Dans un entretien publié dans Le Monde daté du 29 mars, Eisahu Sato, ancien gouverneur de la préfecture de Kukushima, évoque les alertes qu'il a reçues de la part d'employés (directs ou sous-traitants) de la centrale de Fukushima Daiichi concernant leurs conditions de travail, qui ne permettaient pas d'assurer le niveau de sécurité réglementaire. Alertes qu'il avait transmises à l'Agence pour la sécurité nucléaire et industrielle japonaise (NISA), organisme chargé de la surveillance des centrales et de leurs conditions d'exploitation.
Etant donné les modalités de pilotage de la production électro-nucléaire en France jusque dans les années 2000, cette situation ne risquait pas de se présenter. Cependant, les choses ont évoluées depuis et plusieurs éléments pourrait faire craindre d'aboutir à une situation similaire dans les années à venir.
Tout d'abord, EDF a été transformée en entreprise privée cotée en bourse, et donc dont les résultats doivent répondre aux obligations du marché (rentabilité ...). C'est dans ce contexte que comme de nombreuses autres entreprises, EDF a de plus en plus recours à la sous-traitance. Cette démarche économique vise à extrernaliser les coûts (mais aussi les responsabilités) dans un certain nombre de domaines. S'il s'agissait, initialement, de domaines à faible responsabilité et sans besoin de compétences spétialisées, cette situation a évolué pour concerner des secteurs plus sensibles. Dans cette démarche, le mandant vise, après transfert des services, une réduction des coûts en reportant la responsabilité de la qualité sur le sous-traitant qu'il "pressure". Une telle démarche a un intérêt économique et financier certain, mais pose varitablement question en matière d'éthique, de qualité et dans le nucléaire, en matière de sureté. D'ailleurs l'Etat, sous la pression de Bercy, participe à cette pression pour la "rentabilité financière" de l'entreprise, au détriment d'autres intérêts ...
Par ailleurs, l'Etat ayant quitté sa position de "seul actionnaire", il n'a plus la même capacité à contrôler et à imposer les conditions d'exploitation du parc nucléaire. Certes un organisme de contrôle existe, l'Autorité de sureté nucléaire (ASN), mais elle dépend comme au Japon du même ministère que celui en charge de promouvoir le développement de l'industrie nucléaire. La situation française n'est pas aussi opaque que celle observée au Japon, quoiqu'en disent certains écologistes, elle est cependant loin d'être parfaite. Et si aucun accident n'est pour le moment à déploirer, les derniers incidents graves devraient réinterroger sur les conditions de prolongation d'exploitation des centrales les plus anciennes. Et pas simplement sur des considérants économiques.
La situation de l'AFSSAPS est très similaire à celle de nombreuses autres agences en France. L'incident du MEDIATOR devrait non seulement interroger sur les conditions de contrôle des mises sur le marché des médicaments, mais aussi tous les systèmes de contrôle existants pour vérifier les risques (parfois avérés) de collusion.
Enfin, le Gouvernement a souligné, au cours des dernières semaines, les particularités de la situation française qui devaient assurer les conditions de maintien d'un niveau de sureté adéquat concernant le parc électro-nucléaire. Mais ces particularités son justement celles évoquées ci-dessus, et qui pourraient évoluer dans le mauvais sens, surtout dans le cadre économique ultra-libéral et "anti-environnemental" porté par le Président de la République. Pour autant rien n'est perdu et il est encore temps de changer son fusil d'épaule.
La gestion de la centrale nucléaire, puis de la crise, par Tepco, après les reproches faits aux institutions financières dans leur responsabilité dans la crise de 2008, devraient alerter les pouvoirs politiques des pays "développés" sur l'impasse dans laquelle nous a engagé la mondialisation associée au royaume de la finance. Mais il semblerait que les plus grands donneurs d'ordres restent aveugles, notamment parce
qu'ils ne disposent d'aucune solution alternative garantie, et que leurs soutiens sont ceux qui ont généralement le plus à perdre dans la mise en oeuvre des évolutions nécessaires. Pourtant, c'est bien le rôle du politique que de fixer des orientations et prendre les décisions adéquates en situation d'incertitude, chose qu'ils préfèrent oublier.