L'assaut final des rebelles ivoiriens pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir semble imminent et le président sortant n'a qu'une alternative: fuir ou provoquer un bain de sang en Côte d'Ivoire.
Les partisans d'Alassane Ouattara, considéré comme le vainqueur de l'élection présidentielle de novembre dernier par la quasi-totalité de la communauté internationale, ont gagné beaucoup de terrain depuis trois jours, se rapprochant d'Abidjan par le centre, l'est et l'ouest.
Ils contrôlent déjà la moitié nord de la Côte d'Ivoire et ont pris mercredi la capitale administrative du pays, Yamoussoukro, et le premier port d'exportation de cacao, San Pedro.
Les partisans d'Alassane Ouattara ne seraient plus qu'à quelques dizaines de kilomètres à l'est d'Abidjan et la facilité avec laquelle ils se sont rapprochés de la première ville du pays, où siège le gouvernement de Laurent Gbagbo, a surpris beaucoup de spécialistes.
"Ils font bien mieux que je ne le pensais", dit un diplomate occidental en poste à Abidjan. "Ça ressemble à une offensive bien préparée, de longue date, qui avance plus vite que prévu."
"Le message qu'ils nous donnent, c'est qu'ils en ont assez d'attendre la démission de Gbagbo et sont déterminés à en finir. Mais beaucoup dépend de l'unité du camp Gbagbo", observe-t-il.
Certains analystes s'attendent à ce que les forces pro-Ouattara rejoignent Abobo, bastion d'Alassane Ouattara dans le nord d'Abidjan, dans les heures à venir.
Mais ce n'est pas parce que la défaite de Laurent Gbagbo semble écrite qu'il ne tentera rien. Au pouvoir depuis dix ans, il se moque depuis quatre mois des sanctions et condamnations internationales et des menaces d'une intervention militaire.
Dans les milieux diplomatiques, on craint qu'il ne choisisse de combattre plutôt que d'accepter les propositions d'accueil de dirigeants étrangers.
Et si les soldats fidèles à Gbagbo doivent se livrer une seule et dernière fois, ce sera à Abidjan.
L'armée et la gendarmerie sont considérées comme étant divisées mais les analystes estiment que, pour cette raison, Laurent Gbagbo les a sous-dotés en armement et en argent.
Le président ivoirien a favorisé son unité d'élite, la Garde républicaine, forte de 2.500 hommes.
"Avec la Garde républicaine, il y aura des combats. La question est de savoir s'ils pourront les faire durer", dit Samir Gadio, spécialiste de la Côte d'Ivoire à la Standard Bank.
S'ils ne le peuvent pas, cela laisse à Laurent Gbagbo une arme autrement plus imprévisible, potentiellement la plus dangereuse: ses Jeunes Patriotes.
Galvanisés par la propagande antirebelles, antifrançaise et anti-onusienne, ces jeunes gens souvent désoeuvrés sont en colère et prêts à se battre. Dans le passé, ils étaient peu armés et ont quand même su semer le chaos.
"Donnez des armes aux jeunes, c'est la dernière option, et le bilan civil sera très élevé. Donnez des kalachnikov à des cerveaux intoxiqués, ils tueront encore plus de civils", prédit Renaldo Depagne, de l'ONG International Crisis Group.
"Une partie d'entre eux veut se battre jusqu'à la mort. Certains sont vraiment fous, ce sont des adolescents suicidaires, mais on ignore combien."
Le risque est que ces Jeunes Patriotes s'en prennent particulièrement aux expatriés français, Paris étant considéré comme le cerveau d'une opération anti-Gbagbo.
Une guerre civile à Abidjan, capitale économique densément peuplée, serait de toute façon meurtrière.
"La bataille d'Abidjan sera sanglante si les deux camps utilisent des armes lourdes", dit Renaldo Depagne. "Bombarder la brousse, c'est une chose, mais en environnement urbain, c'est épouvantable."