Magazine Cinéma
En mêlant l’intime à l’Histoire, Tom Hooper met en images un beau sujet, soit le combat véridique du Roi George VI (Colin Firth) contre son bégaiement, à l’aube de la seconde guerre mondiale. Récit et mise en scène- d’une rigueur fluide et d’un académisme passionnant- explorent alors les nombreuses facettes de cet épisode méconnu de l’Angleterre : l’importance de la communication sur la scène politique, l’influence de l’art oratoire sur autrui (peuple, hommes politiques, famille). Si Hooper (The Damned United) reste classique dans la forme, il a l’originalité des thèmes de son côté : l’amitié entre le Roi et son orthophoniste (Geoffrey Rush), l’amour d’une femme de l’ombre (Helena Bonham Carter), les faiblesses d’un homme de pouvoir. Tout ceci lui permet de pénétrer le cœur du sujet, avec une aisance rare, transformant l’apparente austérité du départ en exaltation humaniste crédible, crescendo plein de dualité, dissertation sensible aux pistes de réflexions foisonnantes. Classes sociales, homme public versus sphère privée, mots révélateurs des maux : autant de thématiques abordées par un King’s Speech, sûr de ses atouts mais jamais présomptueux. Rythmé par ses nombreux jeux- littéraires, musicaux, filmiques- et alternant musique et silence, nervosité et instants de quiétude, il séduit principalement parce qu’il impose à une inaccessible figure royale, l’égalité dans la souffrance. Le père de la Reine Elisabeth n’est plus qu’un homme lambda, face à son handicap, qui mène un double combat : personnel et politique. Tout y est intéressant : de ses traumas familiaux aux prémisses de la bataille acharnée contre le nazisme- et l’homme derrière le roi devient alors un fascinant objet d’étude dont la dichotomie sert sans cesse le cinéaste.
Oscar du Meilleur Film 2011.