
La caméra se pose alors sans jugement sur des protagonistes aux nuances exquises, hantés par des spectres monstrueux : les regrets, les pertes, les morts. En se servant du cadre naturel de la Louisiane pour distiller tout du long une atmosphère anxiogène et étouffante, Forster construit son œuvre en deux temps : chute et renaissance, obscurité et lumière- le point culminant étant atteint lors d’une scène d’amour d’une crudité féroce. Un orgasme pour libérer la brutalité enfouie au fond du duo, et des râles qui hurlent aux défunts : nous sommes vivants. On ne compte plus les films qui puisent leurs teintes ténébreuses de ce lieu à la souffrance latente qu’est la Louisiane- (The Last Exorcism (Stamm, 2010), Le Caméléon (Salomé, 2010), Bad Lieutenant (Herzog, 2009), Dans la Brume Electrique (Tavernier, 2009)- mais aucun n’a su aussi bien extraire et recracher toute l’âpreté de la détresse qu’il contient. Il faut dire que Forster a su créé le couple de cinéma le plus passionnant de ces dernières années : la fragilité de Halle Barry, qui a largement mérité son Oscar, et la profondeur de Thornton. Leur étreinte, pour le coup, tient du miracle.
