Une interview dans le quotidien Métro du vendredi 1er février :
“Nous sommes constamment pollués de l’intérieur”
Stéphane Horel, La grande invasion. Enquête sur les produits qui intoxiquent notre vie quotidienne.
Y a-t-il un domaine de notre vie qui échappe à la pollution ?
Je ne pense pas. Elle est partout : dans l’air, les objets, la poussière, le sang, nos graisses… On en est imprégné. Et même plus, la pollution se transmet. Le bébé dans le ventre de sa mère n’est pas protégé contre la pollution à laquelle sa mère s’expose. La fameuse « barrière placentaire » ne bloque en réalité rien.
Quels sont ces polluants ?
On compte 100 000 produits chimiques confondus sur le marché. Et seulement 1% dont la toxicité a été testée. Deux produits posent particulièrement problème. Les phtalates, notamment utilisés pour rendre souple le plastique. On les trouve aussi dans les cosmétiques, les jouets, les textiles. Une directive européenne interdit d’ailleurs leur utilisation dans les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans. Ensuite, il y a le bisphénol-A, autre composant du plastique, présent dans les biberons pour bébé, les CD, le matériel de cuisine. Mais les composants des détergents, des peintures, des cartes de crédit, des rideaux de douche, des vernis présents dans les boîtes de conserve, des déodorants, des insecticides sont eux aussi toxiques. Plus un pays est riche, plus il est malade de sa richesse : on s’entoure d’objets qui sont autant de nouvelles sources de pollution.
Quels sont leurs effets sur la santé ?
Ils modifient l’équilibre hormonal des personnes qui les ingurgitent ou qui vivent à leur contact. Soit tout le monde. On dit que ce sont des « perturbateurs endocriniens » qui, en plus, se dégagent dans l’air. On les soupçonne aussi d’être cancérigènes, bien qu’on ait pas de preuves définitives. Excepté l’amiante, les scientifiques n’ont pas fait de lien direct entre la consommation ou l’utilisation de ces produits et les cancers. Il n’en reste pas moins que les cancers, en France, ont augmenté de 63 % en 20 ans.Et les scientifiques évaluent à 35% le nombre de cancers liés à des facteurs environnementaux. Ces 30 dernières années, on a assisté en France à un boom des cancers du sein (une femme sur huit en a un) et des cancers des testicules. C’est même la première cause de cancer chez les hommes de 25-45 ans. De plus, depuis la seconde guerre mondiale, la fertilité des hommes a baissé de 50 %.
Au Danemark désormais, 6% des enfants sont conçus par aide médicale.
On note aussi des problèmes de développement du cerveau liés à la présence de plomb et de mercure dans certains produits qui nous entourent. C’est un véritable problème de santé publique. D’autant qu’on ne connaît pas les effets sur notre corps du cocktail de substances toxiques présentes dans notre organisme…
Peut-on purger notre corps de ces substances ?
Les phtalates par exemple sont éliminés par notre organisme en quelques jours. Mais comme l’exposition à ces substances est constante, nous sommes constamment pollués de l’intérieur !
Quels gestes accomplir au quotidien pour diminuer son exposition à la pollution ?
Ouvrir ses fenêtres et jeter ses détergents, eau de javel comprise, pour utiliser des nettoyants écologiques ou -plus simple et beaucoup moins cher- du vinaigre blanc. C’est un excellent désinfectant et détartrant. Pour les cosmétiques, il faut utiliser des produits bio, sans parabens, autres perturbateurs endocriniens toxiques pour le système reproducteur, qui passent directement à travers la peau dans le sang.
De quand date la prise de conscience de la dangerosité de ces produits ?
Ça remonte à 1962, quand est paru « Printemps silencieux » de Rachel Carson. Dans ce livre, l’Américaine pointait du doigt le DDT, pesticide très répandu à l’époque et qui a stérilisé des populations entières d’animaux aux Etats-Unis. Ensuite, en 1991, des scientifiques ont annoncé que les polluants trouvés dans les produits de consommation courante avaient un impact sur notre système hormonal. En France, aucun organisme ne teste la toxicité des produits.
Alexandra Bogaert. Metrofrance.com