Depuis mercredi, Nicolas Sarkozy est en déplacement en Chine. Il s'éloignait ainsi du tumulte franco-UMP. En France, la droite classique est en émoi. Le spectre d'une déroute annoncée en 2012 stresse les plus coriaces. A Pékin, le Monarque fut reçu par le président de la plus grande dictature du monde. Pas question de parler droits de l'homme. Mais la Chine ose désapprouver l'intervention occidentale en Libye. Pas rancunier, Sarkozy voulait surtout conforter le sort de la filière nucléaire française, à quelques heures d'une visite expresse ... au Japon voisin.
Le rebond ou le big bang
Le désaccord stratégique au sommet de l'UMP est donc majeur. Pour ou contre le débat sur l'Islam - pardon - la laïcité ? Surenchère sécuritaire ou agenda social et économique ? Rapprochement sémantique puis politique avec le FN ou rassemblement de la droite plurielle ? Les questions sont nombreuses, et clivent le camp présidentiel. Certains font semblant, aujourd'hui, de découvrir que nombre de digues ont sauté. La Sarkofrance ne s'est pas berlusconisée en quelques jours. Mercredi, les représentants des 6 grandes religions de France, rassemblées au sein de la Conférence des responsables de culte en France (juif, musulman, catholique, protestant, bouddhiste et orthodoxes), ont désapprouvé, dans une tribune, l'organisation du débat sur la laïcité par l'UMP. Le coup est symbolique mais rude pour un Monarque qui ne cesse de faire ostensiblement le signe de croix quand il visite une église.
Il paraît que l'après-Sarkozy a commencé. C'est sans doute vrai. Les lionceaux quinquagénaires Copé et Fillon se disputent déjà le territoire du Monarque. Mais ce dernier bouge encore. Il lui reste treize mois de campagne. Depuis plus d'un an déjà, le candidat Sarkozy a dynamité son propre camp, rétréci l'UMP à une caricature bourgeoise et raciste. Olivier Ferrand, de Terra Nova, rappelait mercredi, comme d'autres, combien Nicolas Sarkozy a choisi de mettre « en œuvre une rupture anti-humaniste », par le biais de stigmatisations répétées.
Près de 10 ans après sa création, on s'interroge désormais sur les chances de survie politique de l'UMP. Cette évolution est d'autant plus étonnante que Nicolas Sarkozy, tout au long des 4 premières années de son mandat a pu tour à tour jouer de tous les registres : libéral en 2007, interventionniste en 2008, sécuritaire depuis 2009, monarchique tout le temps.
Il est pourtant fort probable que d'ici quelques mois, quand les principaux candidats de l'opposition seront connus (socialiste, écologiste, centriste, etc), le Monarque change de posture. Les candidatures écolo et socialiste, si elles apparaissent suffisamment centristes, bloqueront ou, à défaut, gêneront les velléités des Borloo, Bayrou, Villepin et autres Morin. Le Monarque aura alors le temps d'agréger d'autres arguments plus sociaux-centristes à son porte-feuille de promesses.
Libye contre droits de l'homme
Pour l'heure, il a filé en Chine. Et vendredi, il sera le premier chef d'Etat étranger à se rendre au Japon depuis le tremblement de terre du 11 mars dernier. Ce déplacement chinois était prévu de longue date, mais son agenda a été modifié par l'actualité.
On avait fini par oublier que le Monarque présidait l'organisation des G20 et G8 cette année. Depuis novembre dernier, les résultats ont été minces. Il reste à peine six semaines, avant la tenue du G8 français à Deauville, les 26 et 27 mai prochain. Pour cette visite, Sarkozy ouvrira, ce jeudi à Nankin, un séminaire des ministres des finances du G20 sur la réforme du système monétaire international, « autrement dit de l'ensemble des mécanismes et des institutions qui visent à organiser et à réguler les échanges monétaires internationaux, ainsi que l'organisation des régimes de change. » La veille, il rencontrait son homologue chinois Hu Jintao, accueilli en France en grandes pompes et multiples courbettes en novembre dernier. Ils ne parlèrent pas droits de l'homme ni démocratie. Hu Jintao avait parfaitement lu la grande et belle déclaration franco-britannique de lundi dernier, qui se concluait par cette maxime bien légitime de Tripoli à Pékin : « Comme tout autre peuple, il a le droit de choisir librement ceux qui le dirigeront. »
La Libye s'est évidemment incrustée dans les débats. Au grand dam du président français, les médias officiels chinois relayèrent les critiques de leur autocrate local à l'encontre de l'intervention onusienne en Libye : « L'histoire a, à plusieurs reprises, prouvé que l'utilisation de la force n'était pas la solution appropriée pour résoudre les problèmes, et qu'elle les rendait même plus compliqués » a déclaré Hu Jintao. « Le dialogue et d'autres moyens pacifiques sont les solutions les plus adéquates pour résoudre les problèmes. (...) Si l'action militaire engendre des catastrophes pour les civils et provoque une crise humanitaire, alors elle va à l'encontre de l'objectif initial de la résolution des Nations unies. (...) Nous avons remarqué que certains pays et organisations régionales avaient donné des propositions et suggestions pour essayer de résoudre la crise en Libye, et ils ne manquent pas d'idées constructives.»
Aussitôt, l'entourage du président français minimisa le désaccord. Il n'y aurait qu'une « nuance » entre les positions françaises et chinoises.
Nucléaire à vendre
A Pékin, Sarkozy voulait surtout vendre, encore et toujours, un peu de nucléaire français. Il paraît même que la catastrophe nucléaire de Fukushima fut l'un des « sujets prioritaires » du tête-à-tête entre Nicolas Sarkozy et Hu Jintao, au Grand Palais du peuple mercredi soir. L'un des diplomates présents à ce dîner de travail confirme : « Les deux présidents ont convenu qu’il était très important de garder son sang froid, tout en prenant compte des difficultés de Fukushima.» A l'Elysée, on veut toujours croire au futur atomique : « Fukushima n'invalide pas la pertinence du nucléaire civil » avait confié un conseiller présidentiel au Figaro.
La Chine est un (futur) gros client pour la filière française : 27 réacteurs sont en chantier pour porter la flotte atomique chinoise à 66 réacteurs d'ici 2020. Deux EPR sont en construction. Qu'importe si, à quelques centaines de kilomètres de là, le Japon découvre jour après jour les affres d'une catastrophe nucléaire grandeur nature. Nathalie Kosciusko-Morizet, la silencieuse ministre de l'Ecologie s'est inscrutée à la dernière minute dans le voyage. Elle a annulé une rencontre, à Paris, avec son homologue suisse.
Vendre du nucléaire quelques semaines après une catastrophe atomique ? Tout est possible avec notre Monarque.