Monsieur Albert Serol est mort en 1961 , 19 ans après l'exécution par les nazis et les pétainistes de Georges Politzer.
Albert Serol, avant la guerre était un socialiste ordinaire, député sous le Front Populaire, antifasciste de salon : en juin 1940, il laisse son nom à un décret qui condamne à mort tout Français qui "aura sciemment participé à la démoralisation de l'armée ou de la Nation".
Ce décret permet notamment la mise hors la loi immédiate de l'Université Ouvrière, fondée et animée par Georges Politzer, ce professeur de philosophie, qui avait eu cette idée folle et effectivement bien dangereuse pour la Nation: les travailleurs, pour leurs combats avaient un besoin urgent et incontournable, apprendre le matérialisme dialectique.
Politzer avant la guerre consacre ses soirées à transmettre son savoir de philosophe et de communiste aux ouvriers, pendant que le socio démocrate républicain Albert Serol creuse à l'Assemblée Nationale , à coups de lois racistes et anti pauvres, le tombeau de la classe ouvrière, mais aussi celui de la République qui va tomber quelques années plus tard.
Aussi, n'est il pas étonnant que Politzer , en 1940, passe dans la clandestinité pendant que Serol participe aux dernières attaques de la Troisième République contre la démocratie, notamment avec ce décret.
A part ce changement de statut, Politzer ne change rien dans sa démarche et dans sa pratique révolutionnaire: combattre pour lui, c'est écrire et transmettre aux prolétaires les combats de la raison contre l'obscurantisme, leur permettre de forger leur plus grande arme, leur cerveau, que la bourgeoisie voudrait le moins efficace possible.
En ce début du 21ème siècle, la pensée est souvent méprisée, même en milieu antifasciste: la construction d'une culture de combat révolutionnaire, toujours considérée comme un peu suspecte par les partisans d'un "antifascisme de terrain", pour qui l'efficacité de la lutte contre les fascistes se mesure au nombre de rassemblements réussis, au nombre de claques mises aux nazillons. Les textes, mouais, le décryptage de la pensée fasciste, bof, on verra plus tard, la guerre est dans la rue, et les intellectuels, c'est bien connu sont créatures de salon dont il faut se méfier...
En ce mois de novembre 2010, bon nombre d'antifascistes de rue ont été cependant déconcertés et désarmés par ces militants fascistes du MAS et du Renouveau Français, qu'ils ont trouvé à Paris devant une manifestation contre un club de bourgeois Le Siècle et qui entendaient bien eux aussi manifester pour la défense du Peuple contre les Elites.
S'ils avaient lu Politzer, alors ceci ne serait pas arrivé: tout simplement parce que leurs mots d'ordre auraient été différents, tout simplement parce qu'ils n'auraient pas repris des idées fumeuses et des analyses idéalistes qui font le jeu du fascisme.
En 1940, Rosenberg prononce à la Chambre des Députés un discours où il entend montrer que la Révolution française, dans ce qu'elle avait de meilleur était en accord avec la "révolution" national socialiste. Il y oppose la vigueur sauvage du Peuple, de la Race, aux idées décadentes et corruptrices des intellectuels révolutionnaires. Il s'agit bien entendu de récupérer l'héritage de cette révolution, en neutralisant le potentiel de libération de l'humanité qui s'y trouvait, et c'est naturellement l'esprit des Lumières qui est la cible du propagandiste nazi, cet universalisme rationnel dont le prolétariat peut s'emparer.
Politzer , le professeur de philosophie répond à Rosenberg dans un texte diffusé clandestinement . Il risque sa vie pour des mots, parce qu'il sait que les mots sont des bombes, et que le combat pour la vérité est au moins aussi important dans la guerre contre les fascistes, que celui pour la libération des pays occupés par les nazis, que l'un ne pourra se faire sans l'autre.
Politzer le prolétaire en clandestinité balaie en quelques pages qui décryptent la nature de classe du régime nazi et l'objectif impérialiste hitlérien, la tentative de récupération confusionniste des combats ouvriers contre la bourgeoisie faite par le tout puissant idéologue nazi.
La Raison contre la Race.
Le matérialisme du projet communiste contre le romantisme prétendument anticapitaliste des nazis.
Si nous re-publions aujourd'hui ce texte, ce n'est pas à titre de "document historique", mais pour que chaque antifasciste se saisisse de ce qui est une arme nécessaire immédiatement dans le combat d'aujourd'hui, à un moment ou les Rosenberg tentent à nouveau de tromper la classe ouvrière en se présentant comme des ennemis de la bourgeoisie: pour que chacun sache immédiatement quoi répondre à Soral et à Zentropa, à tous ces "socialistes nationaux " d'aujourd'hui, dont l'antisémitisme est à nouveau le drapeau.
Et c'est aussi parce que nous avons besoin d'avoir l'esprit tranquille et assuré sur l'issue du combat.
Il est minuit dans le siècle lorsque Politzer écrit cette réponse à Rosenberg: et pourtant, l'état du rapport de forces militaires en 1940 n'empêche nullement le petit professeur de philosophie de faire preuve d'un optimisme tranquille, qui a du paraitre à bien des lecteurs de l'époque une marque de folie furieuse. Politzer annnonce et démontre la défaite des fascistes, Politzer sait déjà que Stalingrad est proche.
Les nazis eux ne l'ont pas pris pour un fou, et n'ont pas sous estimé le danger des mots et des brochures : Politzer comme la plupart de ses camarades fondateurs du groupe resistant de l'Université Libre sera arrêté, torturé et abattu par la Gestapo. Mais avant d'affronter la mort , le petit professeur de philosophie se verra proposer par les nazis la liberté et un poste d'enseignant, pour peu qu'il renonce à ses mots et à leur sens.
Même en ces années ou les fascistes avaient les fusils et les soldats, et la domination sans partage sur l'Europe, neutraliser le matérialisme dialectique, faire taire l'analyse communiste du monde, faire qu'aucun ouvrier ne se reconnaisse comme prolétaire et force motrice de l'Histoire reste pour eux un objectif vital.
Politzer fut aussi l’un des organisateurs d’une des seules manifestations de rue parisiennes de l’Occupation pour la libération de ses camarades arrêtés par les nazis : le petit prof de philosophie était aussi un combattant de rue, mais son extraordinaire courage n’était pas un cadeau du destin, un don exceptionnel tombé du Ciel, juste celui d’un lecteur confiant et attentif de Descartes et de Marx, d’un prolétaire conscient de sa classe et de son rôle inévitable dans la marche du monde vers la Révolution socialiste.
Relire Politzer, relire l’Obscurantisme au 20ème siècle, c’est une urgence pour tous les antifascistes , pour que se lève à nouveau l’armée des petits profs de philosophie.
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