux de Wagner est remarquablement efficace, en accord avec les images. Le motif le plus utilisé ici est celui de la marche funèbre, dès l'opening, pour bien souligner que ce qui suit est un combat où se joue le sort de l'humanité... A noter qu'il s'agit d'adaptations, réalisées par Kaoru Wada (Gunnm, Princess Tutu, Casshern Sins...). Mais toujours fidèles à l'esprit. Bref, un essai passionnant (quoique imparfait, mais c'est une autre histoire).
Et allez, zou, non pas un, mais deux extraits orchestraux, faut bien ça avec un si gros beau monument !
Extraits libres de droits :
1- La chevauchée des Walkyries, Orchestre du Festival de Bayreuth, Karajan, 1951
2- La marche funèbre de Siegfried, Philharmonia Orchestra, direction Wolfgang Sawallisch, 1958
La musique classique en fond sonore
Restent les cas où la musique classique n'est ni le sujet, ni le fondement de l'histoire. Méchamment, je pourrais insinuer qu'elle n'est plus là qu'en fond sonore. Mais, parfois, avec une réelle pertinence, jusqu'à apporter une nouvelle dimension à l'anime qu'elle illustre, ou mieux, incarne.
Il faut donc distinguer entre les cas où la musique participe activement au développement de l'anime, à son identité (Neon Genesis Evangelion ; Gankutsuou ; Nazca ; Legend of galactic heroes ; Gunbuster), et les cas où elle n'est là que pour souligner un moment clé, de façon allégorique (La traversée du temps ; A wind Named Amnesia ; Cowboy Bebop ; FLCL). Et puis il y a aussi tous les anime où la musique classique ne fait que de la figuration, de façon plus ou moins anecdotique. Ces anime sont légion, et il serait vain de les citer tous (surtout que, ceux-là, je serai honnête, dans la plupart des cas, je ne les ai pas vus, juste trouvés au fil de mes recherches.). Dans ces exemples, si les oeuvres sont faciles à identifier, il est par contre trop difficile de trouver les interprètes, sauf à farfouiller des heures durant dans les crédits...
Je vous donne tout de même quelques exemples, disons, de ceux que j'ai mis sur mes tablettes, et que j'ai prévu de visionner plus tard :
Kare Kano (Elle et Lui) : Dance Polovtsienne n°17, extraite de l'opéra de Borodine, "le Prince Igor"
Noir : Dance Polovtsienne n°17, extraite de l'opéra de Borodine, "le Prince Igor"
Patlabor III le film : adagio de Sonate n°8 "Pathétique", de Beethoven
Rahxephon : Dance Polovtsienne n°17, extraite de l'opéra de Borodine, "le Prince Igor"
Read or Die : 4ème mouvement de la 9ème symphonie de Beethoven.
Extrait libre de droits : Borodine : Ouverture et Danses Polovtisennes, par l'orchestre Philharmonia, direction Lovro Von Matacic, 1958 (durée 11mn29s - le passage le plus célèbre commence à 3mn50s) .
Classique et space opera
C'est assez amusant de rapprocher musique classique et space opera. Je rappelle que l'expression space opera désigne une saga de science-fiction, se déroulant dans l'espace intersidéral, mettant en scène des forces antagonistes dans un contexte généralement de guerre, avec un background complexe. L'expression space opera évoque à la fois le gigantisme, l'héroïsme, et... une musique qui a de la gueule. Si on se réfère aux grandes sagas hollywoodiennes, Star Wars pour n'en nommer qu'une, force est de constater que la musique symphonique y joue un rôle capital. Peut-on seulement imaginer Star Wars sans les thèmes de John Williams?
En anime, le space opera a connu des genres musicaux différents. On peut citer Captain Future, dont la bande originale a des accents jazz et funky, dus à la patte du talentueux Yuji Ohno, également responsable de la musique de Lupin III. Il y a aussi le précurseur Super Dimension Fortress Macross, qui fait la part belle aux chansons nippop de Linn Minmei.
Pour ceux qui n'ont jamais vu un épisode, ni un des films de Legend of galactic heroes, je précise que la musique classique est presque omniprésente. Typiquement, il s'agit de thèmes essentiellement romantiques, et presque toujours germaniques : Beethoven, Schubert, Brahms, Wagner, Brückner, Mahler sont les plus souvent présents. Cela tient bien entendu au fait que l'une des parties en présence, dans cette guerre sans merci, est l'Empire Galactique, une monarchie inspirée par la Prusse du 19ème siècle. On imagine mal le fier Reinhard Von Müsel avec du Rossini en musique de fond...
Ceci étant, le film My conquest is the sea of stars présente un exemple remarquable de ce que la musique classique peut apporter à un space opera, lorsqu'elle est choisie avec goût et discernement : c'est l'inoubliable scène de la quatrième bataille de Tiamat, avec... le Boléro de Ravel en fond musical. Imaginez, cette musique en crescendo permanent, répétant encore et toujours le même motif de danse, de plus en plus fort, jusqu'au climax, où tout l'orchestre martèle les derniers accords comme autant de coups de tonnerre... jusqu'à l'effondrement final. En adéquation parfaite avec les phases de la bataille : observation, manoeuvres, feintes, assauts... Les vaisseaux qui forment un véritable ballet... Pas sûr que c'est ce que Ravel avait en tête, mais ça fonctionne à la baguette... Mais comme une vidéo vaut mieux qu'une longue explication, voici l'extrait en question. Attention, ça déchire (durée : 15mn - désolé pour les 35 premières secondes qui n'ont rien à voir, c'est un jingle).
Extrait libre de droits (j'espère ne pas me tromper): Ravel : le Boléro, par le Boston Pops Orchestra, dirigé par Arthur Fiedler, 1953 (durée 7mn36s). Une version amusante, rutilante, hyper speed, presque en accéléré, lorsque la durée normale est plutôt de 15mn ! Enjoy.
La musique classique comme carte de visite
Musique d'illustration, musique d'atmosphère, la musique classique sert aussi parfois à donner une identité, ou un supplément d'âme à un anime. C'est le cas par exemple pour Nazca, série de 1998 entre aventure et fantasy sur le thème des incas, dont je ne discuterai pas ici des qualités intrinsèques (je dirais simplement que ça a pas mal vieilli, et que je ne l'ai pas finie - voilà). Nazca se signale en revanche par une musique de générique d'opening qui marque, consistant en une reprise d'un prélude extrait du Clavier bien tempéré, de Bach, version chantée, avec le poème "Faust" de Goethe comme texte, et une rythmique drum'n'bass. Le résultat, assez kitsch, passe bien, et c'est ce qu'on retient de Nazca : la série bof avec la chanson qui bute. Le résultat est quand même très éloigné de l'original, que je vous mets juste après. Visionnage (notez l'allemand avec un accent assez particulier) :
Extrait libre de droits : Bach, Clavier bien tempéré, prélude n°16, par Rosalyn Tureck, 1953.
Dans Gankutsuou, la musique a une présence bien plus importante. J'aurais pu à la rigueur même citer cette remarquable série parmi celles qui ont la musique pour sujet, à l'instar de Nodame Cantabile ou de la Corda d'Oro. Mais si un des personnages, la jolie Eugénie Danglard, est effectivement pianiste, et même concertiste professionnelle, ce n'est pas le thème principal. Reste que la musique classique est très présente, à certains moments clé de la série, et qu'elle y joue un rôle plus que décoratif. Les morceaux choisis sont en phase avec le style visuel de Dankutsuou, et en adéquation avec le roman de Dumas dont elle s'inspire : le Comte de Monte Christo.
Il faut tout de même reconnaître que la musique qui reste dans les mémoires, après avoir vu Gankutsuou, c'est la superbe chanson d'opening, due à Jean-Jacques Burnel - mais là aussi, le classique n'est jamais loin : la mélodie s'inspire d'une pièce de Chopin, l'étude n°3 opus 10 pour piano... Le même morceau qui a servi de modèle à Gainsbourg, pour sa chanson Lemon Incest. Eh oui, un bon paquet des chansons de Gainsbourg (et d'autres chanteurs) sont directement puisées dans le répertoire classique... Pour vous en rendre compte, l'extrait en question :
Extrait libre de droits : Chopin, étude n°3 opus 10 pour piano, dite "Chanson de l'adieu", par Alfred Cortot, 1933.
Mais l'anime qui aura le plus marqué par son exploitation de la musique classique, c'est bien entendu Neon Genesis Evangelion. L'anime aura également rendu cet "emprunt" au centuple, puisque certains fans (les stats des moteurs de recherche de mon blog peuvent en témoigner) recherchent encore aujourd'hui les références discographiques des oeuvres de musique classique qu'on y entend !
Dois-je revenir ici en détail sur chaque oeuvre que l'on peut entendre dans Neon Genesis Evangelion? J'y ai déjà consacré un dossier et sept articles... Tiens, allez, je vous remets la liste pour vous faire plaisir.
Evangelion : suite pour violoncelle de Bach, par Shinji
Evangelion : Komm, süsser Tod : Bach, Pachelbel ou Beatles? Anno!
Pour résumer, la présence de musique classique dans Evangelion a participé à l'élévation de cette série au rang de mythe chez les otakus. Elle y figure de trois manières :
1- jouée par Shinji, seul ou en quatuor avec les trois autres children, Rei, Asuka et Kaworu, elle est une émanation de sa personnalité, lorsqu'il arrive à être lui-même, en paix, dans un monde sans evas, sans anges à combattre, un garçon comme les autres, en somme. Le prélude de la 1ère suite pour violoncelle seul de Bach illustre sa sensibilité artistique, et son tempérament solitaire, tandis que le canon de Pachelbel montre sa capacité à jouer en harmonie avec les autres.
2- en illustration des combats d'evas, la musique de Beethoven et de Bach sert à magnifier deux moments parmi les plus dramatiques de la série : d'une part, le dernier mouvement de la 9ème symphonie de Beethoven, joué en intégralité, accompagne la descente de Kaworu l'ange vers le central dogma, et sa mort choisie et acceptée, de la main de Shinji ; d'autre part, l'aria de la suite pour orchestre de Bach accompagne le dernier combat d'Asuka contre les evas de série, combat d'une violence insoutenable. Dans les deux passages, la musique, lumineuse, profondément humaine, joue en contraste total avec les images.
3- à la fin, lorsque se joue le sort de l'humanité, la version pour piano du choral "Jésus, que ma joie demeure", de Bach (encore) offre une pause à l'esprit de Shinji en train de s'interroger sur sa relation avec le monde. Ce moment d'une rare poésie, accompagné d'images en prise de vues réelles, renvoie également au spectateur sa propre image (scènes de public dans une salle de spectacle).
Beethoven, Pachelbel, mais surtout Bach, trois compositeurs dont la musique possède une grande élévation spirituelle, ou philosophique, qui cadre avec les multiples messages qu'Hideaki Anno a voulu faire passer. Ou, pour être plus juste, avec son état d'esprit au moment de la réalisation de Neon Genesis Evangelion.
La musique classique comme illustration
Avant de conclure, il me reste à évoquer les animes dont la musique classique n'est qu'un moment parmi d'autres, mais qui par leur qualité, et par le choix judicieux des oeuvres, sortent du lot des innombrables anime qui se contentent de puiser dans le répertoire classique pour faire un fond sonore.
Pour vous en rendre compte, je vous mets le lien ici, histoire de ne pas surcharger l'article en vidéos.
Plus sérieusement, quoique... non en fait, Cowboy Bebop a également eu recours à la musique classique, à deux reprises :
1- dans l'épisode 5, "Ballad of Fallen Angels", une scène se déroule à l'opéra, et un ténor chante "l'Ave Maria" de Schubert. Ce n'est pas un passage très marquant, mais je le signale quand même, comme pour FLCL, on ne s'attendait pas à cela d'une série aussi rock. A signaler que "l'Ave Maria" de Schubert n'est pas un air d'opéra, mais en fait un lied (pour chant et piano), cela dit rendu célèbre par les grands ténors comme Luciano Pavarotti, et massacré interprété par des artistes aussi pointus que Céline Dion, Beyoncé ou Mylène Farmer. Mais je m'égare.
2- beaucoup plus notable, et carrément drôle, est l'utilisation de la "Valse des fleurs", du ballet Casse-noisette, de Tchaikovsky, lors du final de l'épisode 11, "Toys in the Attic" (titre d'épisode en référence à Aerosmith, groupe de hard-rock, soit dit en passant). Le passage est remarquable car d'une rare ironie, avec un énorme clin d'oeil à 2001, l'Odyssée de l'Espace. On y voit un frigo (je ne vous raconte pas pourquoi) flotter dans l'espace, en tournoyant, au son de la valse... J'ai trouvé cela excellent et très bien trouvé. Ecoutez l'extrait ci-dessous, imaginez CowBoy Bebop en images dessus, et savourez le décalage...
Extrait libre de droits : Tchaikovsky, la valse des fleurs, extrait du ballet Casse-Noisette, Philharmonia orchestra, dirigé par Igor Markévitch, 1954.
Mais plus qu'une simple illustration, la musique classique peut valloir une véritable allégorie. Ce sont les deux exemples ci-dessous, que j'ai choisis avant de terminer ce long (long? long!!) article.
Dans la Traversée du temps, comme dans A wind Named Amnesia, on entend une musique géniale, intemporelle (justement), que vous connaissez certainement : les Variations Goldberg, de Bach. Il s'agit d'une étude pour clavier, composée à l'origine pour le clavecin, d'une durée totale d'environ 30mn, constituée d'un thème exposé lentement et appelé Aria, suivi de 30 variations sur le même thème dans tous les styles de clavier de l'époque : danse, canon, contrepoint, fugue, à une ou plusieurs voix. L'oeuvre se termine par la reprise de l'Aria. Bach l'avait conçue à la fois comme un exercice et comme un divertissement, à destination des musiciens amateurs de bon niveau. Aujourd'hui, les Variations Goldberg (qui prennent leur nom d'un certain Goldberg, supposé dédicataire de l'oeuvre) sont l'oeuvre pour clavier la plus populaire de Bach, qui se joue essentiellement au piano.
Je l'avais déjà mise en ligne, mais pour vous (et surtout pour moi, j'ai décidément un faible pour la Traversée du temps) je vous re-propose la Bande annonce :
Et pour terminer en beauté, écoutez-le jouer l'aria des Variations, dans le film de Bruno monsaingeon : Glenn Gould, au-delà du temps.
Conclusion
Il y a une poignée d'années, retrouver Bach et Beethoven dans une série nommée Evangelion, avait fini par me convaincre que l'anime pouvait être pris au sérieux. Jamais, auparavant, je n'avais trouvé pareille utilisation d'une symphonie de Beethoven, ou d'un air de Bach. De fil en aiguille, j'ai continué à me rendre compte de la richesse des sources d'inspirations de l'anime. Cela ne vaut pas que pour la musique classique ; le rock, le jazz, le cinéma, la littérature, tout y passe, et renouvelle le regard que l'ont peut avoir blasé par chez nous. Au fond, je peux presque affirmer que c'est la musique classique qui m'a amené à l'anime, et l'anime a dépoussiéré cette passion que j'ai depuis longtemps.
Si la musique classique peut amener à l'anime, il n'y a aucune raison que le contraire ne soit pas possible ; je fais le pari que l'anime peut amener vers la découverte de la musique classique. C'est peut-être un peu naïf, ou au contraire très prétentieux, mais si ce panorama que j'ai commencé à débroussailler pour vous peut vous y inciter, alors je serais très heureux. Parce qu'il n'y a de blogs qui vaillent, quelle qu'en soit la forme et le sujet, que ceux qui ont pour but de partager la, ou plutôt les passions.
P.S. Comme vous l'avez noté, un passage de l'article reste à développer. En réalité, c'est l'article tout entier qui devrait probalement être remanié. Il sera remanié. J'envisage de le compléter par une discographie sélective, avec références discographiques plus détaillées, pour vous guider dans vos choix d'achats de disques. Vous me ferez part de vos commentaires, remarques, enrichissements à y apporter. Je compte sur vous.
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